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Habib Réda et ses souvenirs
Publié dans Le Soir d'Algérie le 29 - 05 - 2014


Par Ali Haroun.
Il y a exactement un an, le 29 mai 2013 décédait mon ami Mohamed Hattab plus connu sous le pseudonyme de Habib Réda, son nom de scène. Artiste de talent durant la décennie précédant le déclenchement de la Révolution, il allait révéler des qualités rares de militant, moussebel et fidaï pendant la lutte de Libération.
A l'époque je n'avais suivi ses exploits que par la presse, mais lorsque, après 1958, les condamnés à mort graciés furent transférés en France et répartis entre différentes prisons, Habib Réda et d'autres compagnons furent incarcérés à Lille. C'est alors que le Comité de détention de la prison de Loos-les-Lille transmit à la Fédération de France du FLN, la liste des nouveaux arrivants pour les prendre en charge par le biais des «Comités de soutien aux détenus (CSD). Pour ma part je retrouvais les noms des Algérois qui ne m'étaient pas inconnus et me réjouissais que la Fédération de France puisse, en fonction des circonstances, leur venir en aide.
Après l'indépendance, je ne pouvais me passer d'évoquer cette période avec mon ami pour confronter nos souvenirs, lui, comme détenu, et moi depuis l'extérieur des murs de la prison dont les échos parvenaient au Comité fédéral par les rapports des avocats du Collectif.
Le texte ci-après reflète nos entretiens des 22 mai et 25 juin 1984 au 5, rue Ali-Boumendjel à Alger et celui du 6 janvier 2012 à Dely Ibrahim où Habib Réda, déjà très affaibli par la maladie, était soigné par des membres fidèles de sa famille.
Par respect pour la mémoire de ce grand homme, et pour contribuer à préserver la vérité quotidienne des militants du FLN authentique, il a paru aujourd'hui utile, trente ans après leur enregistrement, de publier ces témoignages rendant compte des sacrifices, non seulement de Habib Réda mais de tous ses compagnons, héros anonymes, que lui de son vivant n'avait jamais oubliés, et que notre Histoire officielle ne saurait occulter.
Entretien du 22 mai 1984
Pour mon activité au sein du FLN et spécialement au cours de la «Bataille d'Alger», j'ai fait l'objet de 5 procès au cours desquels j'ai été : 1) condamné à 20 ans de prison, 2) condamné à 3 ans de prison, (dans l'affaire des photographes), 3) condamné à mort (deux fois). Au cours des 5 procédures, j'ai été défendu par Maître Yves Gonon avocat à Alger, qui a soutenu des militants du FLN tout au cours de la guerre et avait – je crois – sollicité la nationalité algérienne après l'indépendance. J'ai été détenu dans plusieurs prisons d'Algérie. Par la suite graciés, nous étions une centaine de condamnés à mort, entre 105 et 110 si je m'en souviens bien, nous fûmes transférés de Barberousse (aujourd'hui Serkadji) à Maison-Carrée (El Harrach) puis à Berrouaghia, de nouveau à Maison-Carrée puis finalement en France. Ces décisions de transfert en France ont été prises, semble-t-il, par Michelet (ministre français de la Justice à l'époque) qui craignait à juste titre que les ultras d'Algérie profitent de cette période de trouble pour nous liquider dans les prisons où nous étions à leur merci. Avec environ 80 de nos frères condamnés à mort graciés, nous sommes donc incarcérés à Loos-les-Lille dans le nord de la France.
Dès notre arrivée (durant les premiers mois de 1961 si j'ai bonne mémoire) le Comité de détention du FLN qui nous réserve un accueil des plus fraternels, nous explique que les détenus FLN bénéficiaient du régime «A», ce qui leur permet de nous accueillir dans de si bonnes conditions. A cette époque, le Comité est dirigé par deux cadres : Cherrid (qui sera plus tard médecin) et un militant originaire de Guelma dont je ne me souviens plus du nom. La vie à l'intérieur de la prison est gérée par l'organisation du FLN. Aussi pour toute question intéressant notre communauté, l'administration s'adresse au Comité de détention et non au détenu. Peu de temps après notre arrivée, les frères connaissant le passé et la position hiérarchique des nouveaux venus conviennent de reconstituer le Comité de détention qui comprend alors : Hadj Benalla (arrivant d'Oran), Rebbah Lakhdar, moi-même et deux autres membres dont j'ai oublié les noms. Pour ma part, j'étais chargé de l'information. Le convoi venant d'Alger comprenait plusieurs «têtes brûlées» comme Abbaza Omar Hamadi, Dhaoui (auteur de plusieurs attentats, un obsédé de l'évasion) et Lakhdar El Harki. Dans ce but, il avait constitué un groupe composé de Noui et deux autres.
De notre côté, nous avions constitué un autre groupe toujours dans le même but. Il était composé de : Omar Hamadi, Hamid Guerrab, Rebbah Lakhdar, Tikniouine Mohamed et moi-même. Par discipline, nous ne voulions pas entreprendre l'évasion sans en avertir au préalable Hadj Benalla, le président du Comité de détention. Il nous demanda de lui expliquer notre plan avant de nous donner le feu vert.
Ma mère avait obtenu l'autorisation de venir en France pour me rendre visite. A cet effet, elle contacte le père Marsil que beaucoup de familles de la Casbah connaissaient sous le nom de «Sid Ahmed». Ce Père Blanc avait aidé beaucoup de militants avec lesquels il avait lié des relations d'amitié lorsqu'ils étaient scouts ou jeunes gens. Etant intervenu souvent en leur faveur auprès du général Massu, celui-ci finit par le suspecter «d'aide aux terroristes du FLN», le fait expulser d'Algérie et renvoyer dans son «douar d'origine» (comme on disait à l'époque) qui était justement la ville de Lille. L'ecclésiastique apprenant ma présence à la prison exprime le désir de me voir. Il me contacte et j'en suis très satisfait. C'est ainsi que ma mère qui à son âge s'aventurait en pays inconnu fut hébergée au presbytère de l'église du père Marsil. Il ne pouvait y avoir meilleure et plus sûre liaison avec l'extérieur qu'un curé.
Les diverses tentations d'évasion
J'entre ainsi en relation avec mon beau-frère qui habite Paris. Celui-ci parvient à nous faire passer des scies à métaux camouflées dans du pain. Mais ce projet n'aura aucune suite. Plus tard, nous constatons que les malades graves sont pris en charge par l'hôpital de la ville. Guerrab préparait la liste des malades. Nous lui proposons de nous inscrire tous les quatre pour le même jour de transfert à l'hôpital. Et comme Omar Hamadi s'était procuré un révolver, nous pensions nous en servir éventuellement pour couvrir notre évasion en braquant les deux gardiens. Ce projet n'aura pas de suite pour nous parce que, entre-temps, le père Marsil nous recommanda une visiteuse de prison qui, elle-même, était en relation avec le père De Schemaker qui était en contact direct avec le «nidham» local. Ainsi les frères de la Fédération de France étaient prêts à nous prendre en charge et nous transporter aussitôt en Belgique une fois les murs de l'enceinte franchis. En militants disciplinés nous mettons au courant Hadj Benalla, chef du Comité de détention. Il nous approuve. Mais pendant qu'on se préparait, il nous court-circuite avec son équipe. Ils vont malheureusement échouer parce qu'ils ne possédaient aucune arme pour tenir les gardiens en respect et assurer leur évasion. Après cette tentative Hadj Benalla et un autre frère sont transférés à l'île de Ré, et la sécurité va être sérieusement renforcée.
Entretien du 25 juin 1984
De notre côté, l'idée de nous évader nous habitait en permanence. J'eus l'occasion de sympathiser avec un Vietnamien qui, après avoir lutté dans les maquis du Viet Minh, était venu en France et s'était mêlé d'une affaire de braquage et de casse au sein d'un groupe de truands. Il écopa de 20 ans d'emprisonnement. Comme ancien détenu de droit commun chargé de certains travaux, il avait appris que Loos est une très ancienne abbaye, traversée en dessous par tout un réseau d'égouts dont le principal donnait sur l'extérieur de l'enceinte. Après cette précieuse information, je décidai de tenter une nouvelle chance. J'en informai alors Omar Hamadi, Mohamed Tikniouine et Rebbah Lakhdar qui faisait partie du Comité de détention avec Hadj Benalla. Nous nous mettons à l'oeuvre pour recueillir les renseignements utiles à la réussite du projet. D'après le Vietnamien, une torche électrique est absolument indispensable. Notre contact parvient à nous la faire parvenir. Mon ami «droit commun» me donne encore d'autres précisions sur le réseau souterrain et notre préparation allait bon train lorsque nous constatons chez certains de nos compagnons détenus, un comportement assez curieux. Ce groupe était composé de Dhaoui, Hanine, un certain Lakhdar et deux autres compagnons dont j'ignorais les noms. Connaissant Dhaoui pour qui l'évasion est une idée fixe, j'ai pensé : ils sont sur la même affaire que nous. Depuis on s'est mis à se surveiller mutuellement. Notre projet mûrissait. Nous pensions en définitive que le meilleur moment pour tenter le coup, c'était la séance de cinéma. En effet un après-midi par semaine il était projeté un film destiné aux prisonniers, mais auquel la plupart des gardiens assistaient ; quant aux autres ils relâchaient la surveillance puisque les détenus se trouvaient au cinéma.
Le jour convenu nous nous arrangeons pour occuper la dernière rangée près de la porte de sortie de la salle. Le film commence. Nous sommes attentifs. Bientôt une situation insolite attire notre attention : Dhaoui et son groupe se sont également tous assis dans la dernière rangée pas loin de nous. Tiens !.... ils ont dû penser au même scénario ; ils se préparent !... Mais pas du tout. Pour eux c'était bien le jour «J». Bientôt Dhaoui s'éclipse à la faveur de l'obscurité. Ses amis suivent discrètement l'un après l'autre. Nous suivons le manège pendant que les gardiens sont captivés par le film. Omar Hamadi me chuchote à l'oreille : «Dhaoui nous a planté un drapeau. Il ne faut pas rater l'occasion.» Aussitôt nous prenons la décision de partir, car après cette tentative la filière sera définitivement grillée. Nous sortons tous les trois du cinéma. Les gardiens sont toujours absorbés par l'intrigue du film. Comme Tikniouine savait que Dhaoui préparait sa fuite à travers les égouts, il se précipite vers la dalle servant de regard. Elle est ouverte. Pas de doute, Dhaoui et son équipe sont passés par là. Tikniouine s'empare au passage de la torche électrique. Nous nous engouffrons dans la canalisation pour rattraper les premiers fuyards et profiter de leur connaissance des lieux. Malgré notre précipitation nous sentons que d'autres détenus nous suivent. Décidément, le secret des égouts a dû être éventé.
Nous voici donc à quatre pattes rampant dans ce boyau obscur et nauséabond. Hamadi est en tête. Il tient la lampe entre les dents. On se suit à la queue-leu-leu, chacun tenant le pied du précédent. Nous arrivons bientôt devant un croisement de plusieurs boyaux. Lequel prendre ? Alors catastrophe : la torche de Hamadi lui échappe de la bouche et tombe dans la gadoue. C'est le noir absolu. Quoi faire ? Continuer c'est aller au trépas. La mort dans l'âme nous décidons de rebrousser chemin. Pour ne pas nous perdre nous ne brisons pas la chaîne : chacun tenant le pied de son voisin de devant. Nous retrouvons ainsi le regard par où nous sommes entrés. La tête hors du trou, nous trouvons le directeur et les gardiens attendant paisiblement de nous récupérer. Nous, sales, noirs et puants, nous paraissions bien minables devant cette «haie d'honneur». Notre tentative avait piteusement échoué. Mais nos devanciers de quelques minutes allaient retrouver l'air libre. Pris en charge par les frères de la fédération de France du FLN, ils sont passés en Belgique puis en Allemagne pour rejoindre ensuite la Tunisie ou le Maroc. Cette aventure s'est passée vers la mi-1961. Après l'indépendance, j'ai eu l'agréable surprise de rencontrer un membre du groupe Dhaoui comme gendarme motocycliste attaché aux convois officiels.
Je retrouvai mon ami qui durant 28 années avait vécu le plus souvent en France et aux Etats-Unis d'Amérique. Nous reprenons la discussion.
Entretien du 6 janvier 2012
Après lecture des termes de nos entretiens des 22 mai 1984 et 25 juin 1984 - à Alger, rue Ali-Boumendjel - je voudrais apporter quelques précisions, même si à mon âge (92 ans) ma mémoire n'est pas toujours fidèle. Cependant, si j'oublie sur le moment quelques noms ou évènements, cela me revient après. Aussi je pense que ce que je vais dire correspond en gros à la réalité.
— En ce qui concerne mes deux condamnations à mort, je pense que j'ai été jugé une première fois — vous retrouverez la date précise dans les journaux— et l'arrêt ayant été cassé, j'ai été une deuxième fois jugé par un tribunal militaire qui m'a de nouveau condamné à mort. J'ai été principalement poursuivi comme le chef du groupe qui a placé les bombes dans les lampadaires. Ceux-ci ont explosé à quelques dizaines de minutes d'intervalle à un moment de grande affluence, ce qui a entraîné beaucoup de morts spécialement dans la population européenne. Mon groupe se composait de plusieurs cellules qui s'ignoraient les unes les autres. Parmi les militants de ces cellules, il y avait Hamid Kadri chef de cellule, Mohamed Boumlir, Boualem Khaddache très connu à Alger sous les sobriquet de «Tapioca», Abderrahmane Bellal, StasaId... et bien d'autres, dont le noms me reviendront plus tard je l'espère. La plupart ont été arrêtés et certains lourdement condamnés. Je sais que lorsqu'il avait été recherché par les paras «Tapioca» avait trouvé refuge chez les bonnes sœurs de la rue Saint-Vincent-de-Paul dans la Basse-Casbah au-dessous de «Djamâa Lihoud». Par la suite, c'est père Marsil qui l'a transporté dans sa «2 CV» au maquis de la Wilaya IV du côté de Beni-Misra. Dans cette affaire des «lampadaires» sont intervenus un certain nombre de militants dont Nourreddine Zememzer et mon frère Madjid Hattab qui a dû quitter la Zone autonome pour rejoindre le maquis, où il tomba comme chahid dans les rangs de la Wilaya IV. En plus des lampadaires beaucoup d'autres bombes ont été déposées, avenue de la Marne, aux «Deux-Entêtés», etc.
Dans une autre affaire dite «l'affaire des photographes», j'ai été condamné à 20 ans de prison. A un certain moment, l'armée française (je pense qu'il s'agissait des Zouaves) avait exigé de tous les habitants de la Casbah de fournir leur photographie. C'était évidemment pour ficher la population de la vieille ville d'Alger, ce qui était très grave pour nos militants et leurs familles. A l'époque, on ne pouvait faire sa photo que dans un studio de photographe, car on ne disposait pas des moyens d'aujourd'hui tels que les appareils photographiques et les portables. Yacef Saâdi me demande d'agir en sorte que l'opération soit complètement boycottée. Nous faisons courir l'ordre du FLN de refuser de remettre sa photo à l'armée. Cet ordre était donné par tracts et je me souviens que le groupe de Hamid Kadri était chargé de les distribuer. Mais, bien entendu, la population avait peur de désobéir à l'armée française, mais il n'était pas question pour nous d'abattre les récalcitrants. Le FLN allait donc s'attaquer aux principaux studios, ceux de la rue Bab Azzoun comme «Mikalef» et ceux de la rue Bab-El-Oued. On s'y employa par des cocktails Molotov et certains photographes furent l'objet d'attentats. Tout le monde avait compris que l'ordre du FLN devait être respecté et exécuté. La police et l'armée ont fini par remonter la filière jusqu'à nous. Beaucoup de ceux que je viens de citer ont été arrêtés et torturés. J'ai oublié de rappeler dans ce groupe le nom de Rezki Basta ainsi qu'un chauffeur de taxi nommé Bir. En tout, une trentaine de militants. Comme chef de tout le réseau, le tribunal militaire m'a fait endosser l'entière responsabilité de l'opération.
Une autre affaire inconnue mérite d'être racontée. Des militants du FLN de Boudouaou (alors dénommé L'Alma) nous avaient demandé de les débarrasser du caïd Okba. Avec ses médailles fièrement arborées sur son burnous, le caïd narguait les patriotes en menant une propagande ouverte en faveur de l'administration coloniale. Il venait régulièrement le vendredi à la Grande Mosquée d'Alger pour faire sa prière. Après quoi il reprenait le bus bleu de la Satac pour rentrer à Boudouaou. Nous avions créé trois cellules indépendantes l'une de l'autre pour effectuer l'opération. Les éléments choisis de préférence en fonction de leur physique «européen», correctement habillés et cravatés, devaient passer inaperçus. Je me souviens qu'au sein de ces trois cellules, il y avait entre autres : mon frère Madjid, Boualem Tapioca, Aouicha l'actrice et la sœur de Fadéla Dziria. Ceux chargés de l'opération «Caïd Okba» l'ont suivi depuis sa sortie de la mosquée. Le caïd Okba prend le car et nos fidayine y montent après lui. Le moussebel désigné devait, devant les voyageurs, lui lire rapidement les motifs de sa condamnation, et lui loger une balle dans la tête. Il appartenait aux deux autres compagnons chargés de le couvrir, d'obliger le chauffeur à s'arrêter au moment choisi, pour permettre aux trois militants de quitter le bus. Tout se passe comme prévu. Mais le caïd ne meurt pas sur le coup. Transporté à l'hôpital Mustapha, il reste plusieurs jours dans le coma, puis meurt sans reprendre connaissance. Je dois préciser que notre groupe de fidayine clandestins opérant à l'hôpital, était chargé de l'achever, s'il reprenait connaissance parce qu'il devenait un témoin très dangereux.
Comme je l'ai dit précédemment, j'ai été détenu dans plusieurs prisons, en Algérie puis en France. Pour notre transfert, nous avons été embarqués sur le bateau – Ville d'Oran ou Ville d'Alger je ne me souviens plus – dans des cabines spécialement gardées. A Marseille, on nous met dans des wagons spéciaux et à partir de Paris dans des bus jusqu'à la prison de Loos-les-Lille, où nous arrivons à 4 heures du matin. Nous sommes reçus très chaleureusement par les frères, comme je l'ai dit dans notre précédent entretien. Je voudrais rappeler par ailleurs que jusqu'au jour du prononcé de la grâce qui a entraîné notre transfert en France, nous avions en permanence les mains enchaînées et, pour la promenade d'une demi-heure par jour, nous avions les pieds entravés par une chaîne en fer.
A propos de la visite de ma mère à Lille, je voudrais préciser qu'elle est venue avec la mère de Omar Hamadi. Elles ont toutes deux été hébergées par le père Marsil et je me souviens que lui-même est venu me rendre visite à deux ou trois reprises. En évoquant le nom de ce militant hors pair qu'était Omar Hamadi, j'ai été gravement choqué d'apprendre qu'il fut abattu par le FIS durant les années 1990.
Après réflexion, et en sollicitant ma mémoire, je crois que pour la tentative d'évasion de la prison de Lille ce n'étaient pas nous qui avions informé Hadj Benalla du projet mais Hamid Guerra qui, comme je l'ai dit, faisait en quelque sorte fonction d'infirmier. Suite à l'échec de cette tentative, Hadj Benalla a été transféré à l'île de Ré en compagnie de Abderrahmane Benhamida.
Il me semble que sur ce plan des prisons et des tentatives d'évasion rocambolesques, l'on pourrait obtenir beaucoup d'informations de Georges Accampora qui fut condamné à mort pour sa participation à la lutte de Libération, et détenu avec moi dans la même cellule où nous ont rejoints un frère militant dont je ne me souviens plus du nom, ainsi qu'un soldat français Serge Loubes qui avait déserté. Arrêté à Bizerte en Tunisie, Loubes fut condamné pour haute trahison en faveur des «rebelles», c'est-à-dire du FLN. Il eut au cours de sa détention un comportement admirable. Transféré dans une autre prison française, il s'en est évadé. Après l'indépendance, il était d'ailleurs revenu en Algérie pour me revoir tellement sa détention à nos côtés dans le couloir de la mort en avait fait un autre homme.
Bien sûr, j'aurais encore beaucoup à raconter si ma mémoire ne me faisait pas défaut... et si le temps qui me reste à vivre sera suffisant.


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