En tenant cette rencontre pour une évaluation objective de la situation sanitaire du pays, le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière a voulu, à partir de Constantine, donner le la à une remise en cause de tout ce qui a été entrepris jusque-là. Pour Abdelmalek Boudiaf, c'est un projet de société, toute proportion gardée, cela s'entend : «Effectivement, le secteur de la santé suppose une intersectorialité bien réelle, nous travaillons de concert avec l'ensemble des institutions, mais plus encore avec le citoyen, toutes classes confondues. Ainsi la notion de citoyenneté trouve sa pleine signification quand il s'agit de comportements et autres attitudes, je réitère ce concept, puisqu'il en est un, que nous devons nous projeter dans l'avenir et nous préparer à nous hisser à un rang supérieur pour atteindre un niveau appréciable, nous avons les moyens, aussi bien humains que matériels, il nous reste à les capitaliser, les rentabiliser avec un brin de rationalité, chose que nous pouvons faire, à condition bien sûr que les volontés soient présentes, en tous cas, pour moi je m'y attelle corps et âme, il y va de notre avenir.» En fait, sur les deux jours, prévus pour cette rencontre, le ministre a écouté, presque religieusement, l'ensemble des intervenants, composés des cadres locaux des structures de santé publique de la région Est, mais aussi de privés qui ont été associés à cette démarche. Si pour certaines structures, des manques ou des défaillances ont été enregistrés, notamment celles de la wilaya de Mila, auxquelles le ministre a promis de réserver un traitement spécifique, celles de la wilaya de Béjaïa ont obtenu l'approbation du ministre, tant l'exposé qu'ont livré les responsables de santé étaient très encourageants. Et pour preuve, lorsque le directeur du CHU a évoqué le portail de la maternité de Béjaïa en expliquant : «Nous avons constitué une véritable base de données des parturientes de la wilaya avec le concours de spécialistes de l'informatique en réunissant l'ensemble des informations spécifiques (un questionnaire de 36 points) à chacune d'elles, anonymement cela s'entend, ceci nous permettra d'anticiper sur les accouchements qui vont se dérouler à une date bien précise, sur la base de ce type d'informations, cela nous permet en plus de prévoir tous les moyens humains et matériels pour un accueil efficace, c'est un projet qui attend sa validation, mais d‘ores et déjà, nous avons toutes les données des parturientes de la wilaya depuis plusieurs mois déjà. J'ajoute que ce portail profitera en toute discrétion aux mères célibataires qui pourront bénéficier de cette prise en charge dans les meilleures conditions possibles.» En effet, notre interlocuteur nous apprend que de par cette démarche, la wilaya de Béjaïa va être primée en France pour ses efforts dans le cadre de la Word Quality Commitment. Par ailleurs et lors de ses multiples interventions, le ministre n'a pas manqué de signaler aux présents la nécessité de la rationalisation des moyens existants dans les structures de santé, il dira à ce propos : «Quand bien même l'on nous signale des insuffisances à travers toutes les structures du pays, c'est en parfaite connaissance de cause que je vous dis que l'existant est déjà énorme, c'est le manque de rationalisation qui fait défaut et je vous invite avant que vous ne formulez vos demandes de bien utiliser ce dont vous disposez entre vos mains, les autres insuffisances, je les accorderai si le besoin est pressant et justifié.» En effet, cette vision, telle que l'entend le ministre s'articule sur un axe bien précis, à savoir la carte sanitaire du pays qu'il faut impérativement parfaire et mettre à exécution, elle permettra aux professionnels de la santé de mieux gérer leurs activités et une meilleure prise en charge pour le malade. Le ministre étayera ses propos en disant : «Nous devons arriver à ce que le citoyen sache dès le premier malaise, où se diriger, il est impensable de laisser le malade ou ses accompagnateurs se perdre dans un circuit sanitaire perplexe, insuffisant et souvent fatal.» Pour cela, le ministre insistera encore plus sur le maillage des structures de santé. C'est le principe, dit de ceinture qui incite les structures de proximité à être opérantes, 24h/24 et dotées au moins d'une radio et d'un laboratoire pour les différentes analyses, cela permettra aux grandes structures comme les CHU de se livrer à d'autres tâches, comme les opérations chirurgicales lourdes ou encore la recherche. Concernant le médicament, le ministre ne tarit pas d'éloges, le gain exceptionnel enregistré sur un médicament que l'on importait à un prix exorbitant, «après une étude approfondie», dira le ministre, «nous avons ramené ce prix de 1 900 $ à 298 $, la boîte». C'est un autre volet de la santé publique qui fait tache d'huile en ces moments de «disette», d'où l'impérieuse nécessité pour l'Etat d'encourager la production nationale qui avance à grands pas, mais que les pratiques de certains barons du médicament entravent. En revanche et à une question relative à la prise en charge des personnes du troisième âge, dans le cadre de la nouvelle loi sanitaire qui sera présentée aux deux Chambres, le ministre, bien qu'il prévoit certaines améliorations dans une spécialité qui n'a pas eu ce qu'elle mérite, la gériatrie en l'occurrence, il dira : «Nous avons pensé aux personnes âgées quant à leur prise en charge mais je préconise celle des parents, les structures d'accueil que l'on a visitées en Europe ne nous ont guère convaincus.» Un bémol de la part du ministre qui omet que l'espérance de vie a atteint les 76 ans et qu'à ce titre, la prise en charge de ces personnes, très spécifiques à leur état, nécessite une plus grande attention. Les pathologies liées à cette frange de la population restent méconnues du public, voire des médecins eux-mêmes qui se contentent de prescrire des calmants, sans plus.