«Ana dicidit» ! «C'est spécifique» ! «C'est original» !... En quelques clics, ces phrases presque anecdotiques, au départ, ont connu une vie unique grâce à l'amplification exercée par les réseaux sociaux. ceux qui ont dénoncé sur le réseau social, pourquoi l'ont-ils fait et comment ils en parlent. «Ana dicidit», devenu culte dans les réseaux sociaux, en dénonciation du comportement d'une employée d'une entreprise publique, jugé inapproprié et dénigrant des consommateurs algériens, est une phrase qui traduit, dans le fond, cette prise de pouvoir de ceux qui ne veulent plus subir. Elle est aussi devenue, au fil du temps, le renvoi au pouvoir de dénonciation qu'ont ces mêmes consommateurs sur les réseaux sociaux. Le phénomène Zenda et la communauté DZ youtubers Habitués à surfer en mode isolé sur la Toile, les Algériens découvrent la capacité de mobilisation et de soulèvement des réseaux sociaux lors de la tempête médiatique déclenchée par les télés égyptiennes avant, pendant et un degré moindre après le match qualificatif à la Coupe du monde 2010 opposant l'Algérie à l'Egypte. En 2009, doit-on le rappeler, le paysage audiovisuel algérien ne comptait que la chaîne publique, l'Unique, qui ne pouvait se permettre la rhétorique et la virulence des propos des chaînes satellitaires du Nilesat qui firent tout pour transformer une simple rencontre de foot en crise diplomatique. Si la presse écrite locale tente de faire entendre la voix du supporter algérien, c'est du côté des jeunes internautes que les plus marquantes ripostes viennent, particulièrement d'un jeune émigré établi à Londres. En quelques jours, les vidéos postées sur la plateforme Youtube par Zenda cumulent des pics d'audience, des centaines de milliers de visualisation et autant de partages. Très vite, des dizaines d'autres créent leurs comptes sur la plate-forme d'échange de vidéos, prenant le soin de prendre à contre-pied leurs vis-à-vis égyptiens et privilégiant la parodie et l'humour plutôt que l'insulte. C'était là la première manifestation d'un phénomène qui allait s'installer dans les mœurs. Depuis, les initiatives se multiplient, prennent des formes différentes et visent des objectifs divers. Des lanceurs d'alerte à l'expression politique en passant par l'action de bienfaisance, les avis de recherche, la sensibilisation routière ou la mobilisation pour la prise en charge d'une urgence médicale, les pages des réseaux sociaux, facebook en tête, ne manquent pas d'initiatives. Hamid, 35 ans : «Le mouton de l'Aïd : le braire à la page» Si la rentrée scolaire a été marquée par des campagnes de collectes et de distribution d'articles scolaires, ces derniers jours, les pages se multiplient pour les opérations d'aide visant à offrir aux familles nécessiteuses des moutons pour le sacrifice de l'Aïd. Hamid fait partie de l'un de ces collectifs qui émergent de manière saisonnière pour pendre à bras-le-corps un besoin sociétal. Pour lui, «la solidarité a commencé durant l'enfance», raconte-t-il, «précisément dans les années 90 avec l'organisation du f'tour durant le mois de Ramadhan au profit des nécessiteux, des célibataires et des passagers». Hamid était émerveillé par la capacité de mobilisation et de réseautage d'un ancien parmi les fondateurs des Scouts musulmans qui arrivait à convaincre petits commerçants comme société civile à se rassembler autour de ce projet tout au long d'un mois. Pour notre interlocuteur, la même recette est reprise sauf que notre terrain d'action à franchi les frontières du quartier pour concerner l'ensemble de la wilaya et de la région. Depuis le début de la campagne, les jeunes de ce collectif ont livré plus de 30 moutons et Hamid ne désespère pas de doubler ce chiffre d'ici la veille de la fête. Pour lui, ce n'est pas impossible. «Nous savons qu'il y a beaucoup de bienfaiteurs, seulement ils n'ont pas le temps de chercher les bonnes personnes ou ne savent pas à qui s'adresser. Alors, nous le faisons à leur place en espérant pas plus que le sourire d'un enfant qui racontera à ses copains d'école comment était son mouton et son bonheur.» Les lanceurs d'alerte : ceux que les marques craignent Très loin des préoccupations humanitaires de Hamid, il existe un autre phénomène d'action sur les réseaux sociaux qui tentent de moraliser les comportements en dénonçant toutes sortes de dépassements, notamment ceux des entreprises qui usent de leur puissance pour abuser de la faiblesse des citoyens et des consommateurs. La pratique née aux Etats-Unis a vite fait de se propager en Europe et à travers le monde entier. Pour des entreprises soucieuses de leur image de marque, de leur engagement dans la société, les lanceurs d'alerte sont un véritable cauchemar. Avec les marketers et les communicants, la Toile était jusque-là un terrain de promotion et de publicité. Désormais avec des groupes sociaux issus de la société civile, les lanceurs d'alerte en particulier, ils doivent apprendre à gérer le revers de la pièce, soit la «crise» sur la Toile. En Algérie, plusieurs campagnes se sont appuyées sur cette technique de dénonciation pour alerter les consommateurs locaux des risques encourus. C'est le cas pour une célèbre marque de médicament retirée des officines en Europe et toujours en vente en Algérie. L'une de ces campagnes a même fait réagir le ministère de la Santé qui intervenait pour rassurer les patients quant aux dangers supposément exagérés dudit médicament. Une autre marque de lait infantile a vécu la même chose avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'une opération orchestrée par un concurrent qui voyait d'un mauvais œil la croissance de son rival. Cela n'empêche, depuis quelques mois c'est l'Association pour la protection et l'orientation du consommateur et de son environnement (Apoce) qui se met en mode «Alerte» en multipliant les actions sur sa page facebook. Des produits périmés aux produits mal faits ou présentant un danger pour la santé et la sécurité des consommateurs, tout est dénoncé. L'association Apoce se fait également remarquer par des opérations-choc comme celle appelant au boycott des poissons pour des prix jugés pas très nets. Désormais avec les réseaux sociaux, le citoyen reprend ses droits et commence à comprendre tout le parti qu'il peut en tirer. Gageons que ça ne s'arrêtera pas là.