Le développement de la coopération internationale et d'un cadre juridique universel est la résolution à prendre pour les années à venir. Tel a été le diagnostic des experts lors de la 4e édition du Symposium international sur la cybercriminalité ayant pour thème : «Souveraineté des données : problématiques et enjeux nationaux» organisé par le Word Trade Center Algiers. Naouel Boukir - Alger (Le Soir) - Les Ntic sont aujourd'hui au cœur des préoccupations politico-économiques. Cette source de richesse constitue également une angoisse. En effet, la cybercriminalité se fait de plus en plus présente au sein de la société, s'étend et s'organise à l'échelle internationale. Dûment, le colloque présidé par la professeur Solange Ghernouati, de l'Université de Lausane et directrice de Swiss Cybersecurity Advisory and Research Group, traite justement de la mondialisation des données, qui «ne doit pas» remettre en cause la souveraineté des Etats à son sens. Selon elle, il est important d'envisager de nouvelles alternatives et de marquer «un certain recul» face à ce système de faire et de penser «imposé par internet». En effet, elle traite de «colonisation» et «d'ultra capitalisme numérique» dont les rênes sont détenues par ceux maîtrisant la technologie. Dans ce système de «distribution des richesses informationnelles», il n'est pas question d'éthique ou de morale car la commercialisation de données s'étend à l'échelle mondiale. Par ailleurs, elle précise que les Etats ont le choix d'adhérer ou pas à ce modèle, d'imposer leur souveraineté ou de se la voir «progressivement arrachée». Revenant sur la complication de la sécurisation de ces données, la professeur Ghernouati explique cela par la caractéristique fondamentale de l'économie numérique : son immatérialité. D'où l'importance d'une complémentarité technico-juridique internationale. Le colonel Lahmar, de la Gendarmerie nationale, rejoint ce constat en insistant sur l'urgence du développement de la coopération internationale afin de contrecarrer celui des réseaux internationaux de la cybercriminalité. Il rappelle par la même occasion les chiffres réalisés par la gendarmerie et la police nationales en la matière : près de 330 affaires (menaces, diffamations d'identité, escroquerie...) ont été résolues depuis le début de l'année courante contre 18 cas seulement en 2009. Cette avancée est due à la création d'unités spécialisées dans la cyber-sécurité. Néanmoins, l'évolution de ces statistiques est à nuancer d'autant plus que le nombre d'internautes est en évolution constante, intervient la professeur Ghernouati. Pour comprendre l'aspect juridique, c'est maître Hind Benmiloud en sa qualité d'avocate qui apporte certains éclaircissements à propos des vides juridiques subsistant au niveau de la législation protégeant l'internaute algérien. En effet, hormis le décret exécutif n° 98-257 et les textes de loi 04/15 de 2004 et 09/04 de 2009 très généralistes voire «flous», les données à caractère personnel se trouvent librement exposées à «un véritable marché de l'information» et ne jouissent d'aucune «intégrité» ! Par ailleurs, la disponibilité de ces données ne constitue pas un problème en soi mais c'est «leur utilisation» qui en est un, précise-t-elle en soulignant le pouvoir et l'emprise que détiennent les moteurs de recherches sur tout un chacun aujourd'hui : «Le droit à l'oubli numérique» conditionnel n'est que régional et ne s'internationalisera pas... Internet est-elle donc une zone de non-droit ? A cette interrogation, le maitre affirme que désormais la justice algérienne dispose d'arsenaux juridiques spécialisés dans la cybercriminalité. Elle informe, également, la préparation de deux textes de loi par le ministère de la Justice depuis août 2015 : l'un portant sur la protection des données personnelles et l'autre sur l'utilisation des empreintes génétiques. Pour conclure son intervention, l'avocate invoque l'obligation de la mise en place de l'Agence nationale de sécurité numérique et de la réglementation du transfert des données sur le plan géographique : l'Algérie est au cœur d'enjeux d'une grandeur internationale et où «le numérique et le non-numérique sont tout à fait indissociables» signale le colonel Alain Sevilla, de la Gendarmerie française, et directeur du Cerac (Centre européen de recherches et d'analyse des cybermenaces) de l'Université de Strasbourg.