Par Hocine Snoussi, colonel à la retraite Nous sommes à la veille du 1er Novembre 2015, date-anniversaire (le 61e) du déclenchement de notre glorieuse guerre de Libération nationale. Mais la sacralité, la solennité et l'hommage que requiert la commémoration adéquate de cette date phare de l'histoire de notre pays, quasiment occultés depuis longtemps, ne seront sans doute pas de mise encore cette année, malheureusement. Plus est, les exigences mémoriales attachées à cet évènement historique sont supplantées, cette fois-ci, par un contexte socio-politique caractérisé par un climat délétère, qui donne libre cours à des convulsions fiévreuses autour de l'emprisonnement et le limogeage de généraux, des restructurations du DRS ou encore de luttes de clan au niveau du sommet de l'Etat, le tout amplifié par les retombées négatives de la baisse du prix du pétrole et abondamment exprimé à travers la presse et les réseaux sociaux sous forme d'inquiétudes et d'interrogations sur l'avenir du pays, sans toutefois que la pertinence et la profondeur de l'analyse dominent le débat, qu'il s'agisse des tenants de l'alarmisme excessif ou de ceux qui affichent un optimisme béat. C'est qu'en la matière, la communication gouvernementale souffre d'un déficit chronique qui a toujours favorisé, voire encouragé, de telles agitations, souvent sur fond d'une crise aux contours en apparence imprécis mais dont l'origine, au-delà des perturbations conjoncturelles, telle présentement la baisse du prix du pétrole et ses contrecoups sur la santé financière du pays, tient avant tout de la nature du système politique algérien tel qu'il a évolué depuis la lutte armée de Libération nationale, articulé fondamentalement sur la problématique du pouvoir. Il est vrai que les divergences et les luttes intestines au cours de cette période trouvaient leur dénouement dans le consensus que dictait le sacro-saint objectif de l'indépendance nationale. Mais dès celle-ci virtuellement acquise suite aux accords d'Evian de mars 1962, les appétits pour l'accaparement du pourvoir ont ressurgi en s'aiguisant pour atteindre leur point culminant avec le coup d'Etat de 1962 qui a permis d'écarter les institutions légitimes de la Révolution, à savoir le Gouvernement provisoire de la République algérienne et le Conseil national de la Révolution, au profit de l'état-major général de l'ALN qui a imposé par la force une direction au pays, hélas au prix de victimes civiles qui aurait pu dégénérer en guerre civile n'étaient la maturité et la sagesse du peuple algérien, manifestées à travers le fameux slogan : «Sebaâ snine barakat». C'est à l'aune de ces décombres que le système politique algérien a émergé et dont l'évolution, malgré les crises successives qui en ont ponctué le cours, n'a fait que confirmer sa véritable nature : opaque, monopoliste et antidémocratique ; comme elle a révélé son ingénieuse capacité à s'adapter et à se reproduire sous des formées variées dont le but réel mais inapparent reste exclusivement la garantie de sa survie et de sa perpétuité. Ce fut notamment le cas en 1965 au nom du redressement révolutionnaire, à la mort du Président Boumediène en 1978 au nom de la continuité et après les événements de 1988 par le passage du parti-Etat à un multipartisme débridé induisant une démocratie de façade sous le couvert desquels, le système de la cooptation s'est insidieusement conforté à travers les désignations électives aux différentes fonctions impliquant l'élection de leur titulaire (les assemblées locales, les députés et membres du Conseil de la nation et les chefs de l'Etat), où les nominations à des postes de gestion au profit de cadres qui, souvent par nécessité, intègrent les rouages du système et, consciemment ou inconsciemment, concourent à sa consolidation. Consécutivement, se pose et se repose l'épineuse et lancinante question de la légitimité du pouvoir, par-delà les résultats des urnes, c'est-à-dire celle qui implique une démocratie participative effective fondée sur la transparence et l'alternance. Car, comme le disait J.-J. Rousseau, un peuple qui se contente de voter n'est pas un peuple libre. Une telle logique, qui, par ailleurs, privilégie rarement les compétences, notamment au sommet de l'Etat, ne peut être que le produit des retards historique, économique, culturel et social de l'Algérie, des retards engendrés, certes, par les différentes invasions étrangères, singulièrement la colonisation française, mais dont les racines plongent également dans le substrat socio-culturel d'une civilisation musulmane en décadence depuis des siècles, tournant toujours le dos aux valeurs d'une civilisation universelle nourrie des enseignements du siècle des Lumières et du triomphe de la raison. Ne faisons donc pas l'erreur de nous préoccuper de l'arbre et d'ignorer la forêt qu'il cache.