L'exécutif ne doit pas différencier entre les organisations patronales mais doit appliquer la législation régissant le dialogue social, considère le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Habib Yousfi, constatant la propension du gouvernement à «se pencher vers le Forum des chefs d'entreprises». Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - «Dans l'étape actuelle, lorsqu'il y a une réunion tripartite (gouvernement-UGTA-patronat), les pouvoirs publics doivent appliquer la loi 90-11 relative aux relations de travail notamment», revendique le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA). Jeudi dernier, en marge des travaux constitutifs de la création d'une Confédération nationale des femmes managers, Habib Yousfi a précisé que la législation en vigueur «dispose que les organisations à caractère syndical agréées ont seules la possibilité de participer au dialogue social». Mais «ce n'est pas le cas», dira le président de la CGEA qui observe la participation aux rencontres tripartites d'une association patronale, le Forum des chefs d'entreprises (FCE) qui ne dispose pourtant pas d'un agrément syndical. Ainsi, il relève que la loi accorde le droit syndical «à des conditions» dont celle de couvrir un certain nombre de wilayas du pays. En ce sens, le président de la CGEA tiendra à présider que son organisation qui couvre déjà 28 wilayas œuvre progressivement pour «compléter sa représentativité à l'échelle des 48 wilayas du pays». Ceci en observant que la représentativité d'une organisation patronale s'apprécie au regard de la dynamique de structuration horizontale et verticale, choix des représentants sur la base de l'élection et non de la désignation. Ce qui n'est pas le cas de toutes les associations patronales. Certes, Habib Yousfi concédera que les pouvoirs publics puissent se soucier de «rassembler» toutes les forces vives. Néanmoins, ce dirigeant patronal déplorera le fait que «l'Etat fasse du marketing, se penche vers le FCE». Ce que la CGEA considère comme «illogique», dans la mesure où «l'Etat doit être neutre. Il n'a pas à différencier entre organisations patronales». Et cela même si Habib Yousfi ira jusqu'à considérer, une appréciation négative qu'il «assume», les autres structures patronales comme «des coquilles vides». «C'est une crise que nous vivons» Auparavant, le président de la CGEA avait observé que l'Algérie «traverse actuellement une période extrêmement difficile». «Nous constatons une baisse drastique de nos exportations d'hydrocarbures, ce qui implique que nos rentrées en devises, nos revenus financiers diminuent de plus en plus», constatera Habib Yousfi. Voire, «c'est une crise que nous vivons», dira-t-il, notant que l'Algérie n'a «aucune maîtrise sur les prix du pétrole». Dans ce contexte, le dirigeant de la CGEA réitérera sa conviction qu'il «est indispensable de se déconnecter de la rente pétrolière», en arguant que notre pays dispose de multiples atouts et potentialités lui permettant de réaliser cette déconnexion. «Qu'est-ce qui nous empêche aujourd'hui d'œuvrer dans le domaine de l'agriculture ?», s'interrogera Habib Yousfi. Il estime opportun de valoriser, mobiliser le potentiel agricole et agroindustriel dont dispose le pays, en vue de couvrir les besoins, se libérer totalement de la dépendance de l'extérieur et développer l'exportation des surplus. «Nous disposons de cultures bio. C'est une niche de recettes en devises», notera-t-il. Autre niche, la nécessité de valoriser «la beauté du pays», les ressources naturelles et climatiques du pays, de «booster le développement du tourisme», relève le président de la CGEA. «L'Etat devrait comprendre que c'est une démarche stratégique et qu'il doit l'inscrire», prône Habib Yousfi, d'autant que le développement du tourisme n'en est qu'à ses balbutiements. Repenser la création d'entreprises, le rôle des services Au-delà de ces deux facteurs propices à «la déconnexion de la rente», le président de la CGEA relèvera également la nécessité de repenser la politique de création d'entreprises. «J'ai explicité à maintes reprises que le dispositif de l'Ansej n'était pas rentable», affirme-t-il dans la mesure où il est inopportun de «donner des crédits à des jeunes sans perspectives». Ainsi, Habib Yousfi prônera la nécessité d' «associer des jeunes, soucieux de s'insérer dans le marché entrepreneurial, avec des universitaires, des techniciens aptes à les aider à se développer». Voire, «les crédits ne peuvent être débloqués que sur la base d'une vision claire, susceptible de donner des résultats probants», relève le leader de la CGEA qui estime que cela contribuera à «régler le problème de l'employabilité des jeunes et leur insertion dans le domaine industriel». Il s'agit également, dans le domaine des services, de valoriser le rôle de «ceux qui ont des capitaux et qui doivent y investir», note Habib Yousfi qui estime que «l'Etat doit ouvrir ce secteur, encourager les détenteurs de capitaux à les injecter dans l'économie». De fait, il s'agit de bâtir une stratégie efficiente en termes de développement, création de richesses et «émergence», d'«aller vers un consensus», inciter «les pouvoirs publics à se mouiller davantage» et «mobiliser tous les opérateurs économiques, sans exception et même le secteur public», observera Habib Yousfi. Une confédération des femmes managers lancée Par ailleurs, le président de la CGEA évoquera l'engagement de son organisation à œuvrer en faveur de «la femme algérienne, lui donner l'occasion de s'exprimer, de travailler et de contribuer à la création de richesses». Et c'est dans cette finalité qu'a été lancée jeudi la Confédération nationale des femmes managers (CNFM), une nouvelle organisation 100% féminine mais indépendante de la CGEA qui lui assure uniquement une aide logistique. Ouverte à «toutes les femmes actives et qui opèrent dans tous les secteurs d'activité (artisanat, industrie, services...), cette confédération sera vouée, explicitera sa présidente, Saïda Neghza, également vice-présidente de la CGEA, à accompagner, assister l'entrepreneuriat féminin, en termes de formation, mise à niveau, conseil juridique... La CNFM pourra ainsi bénéficier de l'expertise en ce domaine de l'Union méditerranéenne des confédérations d'entreprises (Business Med), une organisation régionale dont Saïda Neghza est actuellement la vice-présidente, mais aussi de l'accompagnement du Bureau international du travail (BIT). Après la mise en place de son bureau national, la CNFM tiendra sa première assemblée générale le 7 décembre prochain et lancera le processus de structuration et d'élaboration de son plan d'actions. Notons que cette confédération argue d'une représentativité de 38 wilayas et de l'implication de 500 membres fondatrices, avec l'objectif d'atteindre «les 1,5 million d'adhérentes», escompte Saïda Neghza.