Le FLN, à travers l'organisation locale à Saint-Etienne, va prendre contact avec Rachid Mekhloufi. «Il nous attendait tout en nous reprochant gentiment notre manque d'empressement manifeste à le recruter. De sa propre initiative, il nous remit une somme d'argent qui couvrait une année de «retard» de cotisations (janvier 1956 à avril 1957) et une contribution substantielle pour soutenir la révolution. Il nous affirma être disponible corps et âme pour toute mission que le FLN lui confierait. Nous avons maintenu le contact jusqu'à son départ pour la formation de la glorieuse équipe du FLN.» Mémoire vive est un (autre) livre sur la guerre de Libération nationale, écrit par un acteur de cette révolution, une des plus grandes du XXe siècle. Rachid Benzema est né le 22 décembre 1932 à Tighzert, Ath-Djelil, dans l'actuelle wilaya de Béjaïa. Son enfance, son adolescence et une partie de sa jeunesse sont celles de millions d'autres «yaouled» comme lui sous le joug d'un système colonial oppressant et pratiquant sans l'avouer une vraie politique de discrimination raciale. La vie et le parcours du «yaouled» Rachid suivent l'itinéraire de milliers d'autres enfants d'Algérie, de la campagne vers la capitale, Alger. Après bien des aventures en ces temps d'autrefois si difficiles, c'est la traversée de la Méditerranée. «Je passais environ trois mois au village et comme plusieurs villageois, j'embarquais en plein hiver 1951 dans la cale du bateau Ville d'Oran. Destination : Marseille. Nouvel exil en terre étrangère», se rappelle l'auteur. Un autre voyage par train et Rachid Benzema arrive à Saint-Etienne où il va travailler aux Aciéries et forges de Saint-François. En Métropole aussi, c'est l'aventure et la misère quasi au quotidien. «Mon engagement militant» est le titre du chapitre 3 de l'ouvrage. «En janvier 1956, le FLN, par le biais de deux éminents responsables, me sollicitait pour participer à l'implantation de l'organisation dans la région de Saint-Etienne. J'étais extrêmement fier d'avoir ainsi suscité une telle confiance auprès d'Omar Harraïgue et Sayad Belkacem. J'avais espéré de toutes mes forces pouvoir être un jour utile à mon pays et en janvier 1956, ces militants m'offraient, là, la possibilité de participer à l'œuvre la plus sublime qui soit : la libération de mon pays.» A l'Association sportive de Saint-Etienne (ASSE), à l'époque, jouait un grand footballeur sélectionné en équipe de France qualifié à la Coupe du monde de 1958 en Suède : Rachid Mekhloufi. «La jeunesse stéphanoise, toutes origines confondues, était fière de son club de football, l'AS Saint-Etienne, qui comptait parmi ses joueurs un jeune et remarquable Algérien nommé Rachid Mekhloufi. Il m'arrivait de me rendre au stade Geoffroy Guichard de Saint-Ettienne et ce beau jeune homme brun à la fine moustache était, pour nous Algériens, un véritable étendard, une fierté nationale, une sorte de pied de nez à la France coloniale parce qu'il s'appelait Rachid Mekhloufi, qu'il était brun et qu'il jouait divinement bien», écrit Rachid Benzema. Le FLN, à travers l'organisation locale, va prendre contact avec Mekhloufi. «Il nous attendait tout en nous reprochant gentiment notre manque d'empressement manifeste à le recruter. De sa propre initiative, il nous remit une somme d'argent qui couvrait une année de «retard» de cotisations (janvier 1956 à avril 1957) et une contribution substantielle pour soutenir la révolution. Il nous affirma être disponible corps et âme pour toute mission que le FLN lui confierait. Nous avons maintenu le contact jusqu'à son départ pour la formation de la glorieuse équipe du FLN», témoigne cette Mémoire vive de Rachid Benzema. L'auteur parle aussi de «Nos amis français», c'est-à-dire les Français qui avaient soutenu ou participé à la révolution algérienne. Rachid Benzema retournera à la terre natale en prisonnier. «Transportés dans des avions-cargos, nous avons été débarqués à Alger et immédiatement jetés dans des fourgons cellulaires, direction : la prison de Maison-Carrée. Je n'étais plus qu'un numéro, le 1998.» Il va connaître la torture et les camps de Beni-Messous, Bossuet et Saint-Leu. Le sixième et dernier chapitre est intitulé «Juillet 1962». C'est l'indépendance et la liberté retrouvées. Le temps passe très vite. «J'ai aujourd'hui 82 ans. Je crois ne pas avoir à rougir de mon passé. La vie m'a enseigné l'humilité et le sens du devoir. C'est pour cela que j'estime ne mériter aucune gloriole ni reconnaissance particulière. Quels que soient les sacrifices consentis par les hommes et les femmes de ma génération, l'avenir appartient aux jeunes. C'est à eux que mon récit est dédié. Je suis triste de voir, aujourd'hui, des compagnons de combat qui ont mon âge persister à ne pas vouloir faire confiance à cette jeunesse et à ne pas vouloir transmettre le flambeau.» Retraité de la wilaya d'Alger, Karim Benzema vit à Alger. Son livre, c'est vraiment l'histoire du long combat d'un enfant de la Soummam pour la liberté et la dignité. Kader B. Mémoire vive de Rachid Benzema. éditions El Dar El Othmania. 133 pages. Année 2015