Onze documentaires et sept fictions participent à cette 6e édition du Festival d'Alger du film engagé qui se tiendra à la salle El Mougar et à la Cinémathèque du 12 au 19 décembre, ont annoncé les organisateurs lors d'un point de presse tenu hier à Alger. On a envie de dire «ce n'est pas trop tôt» car la nouveauté de cette 6e édition est la rediffusion des films à la Cinémathèque le lendemain de leur projection à la salle El Mougar. Un choix bienvenu vu l'intensité du programme et la multiplicité des thèmes et des styles que le public algérois découvrira à travers une vingtaine de films entre documentaires et fictions venus d'Argentine, d'Ethiopie, de France, de Palestine, d'Europe de l'Est, des Etats-Unis, etc. Du côté algérien, si le choix du documentaire de Hassen Ferhani Dans ma tête un rond-point (deux Tanit d'Or aux Journées de Carthage) est amplement justifié, celui du long-métrage fiction de Okacha Touita Opération Maillot l'est beaucoup moins car il semble être basé sur sa seule thématique comme l'a déclaré M. Ahmed Bedjaoui lors de la conférence de presse : «A travers Henri Maillot, communiste français engagé dans la Guerre de libération, le film rend hommage à tous ces militants français qui ont tourné le dos à leur communauté et à leur Etat pour soutenir une cause juste.» Mais au-delà de ses bonnes intentions et de sa charge passablement symbolique, le film est lesté des mêmes anachronismes et pesanteurs démagogiques et didactiques qui assombrissent depuis des années la création cinématographique algérienne dans le domaine historique. Le jury fiction composé de Belkacem Hadjadj, Kahina Attia (Tunisie), Maryse Gargour (Palestine), Khaled Benaïssa et Rachid Benallal aura de quoi faire puisque la sélection promet d'être à la fois exigeante et hétéroclite avec Difret, épopée éthiopienne d'un combat acharné contre une tradition misogyne inhumaine ; Alias Maria (Argentine), histoire d'une enfant-soldat dans la jungle colombienne ; Le dossier Petrov de Georgi Balabanov qui revient sur le parcours du comédien bulgare Alexander Petrov ; Court de l'Indienne Chaitanya Tamhane doublement primé à la Mostra de Venise et sélectionné aux Oscars 2016, etc. Quant au jury documentaire composé de Mehdi Lallaoui, Philippe Rostand, Guy Chapouillet et Mila Turajlick, il devra trancher entre de nombreuses propositions aussi intéressantes les unes que les autres à l'instar de L'homme qui réparait les femmes de Thierry Michel qui retrace le beau combat du médecin congolais Denis Mukwege contre les sévices sexuels subis par les femmes durant les conflits armés qui secouent le pays depuis 20 ans ; Capitaine Thomas Sankara, un portrait nuancé et émouvant du révolutionnaire burkinabé signé par Christophe Cupelin ; Le bouton de nacre (Chili) rendant hommage aux autochtones de Patagonie ; Victor Jara n°2547 de Elvira Diaz qui déterre l'incroyable histoire de Hector Herrera, fonctionnaire de l'Etat civil sous la dictature Pinochet qui risquera sa vie pour sauver la dépouille du poète assassiné Victor Jara de la fosse commune où sont jetés des centaines de cadavres d'opposants et de citoyens chiliens exécutés par le nouveau régime... Par ailleurs, le festival s'ouvrira ce dimanche à 18h avec le documentaire palestinien Les 18 fugitives de Amer Shomali et Paul Cowan et se clôturera le 19 décembre avec Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent (France). Deux tables rondes se tiendront en outre le 13 et le 18 sur l'enseignement du cinéma et sur la jeunesse au cœur du cinéma engagé, ainsi que des rencontres autour du documentaire les matinées du 15, 16 et 17 décembre auxquelles participeront plusieurs réalisateurs algériens et étrangers à l'instar de Larbi Benchiha, Yannis Youlontas (Grèce), Lam Lê (Viêtnam), Paula Palacios (Espagne), etc. Pour finir, la tradition des hommages se poursuit avec l'évocation cette année du documentariste algérien Malik Aït-Aoudia décédé en août dernier et du réalisateur bulgare Christo Ganev auteur du film La fête de l'espoir immortalisant des images inédites du maquis et de la liesse de l'indépendance algérienne. A souligner que dix cinéastes sont attendus à Alger pour débattre de leurs films à l'instar de Christophe Cupelin, Lara Lee venue avec un documentaire sur la cause sahraouie, José Louis Rogeles (Argentine), Georgi Balabanov (Bulgarie), Sékou Traoré (Burkina Faso), etc. Enfin, en marge des grandes lignes du festival, la commissaire Mme Zhira Yahi a été questionnée sur les réductions budgétaires du ministère de la Culture et leur impact sur l'événement ; ce à quoi elle répond que ce dernier n'est pas touché pour l'instant et que vu la rareté des activités cinématographiques à Alger, il serait peu judicieux de supprimer des festivals. Et M. Bedjaoui de proposer à la tutelle «une évaluation de tous les festivals de cette année» pour en juger de la qualité et de la pertinence en vue d'une éventuelle sélection.