"L'histoire se r�p�te souvent", dit-on. Voil� un poncif qui vaut aujourd'hui son pesant de p�rils. En effet, c'est toujours � travers le FLN que les complots se r�alisent. En avril 1964 son congr�s imposa le mod�le du parti unique et du centralisme d�mocratique et en f�vrier 2005 il accoucha de la plate-forme id�ale pour promouvoir le bonapartisme. Autant dire que la tournure prise par ce singulier congr�s ne manque pas de rappeler les cons�quences du fameux coup d'Etat du 18 brumaire 1804 qui mit fin aux acquis du r�publicanisme de 1789 en France. Chez nous et aujourd'hui, ce sont essentiellement les libert�s politiques qui seront, � court terme, mises sous tutelle, quand elles ne se verront pas carr�ment musel�es. La "normalisation" tapageuse et ind�cente du plus embl�matique des appareils signifie, d'ores et d�j�, que les jours du pluralisme sont compt�s. Sur le sujet, les discours apaisants et les annonces qui ne manqueront pas de rassurer seront destin�s surtout � anesth�sier les �ventuelles vell�it�s. Il est vrai que l'on peut ne pas souscrire � ce diagnostic, auquel on reprochera son pessimisme excessif. En balayant l'argument au pr�texte que c'est aux partis de faire la preuve qu'ils savent survivre � la chape de l'appareil de l'Etat, l'on s'efforce d'ignorer que les arsenaux juridiques finissent toujours par laminer toutes les r�sistances. Il suffit � cela d'examiner � la loupe une direction de parti qui s'essaya � l'exercice de contradicteur et ce qu'il advint d'elle. Elle pilotait ce FLN pr�cis�ment. Apr�s la cur�e qui succ�da au 8 avril, est-on encore certain que la tournure prise par ce congr�s ainsi que la dissidence commandit�e ne rel�vent globalement que des avatars internes sans l'intervention de la "main invisible" ? Est-on toujours convaincu que la derni�re messe dans cette cath�drale politique s'est dite comme son habitude et avec le rituel commun � tous les partis ? Enfin peut-on un instant certifier que toute cette d�votion au pouvoir n'�branlera pas certaines certitudes d�mocratiques ? R�futer tout ce questionnement ne revient-il pas � croire � une sorte d'irr�versibilit� de l'histoire ? La vanit� de nier une pareille menace par la seule dialectique du d�passement n'est-elle pas une deuxi�me erreur ? Car elle ignore la fragilit� de l'�difice d�mocratique et son inach�vement, ce qui l'expose � toutes les remises en cause. Le FLN r�unit justement tous les mat�riaux pour entreprendre la besogne de d�molisseur. Et c'est � partir de cette "maison" du pouvoir que partiront les grandes campagnes d'�puration. Non seulement il s'y est pr�par�, mais son dernier congr�s a �galement donn� le ton. Ne lui a-t-il pas suffi d'actualiser quelques r�f�rences patriotardes, b�tonner un appareil, concocter des mots d'ordre tir�s du lexique du parti unique et flatter l'homme providentiel pour que le populisme refasse surface dans son discours ? C'est � cela qu'est parvenu le nouveau FLN, ajoutant m�me un surcro�t de dramaturgie � cette all�geance. Ainsi, la principale ligne trac�e par ce parti se r�sume d�sormais � revendiquer une intimit� exclusive avec le sommet. C'est-�-dire le monopole du dialogue avec l'olympe. Cela �tant, il se chargera � l'avenir de traquer et de ch�tier tous les schismatiques de l'int�rieur et censurer, pour le compte de l'ex�cutif, le Parlement. En somme, le FLN , qui jusque-l� revendiquait modestement la mission de premier tambour, va �tre �lev� au rang d'observatoire du champ politique et de laboratoire o� s'exp�rimentera la future architecture de l'Etat. Police politique d'un c�t� et de l'autre, sous-traitance dans la sph�re l�gislative, ce parti s'engage sur un double plan � se d�pouiller de son identit� id�ologique — si tant est, qu'il en avait — en �change de servitudes r�mun�ratrices. Par ce choix, il s'exclut du compagnonnage trans-partisan et liquide l'illusion qu'il v�hiculait jusque-l� : celle d'un courant encore capable d'approfondir la d�mocratie. Une faillite au plan des principes mais � l'inverse un retour dans l'orbite du pouvoir. Le seul lieu qu'affectionnent les apparatchiks qui l'animent. A vieille garde, vieux r�flexes avec toute la nostalgie du parti unique qui les impr�gne. Il est vrai que le pluralisme qui a �merg� dans la foul�e d'octobre 1988 s'est d'abord d�ploy� en lui contestant l'insoutenable monopole politique qu'il exer�a un quart de si�cle durant. En d�pit des attaques et des charges retenues contre lui dans la conduite d�sastreuse du pays, il survivra. Malgr� �galement la perte d'influence orchestr�e � partir de l'appareil d'Etat qui lui inventa le RND comme anti-dote, il parviendra quand m�me � conserver un respectable niveau de repr�sentation. Cela est d� en partie � ses relais dans l'administration et ses lobbies actifs dans les corps constitu�s. Autant souligner, donc, que ce parti tire essentiellement sa puissance et son rayonnement de son ancien maillage dans le secteur public et que son ancrage dans les classes populaires est tout � fait n�gligeable, quoiqu'il pr�tende le contraire. Son enracinement dans la soci�t� civile est lui aussi frapp� d'un ostracisme suspicieux, dans la mesure o� son inconstance doctrinale brouille sa visibilit�. N'�tant par cons�quent que le marche-pied de la nomenklatura et des cols blancs, il conna�t un s�rieux handicap � �tre cr�dible aupr�s des autres partis, ce qui l'incline � ne passer des accords et des alliances que par n�cessit� tactique. Grand qu�mandeur de privil�ges, il eut souvent recours � l'offre de services. Ce d�marchage de commis voyageurs est certes peu glorieux en termes d'�thique et de dignit� politiques, mais payant en postes et en influences. C'est pour cette raison que cette chapelle de pantouflards ne manque gu�re de "sympathisants" int�ress�s. Or, le chef de l'Etat, dont on conna�t la pi�tre estime qu'il accorde aux partis, veut tirer profit de cette remarquable inclination du FLN � rechercher la lumi�re du pouvoir et en m�me temps r�gler de vieux comptes avec certains d'entre eux. Le contexte se pr�te pour "assainir" l'espace partisan et ne le peupler que de factions aux ordres. Qui mieux que cet appareil en friche pour promouvoir le nouvel ordre "d�mocratique" et signer la fin d'une �poque ? D�sormais c'est du c�t� du FLN rebaptis� "parti du pr�sident" qu'il faut se tourner pour recevoir certains oracles. Ainsi, � d�faut de retrouver le lustre du temps du "parti-nation", il se contentera cette fois d'�tre "�tatis�" pour servir de mod�le aux autres. Cette strat�gie mise en route, pour servir les grands verrouillages, a fait ses preuves dans d'autres d�mocraties de fa�ade domin�es par un syst�me de l�gitimation totalement autonome des m�diations d�volues aux partis politiques. Ce que le sociologue allemand Habermas explique lumineusement lorsqu'il �crit : "Avec le processus d'�tatisation des partis, la formation de la volont� politique se d�place vers un syst�me politique qui se programme largement lui-m�me. Celui-ci devient ind�pendant des sources d�mocratiques de sa l�gitimation dans la mesure o� il r�ussit � extraire la loyaut� des masses de l'espace public." (1) L'intention actuelle du pouvoir repr�sente pr�cis�ment un cas de figure parfait qui illustre cette n�cessit� de laminer ou de tutorer les partis afin de pouvoir, sans m�diation, administrer la d�mocratie des urnes. En s'effor�ant de focaliser la re-fondation de l'Etat sur la seule question des partis, il vise � retirer � ceux-l� le droit de peser sur les processus de l'alternance, voire � contester des l�gitimations "administrativement" agr��es. Quand, gr�ce � la sous-traitance du FLN, le r�gime aura engrang� tous les "oui" r�f�rendaires (amnistie, constitution), il fera alors l'apologie de la d�mocratie directe en insistant sur l'inutilit� des partis et leurs nuisances… C'est cela la tentation bonapartiste � laquelle vont succomber les partis sans m�me livrer bataille. Triste sort qui les guette… B. H. 1- JURGEN HABERMAS : sociologue et philosophe allemand n� en 1929 auteur de nombreuses contributions sur "l'�thique de la discussion en politique" d'o� est extraite cette citation.