L'office marocain des hydrocarbures a signé cette semaine un accord avec la compagnie franco-américaine Schlumberger pour entamer des forages d'hydrocarbures sur la zone de Tendrara, située juste à la frontière avec l'Algérie, en face de la wilaya de Naâma. Tous les pétroliers partagent le même avis. Il s'agit bel et bien d'une nouvelle provocation marocaine envers l'Algérie, qui est accusée d'avoir exercé des pressions sur la compagnie française Total afin d'abandonner les travaux d'exploration sur les territoires occupés du Sahara occidental. Coup de poker La licence Tendrara porte sur huit blocs d'une superficie globale de 14 500 kilomètres carrés dans le nord-est du Maroc. Elle brasse toute la frontière algérienne. C'est la minuscule compagnie anglaise, Sound Energy Plc, qui est l'opérateur sur le permis de Tendrara, avec seulement 25%, alors que le reste des participations sont détenues par les institutions étatiques marocaines. Pour les connaisseurs du secteur des hydrocarbures, cette opération est un simple coup de bluff, visant à affoler Alger et à maintenir l'espoir de figurer un jour parmi les pays producteurs de pétrole et de gaz. La première constatation des experts se situe d'abord dans le timing. L'Algérie, qui est accusée par Rabat d'avoir fait échouer le plan de spoliation des richesses sahraouies, doit quelque part se sentir menacée sur son propre territoire. Du point de vue de Rabat, une quelconque découverte d'hydrocarbures sur ce permis de Tendrara affolerait les Algériens et les contraindrait à négocier l'unitisation. Car, si les hydrocarbures existent sur cette zone frontalière, les deux pays seront concernés par leur exploitation. On rappelle, à ce titre, le même phénomène existant aux frontières avec la Libye où les gisements de Wafa communiquent avec ceux d'Alrar (au sud d'Illizi). Après dix ans de négociations, les Algériens et les Libyens ne sont toujours pas parvenus à un accord sur l'unitisation des deux champs. La seconde remarque des experts est plus pertinente techniquement. Avant de procéder à des forages d'exploration, les compagnies pétrolières ont toujours recours à la technique d'acquisition sismique 2D et 3D. Cette opération consiste à sonder le sous-sol du permis avec des méthodes de géophysique et situer avec le maximum de certitudes les accumulations d'hydrocarbures. Or, dans le cas du permis de Tindrara, aucune opération de ce genre n'a été réalisée. C'est dire que l'office marocain des hydrocarbures gère plutôt une opération politique que technique. Cette institution s'est déjà manifestée, deux ans plus tôt, par une opération similaire sur nos frontières. L'Onhym avait alors lancé des forages sur le permis de Zag, situé sur les territoires occupés du Sahara occidental, juste à la limite de la wilaya de Tindouf. L'échec de ces forages a fait dire à certains que Dieu a décidé que le flux des hydrocarbures s'arrête aux frontières algériennes avec le Maroc. Le rôle des Français Le plus inquiétant dans cette campagne de forage sur nos frontières est sans doute l'implication des sociétés françaises qui ont beaucoup d'intérêts en Algérie. L'Onhym et Sound Energy ont en effet été largement soutenus au départ par Entrepose Drilling Morocco. Entrepose travaille en Algérie depuis 30 ans et, au cours des dernières années, elle a bénéficié de contrats juteux avec la Sonatrach et ses partenaires dans l'amont pétrolier. Par ailleurs, Entrepose est pré-qualifiée pour la réalisation d'une dizaine de projets pour le compte de la Sonatrach. L'implication de la compagnie française dans les provocations marocaines contre l'Algérie pourrait lui valoir bien des déboires. Idem pour Schlumberger qui n'a pas dissimulé son rôle dans cette campagne marocaine puisque cette compagnie a signé mercredi dernier avec l'opérateur du permis de Tindrara pour la réalisation d'une campagne de forages sur les frontières algériennes. Pourtant, le groupe Schlumberger a d'énormes intérêts en Algérie. Outre les contrats comptabilisés en termes de milliards de dollars annuellement pour les prestations de services pétroliers, Schlumberger gère avec la Sonatrach une joint-venture, Mi-Algeria, spécialisée dans le forage des puits de pétrole. Cette même compagnie franco-américaine est associée avec l'Entp (filiale de la Sonatrach) dans l'entreprise de forage Sahara Well Construction Services. La coopération de Schlumberger avec les autorités marocaines pourrait être perçue par les opérateurs algériens comme un geste témoignant d'une extrême ingratitude.