Le groupe Sonatrach dispose-t-il d'une procédure interne qui définit le rôle de chaque structure et qui impose le respect de la réglementation régissant le fonctionnement de ce géant pétrolier ? La mise en place d'une procédure, ou du moins son respect, suppose la connaissance «de qui fait quoi?» et de «qui est qui ?». La réponse à ces questions lèvera le voile définitivement sur la «motivation» des responsables de l'époque sur le recours au gré à gré dans la conclusion de tous les marchés, aujourd'hui au centre du scandale. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Bouclant sa seconde semaine, le procès de l'affaire Sonatrach 1 n'a toujours pas levé le voile sur le rôle joué par toutes les parties dans le processus d'octroi des marchés de gré à gré. Cette question était au centre des auditions, durant deux jours, des mis en cause dans la partie concernant la rénovation du siège Ghermoul à Alger. A chaque fois, on évoque, «l'urgence», ou encore «des ordres sont venus d'en haut». C'est le cas pour l'ex-directeur exécutif des activités centrales, M. Senhadji Mohamed. Appelé à la barre, ce dernier dira au président du tribunal criminel que «le ministre de l'Energie de l'époque a souligné l'urgence du projet» du fait que si un appel d'offres était lancé pour les études, «leur finalisation aurait duré un an». Dans cette affaire, l'ex-exécutif des activités centrales répondait de l'accusation d'attribution d'avantages indus à Mme Méliani Nouria, directrice de CAD. Un bureau d'études qui a obtenu le contrat de gré à gré. Invité à s'expliquer sur cette affaire, M. Senhadji a déclaré que le ministre de l'Energie de l'époque a demandé la désignation d'un bureau d'études et que CAD était proposé par la direction de gestion siège dirigée par Abdelwahab Abdelaziz, tout en déclarant «ignorer l'existence d'un appel d'offres». Or, lors de la confrontation, Abdelwahab Abdelaziz n'a pas été par trente-six chemins pour affirmer que «Senhadji était informé par ses soins de toute la procédure». Mieux encore, Aït El Hocine Mouloud, membre de la commission d'évaluation des offres techniques, a confirmé «qu'il y a des procès-verbaux au sujet du transfert du dossier à la direction des activités centre». Même son de cloche chez Rahal Mohamed Chawki, directeur activité commerciale. Ce dernier a révélé «l'existence du dossier de transfert », alors que M. Senhadji maintient qu'il n'était pas «destinataire en personne du dossier sauf si celui-ci est transmis à titre d'information» et qu'il n'est pas obligé de consulter. En somme, l'ex-directeur exécutif des activités centrales a rejeté toutes les accusations portées à son encontre, dont sa connaissance personnelle avec Mme Méliani. Le gré à gré comme mode d'emploi En auditionnant l'ex-directeur des activités centrales, le tribunal criminel apprendra que d'autres marchés figuraient dont notamment l'aménagement de la piscine du groupe, du court de tennis du centre de repos de Zéralda, les maisons d'hôtes dans les différentes villes du pays. Et le hasard a voulu que tous ces marchés ont obéi au mode d'emploi du gré à gré. Le mis en cause s'explique au sujet de l'affaire portant restauration de l'ancien siège de Sonatrach sis à Ghermoul. «Un jour, l'ex-Pdg m'a appelé en urgence et m'a demandé de manière tout aussi urgente d'occuper le siège à Ghermoul. Il m'a précisé que c'étaient là les instructions du ministre. Il m'a aussi précisé qu'il fallait commencer la démolition et lancer un appel d'offres pour le reconstruire». Chemin faisant, un avis d'appel international a été lancé pour le choix des meilleures entreprises ayant pignon à l'international. Toutefois à la fin du parcours, le choix a été porté sur une consultation restreinte et c'est le cabinet CAD appartenant à Nouria Méliani qui décroche le projet dans son volet étude pour 45 millions de dinars. La grande surprise : l'étude n'a pas été élaborée comme l'exigeait la réglementation, d'où le refus du financier de payer le CAD. Résultats des courses : le bureau d'étude en question n'était pas qualifié.» Invitée à s'expliquer sur cette affaire, Mme Nouria Méliani rejette toutes les accusations, en tentant de s'expliquer sur relations avec El Hachem Mohamed Réda, le chef de cabinet du P-dg de Sonatrach. L'affaire de la rénovation du siège Ghermoul a réellement mis à nu le dysfonctionnement dans lequel le groupe Sonatrach s'est retrouvé à cette époque. Pour ce jeudi, le président du tribunal criminel a tenté de comprendre ce «phénomène de gré à gré» usé comme mode d'emploi au sein du groupe Sonatrach pour l'octroi des marchés. Et le hasard a voulu qu'à chacune de leurs auditions, les mis en cause évoquent le caractère «d'urgence», pour justifier le recours au «gré à gré».