Le début des plaidoiries des différentes parties dans l'affaire Sonatrach 1 a donné au procès un nouveau souffle. A son vingtième jour d'audience, le traitement de l'affaire a réellement entamé sa trajectoire. Les plaidoiries des représentants du Trésor public et ceux de Sonatrach ont mis le tribunal criminel et toutes les parties concernées dans une ambiance particulière. Des plaidoiries à charge ont été développées à l'encontre des 19 mis en cause dans cette affaire. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Dans notre précédente édition, il a été posé la question de savoir «que sera la stratégie qui sera mise en place par les avocats de la partie civile, notamment celle intervenant au nom du Trésor public pour peser sur le verdict du tribunal criminel». Le début de réponse a été entamé tôt dans la matinée par les deux avocats représentant le Trésor public, en l'occurrence Mes Zouakou et Oularbi Djamel. D'ailleurs la plaidoirie de ce dernier a été attentivement suivie par l'assistance avec un intérêt particulier des avocats de la partie civile, en l'occurrence la compagnie pétrolière Sonatrach. Cela dit, il n'en demeure pas moins que l'intervention de Me Zouakou a duré plus d'une heure trente minutes, durant laquelle il a usé de toutes ses techniques et autres règles et articles de droit pour expliquer «la présence des avocats de l'agence judiciaire du Trésor public à ce procès». Pour preuve, à l'entame de sa plaidoirie, l'avocat Zouakou s'est interrogé sur «cette levée des boucliers de mes confrères lorsque, nous autres avocats du Trésor avons annoncé notre constitution dans cette affaire». «Cette levée de boucliers ne date pas d'aujourd'hui, mais plutôt depuis que l'affaire a été enrôlée par le parquet général, soit depuis mars 2015», a-t-il affirmé. Me Zouakou poursuit son intervention, en expliquant «l'importance de notre présence ici dans ce procès». Et d'ajouter : «A qui appartient la compagnie Sonatrach et qui sont ces actionnaires ?». Les «254 000 actions du capital de la compagnie appartiennent tous à l'Etat et l'Etat on le représente ici dans ce procès, ce qui justifie amplement notre présence ici dans ce procès». L'avocat persiste dans sa démarche et tente de faire admettre que «les avocats du Trésor public sont là pour défendre les intérêts de l'Etat qui détient la quasi-totalité des actions de la compagnie Sonatrach». Dans la foulée de son intervention, Me Zouakou scrute la salle et braque son regard vers le box des accusés et lâche : «En face de nous, dans ce box des accusés, se trouve l'élite de Sonatrach pour ne pas dire l'élite de notre pays.» L'avocat enchaîne et commence à expliquer les différentes affaires citées dans ce procès. C'est dans cette optique qu'il dira que dans «le contrat conclu entre Sonatrach et le groupe algéro-allemand, il s'agit d'une véritable affaire de Zaouadj El Moutaâ (Mariage de jouissance)». L'autre avocat représentant le Trésor public en l'occurrence Me Djamel Oularbi n'a pas été par trente-six chemins pour crier haut et fort que «Sonatrach était victime des agissements des personnes poursuivies dans cette affaire », d'où son interrogation «pourquoi le groupe Sonatrach n'a pas déposé plainte et ne s'est pas constitué partie civile ?». Clash ! Les avocats réagissent, ripostent. «Pourquoi nous sommes là alors», a-t-on déclaré. L'avocat en question use de la même stratégie que son prédécesseur et déclare : «Puisque Sonatrach n'a pas subi de préjudice cela suppose que notre présence n'a aucune signification et par conséquent on doit tous quitter la salle et fermer le dossier», a-t-il expliqué. «Sonatrach a subi un préjudice moral et matériel» Dans sa plaidoirie, Me Oularbi a longuement commenté les différentes prestations assurées par les mis en cause à travers les contrats de consulting décrochés par les fils Meziane et autres inculpés avec les sociétés Saipem, Contel et Funkwerlt. «Comment expliquer ce contrat de consulting pour une rémunération mensuelle de 30 000 euros par mois ? Monsieur le président, comment expliquez-vous cette offre de consulting si ce n'est une forme de corruption qui ne dit pas son nom ? Je crois que les choses sont claires et ne nécessitent pas une grande réflexion», dira l'avocat, en citant à charge les mis en cause ayant négocié «dans une opacité totale» avec l'italien Saipem pour la réalisation du gazoduc GK3. Dans l'après-midi, ce sont les avocats de la partie civile, soit ceux de Sonatrach, qui rentrent en lice d'emblée. Au nombre de trois avocats, la défense de la partie civile passe à l'offensive dès son entrée en lice. D'emblée, Me Benrabah Djamel annonce la couleur et déclare : «Le préjudice qu'a subi la compagnie Sonatrach est à la fois moral et matériel », une entrée en matière faite sous forme de mise au point adressée aux avocats du Trésor public. Mais avant lui, son prédécesseur, en l'occurrence Me Labdoune Saïd, porte à la connaissance du président du tribunal criminel que «ce n'est pas parce que Sonatrach n'a pas déposé une plainte qu'elle n'a pas subi de préjudice, mais plutôt parce qu'on n'a pas évalué le préjudice subi». «Il s'agit d'une infraction relevant du droit commun». Il est 15h 10 mn. Le troisième avocat de la partie civile entame sa plaidoirie. Son intervention est très attendue de par le statut qu'il occupe au sein de la corporation des avocats. Il s'agit du bâtonnier Abdelmadjid Sellini. Ce dernier annonce la couleur et invite l'assistance à rester «vigilante car les révélations risquent de choquer». Sans détour, Sellini annonce le capital des entreprises privées ayant contracté des projets de partenariat avec le «géant Sonatrach». «Ça fait mal mais c'est la vérité. Voilà comment ces gens (mis en cause) gèrent le géant pétrolier. On négocie avec des coquilles vides», déclare-t-il. Et d'ajouter «que Sonatrach a négocié avec des entreprises qui étaient déjà mortes. A compter d'aujourd'hui, je peux me permettre de parler au nom des 90% d'Algériens. Les gens oublient qu'ils ont violé le serment de ceux qui se sont sacrifiés pour ce pays. On a volé et dilapidé le bien de tout un peuple», a-t-il conclu. Il est 16h 10 mn et l'avocat de la partie civile poursuit toujours sa plaidoirie. Le réquisitoire de l'accusation est programmé pour aujourd'hui.