De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Les chefs d'Etat et de gouvernement européens étaient en conclave d'affaires avec la Turquie que l'on ne veut pas dans le club UE et dont on ne peut pas se passer sur la crise migratoire —quel euphémisme ! — lorsque de Ben Guerdane tombe la terrible information. Daesh a tenté avec un relatif succès d'instaurer la première base du califat en Tunisie. Il reviendra à la charge. L'Europe le sait, l'Otan le sait et tout le monde le sait. Que peut Bruxelles ? Peu de choses. L'Union européenne est devenue une coquille vide ressemblant, hélas, à la sinistre Ligue des Etats arabes. Les ex-Est et ex-Balkans sont les yeux et la voix des Etats-Unis au sein de cet ensemble composite, sans âme et sans principes directeurs depuis les guerres de Bush et de Sarkosy en Irak et en Libye. Au moins lors de l'expédition punitive contre l'Etat irakien, trois grandes puissances avaient pu se lever et dire non aux Etats-Unis et à l'Otan. La Russie, l'Allemagne et la France de Chirac. Depuis, l'Union européenne a rejoint le tas et n'est plus qu'une puissance d'appoint des Etats-Unis et de l'Alliance atlantique. En Libye, Nicolas Sarkosy a pu être chargé par eux, justement, de chapeauter le démantèlement de l'Etat Gueddafi et d'y installer à la place le chaos. Ben Guerdane en est l'un des prolongements pratiques. A Bruxelles donc, les décideurs de l'Union européenne ne pouvaient que constater l'ampleur des dégâts et subir le diktat de la Turquie. Ankara veut et sans doute, obtiendra-t-elle, pour aider Bruxelles, à fixer les migrants en Turquie, trois choses. De l'argent, beaucoup d'argent frais et payé rubis sur l'ongle. Les 28 proposent 3 milliards de dollars, ce qui fait sourire Erdogan qui exige, au moins, le triple. Pour le moment. Une reprise rapide et sans condition des pourparlers d'adhésion à l'Union européenne et la suppresision des visas pour les ressortissants turcs qui désirent se rendre dans l'un ou l'autre des pays de l'UE. Bruxelles, pourtant, cédera parce que les Européens n'ont plus guère le choix et que même s'ils voient le piège, ils ne peuvent l'éviter. C'est fini, c'est trop tard, ils ont été ligotés par les USA et seul un changement —improbable, pour le moment— d'attitude envers la Russie peut indiquer une sortie de secours. Au Maghreb, par exemple, L'Union européenne n'a rien vu venir, n'a rien réglé et n'a anticipé aucun événement. La Tunisie ? Le démantèlement de l'Etat Ben Ali s'est déroulé sans eux. Lorsque Sarkozy a agi en criminel de guerre en Libye pour le compte de l'Otan, Bruxelles a regardé ailleurs. La fin de l'ère Moubarak a échappé, complètement, aux Européens. Par manipulation, fainéantise intellectuelle et peur de l'Amérique, les médias de Paris, Berlin, La Haye, Varsovie, Prague ou Rome ont trouvé la formule alambiquée et ridicule de «Printemps arabe» pour désigner cette immense supercherie. Sur le dossier sahraoui qui dure depuis quarante ans, Bruxelles louvoie, renvoie aux calendes grecques sinon arabes, ce qui serait pire, la solution, soutient le Polisario pour sa quête d'un référendum d'autodétermination tel que consigné dans tous les plans de paix de l'ONU mais continue à s'adonner au pillage des ressources naturelles du Sahara occidental en complicité avec le Maroc. La télévision publique francophone belge (RTBF) a eu le mérite de diffuser, juste à la veille du Sommet européen, un reportage sur le Sahara occidental, documenté, honnête ; le produit proposé par la chaîne publique belge a été très apprécié par le public. Le service public du royaume de Phillipe et de la charmante Mathilde se différencie, en cette occurrence, et en rien d'autre des médias lourds français. Aux ordres lorsqu'il s'agit de choses sérieuses, Palestine, Sahara occidental, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par Israël, Syrie, histoire coloniale, guerre d'Algérie, bien mal acquis par bon nombre de femmes et d'hommes politiques français en Tunisie de Ben Ali et au Maroc, etc. etc. etc.