De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Assez rare pour être souligné, les participants au colloque sur le Sahara occidental, tenu les 13 et 14 mars à La Haye (Pays-Bas), appellent, dans l'une des résolutions, les pays européens à reconnaître la République sahraouie (RASD). Se basant sur l'arrêt de justice européen invalidant l'Accord agricole avec le Maroc parce qu'englobant le Sahara occidental et la ferme position du secrétaire général de l'ONU identifiant comme «occupés» les territoires de l'ex-Saguia El-Hamra et Rio de Oro, les participants au prestigieux rassemblement du Crowne Plaza, dans la capitale néerlandaise, se basent sur trois éléments qui blindent leur exigence. Les magistrats de Luxembourg (Cour européenne de justice) dans leur décision ont, non seulement considéré les arrangements Bruxelles-Rabat comme illégaux, parce qu'il s'agit de territoires non-autonomes relevant de la doctrine des Nations-Unies en matière de décolonisation, mais aussi ils (les juges) ont considéré que le Front Polisario a qualité pour ester en justice. Du fait même que l'ONU, à travers l'Assemblée générale, la quatrième Commission et le Conseil de sécurité ont clairement précisé les parties au conflit dans l'ex-colonie espagnole. Le Maroc et le Polisario. Concernant le royaume de Mohammed VI, les juges européens, mettant leur exégèse dans le sillage de celle de l'ONU, ne reconnaissent pas au Maroc le statut de puissance administrante, lequel est dévolu à l'Espagne. Le deuxième élément — majeur — justifiant, selon les experts réunis à La Haye, la reconnaissance par les 28 membres de l'UE la République sahraouie, découle des principes doctrinaux du droit international qui n'empêche nullement d'accorder un statut d'Etat à un mouvement de libération. Le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), l'ANC (Afrique du Sud), la Swapo (Namibie), Frélimo (Mozambique), MPLA (Anglola) et tant d'autres organisations de résistance en Amérique latine prouvent, largement, que dans le cas d'espèce Polisario-RASD s'entremêlent largement et cela ne pose aucun problème juridique insurmontable. Ajoutons à cela, évidemment, que, déjà, plus de 80 pays reconnaissent l'Etat RASD. Les juristes et professeurs en droit en conclave à La Haye, compétences avérées et validées au plan universel, se basent sur, en plus de la reconnaissance de jure, celle de facto pour justifier leur appel. «Même le Maroc» précisent-ils, a en définitive négocié avec la RASD via le Polisario. Le plan James Baker II que Rabat n'a pas voulu valider donne à l'Etat sahraoui les principales prérogatives de gestion avant l'organisation du processus référendaire sous la responsabilité de l'ONU. James Baker II prévoyait une période de 5 ans administrée par la RASD avant la tenue du référendum. Rabat se débine, alors, et engage une improductive et dangereuse fuite en avant. Le dernier argument, enfin, mis en avant par les experts de La Haye met en exergue la responsabilité politique de l'Europe. «Pourquoi, relève ce professeur de droit, compère norvégien, les institutions européennes n'engagent-elles pas des discussions avec le Polisario et la RASD concernant les richesses agricoles, halieutiques et autres du Sahara occidental ?» «En droit, rien ne l'interdit, ajoute-t-il, au contraire, que du contraire», conclut-il. C'est l'esprit même, relèvera Ana Gomes, eurodéputée et membre active du groupe europarlementaire «Paix pour le peuple sahraoui». Le Maroc le sait et l'Union européenne le sait aussi, les assises de La Haye avec le faste et le prestige qui les ont entourées ne resteront pas lettre morte. Après la Cour de justice européenne qui a donné la réponse juridique adéquate — et cinglante —, Bruxelles dans tous ses démembrements ne peut pas faire semblant, ne peut plus. Le gouvernement de l'Europe dit Commission, le Parlement et le Conseil doivent se positionner, dorénavant, clairement. Ils le feront. Il n'y a plus guère d'autre alternative. Hier, dans les débats au sein de la Commission Maghreb du Parlement européen (PE), les lobbies pro-marocains n'ont pas réussi à faire taire les eurodéputés qui poussent vers l'entame de rencontres officielles entre l'Union européenne et la République sahraouie. Rabat continue de proférer les insultes les plus abjectes contre Ban Ki-moon. Tournant.