LOUISA HANOUNE : Un «non-événement» Pour la secrétaire générale du Parti des travailleurs, le retour au pays, jeudi, de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, est un «non-événement», avertissant contre toute «provocation», allusion à toute tentation d'une «réhabilitation sélective». M. Kebci - Alger (Le Soir) - Changement de tonalité chez Louisa Hanoune concernant le cas Chakib Khelil. Alors que tout le monde s'attendait à une réaction «musclée» de sa part, la patronne du PT s'est distinguée par une réplique pour le moins «molle», voire «timide» à l'encontre de celui qu'elle n'a jamais cessé de vilipender presque à chacune de ses sorties, en compagnie de bien d'autres des ministres du cercle présidentiel. «Le retour du citoyen Khelil aujourd'hui est jusqu'à maintenant un non événement. Les poursuites judiciaires contre lui ont été suspendues», s'est contentée de soutenir, hier vendredi, Hanoune dans son allocution d'ouverture des travaux de la conférence des délégués de la wilaya d'Alger en prévision de la conférence nationale du parti prévue le week-end prochain. Et d'avertir contre toute velléité de réhabilitation sélective, estimant que «la réhabilitation ou non d'un quelconque cadre poursuivi relève des seules prérogatives de la justice en toute indépendance». Une réhabilitation à laquelle le secrétaire général du FLN vient d'appeler au bénéfice des nombreux cadres d'entreprises injustement incarcérés ou malmenés devant la justice et ayant vu basculer leurs carrières et leur vie. Faisant le lien avec ce qui se passe actuellement au Brésil, la secrétaire générale du Parti des travailleurs soutient que les événements qui ébranlent actuellement ce lointain pays, le Brésil, ont pour élément déclencheur un dossier de corruption dans une société pétrolière. Un parallèle loin d'être fortuit avec les deux affaires Sonatrach dont la première a été jugée et la seconde suit son cours en Italie dans laquelle le nom de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines a été cité. Et à Hanoune d'implorer le Tout-Puissant pour qu'il «protège l'Algérie». Pour rappel, Louisa Hanoune accusait le 11 janvier dernier l'ex-ministre, réputé un des plus proches du président de la République, d'entretenir des «rapports avec les services de renseignements d'un autre pays», et de se comporter comme un «ennemi du pays». Pressée d'en dire un peu plus, elle a refusé pour, selon elle, «ne pas influencer l'affaire toujours en cours devant la justice», promettant, dans la foulée, que les instances du parti décideront de la suite à donner à l'affaire en «temps opportun». M. K. Athmane Mazouz, secrétaire national chargé de communication au RCD : «Chakib Khelil est un justiciable comme tous les citoyens et il ne doit pas être au-dessus des lois ou servir de bouc émissaire» «Chakib Khelil est en Algérie et ceci est une bonne nouvelle pour la justice et les Algériens. Le retour de Chakib Khelil devrait être normalement quelque chose de positif dans un pays où la justice devrait chercher à éclairer l'opinion sur des affaires ayant éclaboussé un département ministériel géré pendant des années par ce dernier. Son retour au pays interpelle en premier lieu ceux qui l'ont le plus souvent accusé ou protégé, mais cette affaire doit, en priorité, laisser place à la justice et à l'éclosion de la vérité sur des questions liées à des soupçons d'atteintes à l'économie nationale. On saura enfin, s'il y a volonté d'aller au fond des choses et si l'épisode Sonatrach sera traité en profondeur ou non et ainsi pouvoir analyser les véritables motivations de ceux qui se cachent derrière les dossiers de Sonatrach. Espérons que la justice ne soit pas sacrifiée sur l'autel des règlements de comptes entre les différents clans. Chakib Khelil est un justiciable comme tous les citoyens et il ne doit pas être au-dessus des lois ou servir de bouc émissaire». Salima Akkouche Djahid Younsi d'El Islah : «L'ultime preuve de la non-indépendance de la justice» Djahid Younsi, secrétaire général du parti El Islah, dit que cette décision, «plus politique que judiciaire, ne nous étonne aucunement. Sorti innocenté, Chakib Khelil est une autre preuve dramatique de l'inexistence d'une justice indépendante. Celle-ci est clairement au service du pouvoir exécutif qui n'en fait qu'à sa tête». «Cette affaire constitue un cafouillage total. D'autant plus qu'il s'agit, parallèlement, de centaines de cadres dont l'innocence a été remise en question et condamnés pour culpabilité». «Pour le peuple algérien habitué aux histoires de corruption au plus haut niveau de l'Etat, le cas de Chakib Khelil n'est qu'un autre titre pour ces nombreux scénarios». «Et dont le verdict était finalement prévisible», souligne-t-il. Pour D.Younsi, «le cumul de ces affaires douteuses creuse dangereusement le fossé, déjà existant, entre la classe gouvernante et le peuple, exclu et bafoué dans ses droits». Ceci en concluant que «la colère de ce dernier atteindra, un jour, son pic, et l'explosion sera certainement inévitable». Naouel Boukir Abderezzak Mokri, président du MSP sur son compte Facebook : «Comment voulez-vous que le peuple ait confiance en ses dirigeants après ça ?» «Chakib Khelil rentre en Algérie innocenté et honoré, comment veulent-ils que le peuple algérien ait confiance en ses dirigeants ? C'est l'Etat présidé par Monsieur Bouteflika qui a annoncé que Chakib Khelil avait constitué une association internationale de malfaiteurs, ruiné l'économie nationale avant de fuir le pays, et c'est le même Etat présidé par M. Bouteflika qui dit aujourd'hui que cet homme est innocent, intègre et compétent. C'est la logique du vainqueur au sein de cet Etat, ni plus, ni moins.» S. A. Yacine Teguia du MDS : «L'affirmation d'un triomphe personnel au détriment de la justice» Yacine Teguia, secrétaire général du MDS, n'est pas surpris, lui non plus, de ce retour. Il précise dans ce sens que «la sentence s'inscrit dans cette idéologie qu'on qualifie de réconciliation nationale fondée sur l'impunité». Surtout que «Chakib Khelil est explicitement présenté dans le rôle de victime. Ce retour est évidemment une véritable affirmation d'un triomphe personnel au détriment de la justice».«Corrélativement à cette décision, une autre la soutient : l'institution de Madani Mezrag comme personnalité nationale». «On peut et on doit s'inquiéter vis-à-vis de l'impunité de cet ancien ministre et la condamnation des quelques jeunes souscripteurs à l'Ansej, qui eux n'ont détourné que des sommes insignifiantes comparativement à celles reprochées à ce premier. De même que l'instauration d'une amnistie fiscale et le prélèvement d'impôts à la source, qui aggraveront davantage ce contexte d'injustice étouffante au profit de l'enrichissement de ces preneurs de décisions». N. B. Younès Saber Cherif, chargé de communication au parti de Jil Jadid : «Nous ne sommes pas surpris» «Le retour de Chakib Khelil en Algérie démontre l'absence d'une justice et d'un Etat de droit dans ce pays. Le pouvoir suit depuis 2013 l'affaire Khelil et du jour au lendemain, il rentre comme si de rien n'était, entache la crédibilité de ce système et prouve qu'il y a défaillance en son sein. Mais ce retour n'est qu'un détail parmi tant d'autres problèmes de corruption à l'exemple de Amar Ghoul ou de Abdelmoumene Khelifa. Toutes ces affaires de corruption ont bénéficié d'amnistie mais nous ne sommes pas surpris car ce système est capable de tout depuis qu'il a fait élire un président incapable de diriger». S. A. Maître Khaled Bourayou : «Son retour n'est pas un événement et l'affaire est beaucoup plus politique que judiciaire» «Le retour de Chakib Khelil n'est pas un événement, l'événement c'est que la justice dans cette affaire est désavouée, c'est un homme qui a été accusé de plusieurs délits et poursuivi par la justice dont un mandat d'arrêt international a été lancé contre lui et il rentre tout innocent. Je pense qu'il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné dans la justice dans cette affaire qui est beaucoup plus une affaire politique que judiciaire.» S. A. Louisa Aït Hamadouche, politologue : «Une énième contradiction du système politique» «Le retour de Chakib Khelil en Algérie est une énième manifestation des contradictions inhérentes au système politique algérien. Des contradictions dans lesquelles sont manifestement tolérées toutes les formes d'impunité». Rym Nasri Naâmane Laouar, vice-président du MSP : «Une contradiction flagrante» «Auparavant, un mandat d'arrêt international a été lancé contre Chakib Khelil et aujourd'hui, on l'accueille à l'aéroport comme un officiel. Le comportement du système est une aberration et il doit y avoir un problème quelque part. Pourquoi alors lancer un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne qu'ils ont fini par accueillir comme un héros ? C'est une contradiction flagrante et nous demandons des explications. Aujourd'hui, la justice doit prouver son indépendance».