Le réseau européen de centres de recherches Euromesco a déploré hier la position de l'Union européenne (UE) à l'égard de la question du Sahara occidental, pointant du doigt la France et l'Espagne pour leur «rôle problématique» dans la résolution du conflit. «Tandis que le conflit israélo-palestinien a constitué un point central dans l'élaboration de la politique étrangère européenne pendant des décennies, ce n'est pas le cas du conflit au Sahara occidental, pour lequel l'UE a préféré se réfugier derrière l'Organisation des Nations-Unies, médiateur principal du conflit», ont regretté Silvia Colombo et Daniela Huber dans leur rapport intitulé : «L'Union européenne et la résolution du conflit dans le voisinage méditerranéen : S'attaquer à de nouvelles réalités par des méthodes anciennes ?». En réponse à une question écrite posée au Parlement européen concernant la position de la Commission européenne au sujet de la mise en place d'un mécanisme de surveillance des droits de l'Homme par la Minurso, les deux chercheures ont rappelé que la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, s'est contentée d'indiquer que «l'UE soutient les efforts des Nations-Unies et n'entreprendra aucune action qui pourrait les discréditer» «en d'autres termes, l'UE n'a pas adopté une position qui soutient la mise en place d'un tel mécanisme», ont-elles expliqué dans leur rapport. Dans ce document publié en mars, les deux chercheures, citant le professeur de politique à l'Université de Liverpool, Richard Guillespie, ont justifié la faiblesse de l'UE par «la difficulté de résolution du conflit, la nature de l'UE, les instruments politiques inadéquats» ainsi que par «la priorité accordée aux relations avec le Maroc». Selon Silvia Colombo et Daniela Huber, «les deux anciens pouvoirs coloniaux de cette région, l'Espagne et la France, ont tous deux joué des rôles problématiques» dans ce conflit qui oppose depuis une longue date le Maroc au Front Polisario. «... la France offrant un tel soutien traditionnel au Maroc que Jacques Chirac (ancien Président français) a, en 2001, utilisé la célèbre formule "provinces du sud du Maroc" pour désigner le Sahara occidental», ont-elles souligné, faisant remarquer que «l'Espagne, de son côté, s'est vu rappeler par les Nations-Unies qu'elle est, selon le droit international, la force administrante de ce territoire». En effet, malgré les pressions en provenance des Nations-Unies dès 1965 visant à pousser l'Espagne à assumer sa responsabilité de puissance administrante et décoloniser ce territoire par l'organisation d'un référendum d'autodétermination, celle-ci n'a jamais activé dans ce sens. Les deux chercheures ont rappelé, par ailleurs, le rôle joué par la France en avril 2013, pour la mise en échec de l'initiative des Etats-Unis, qui militaient pour la création d'un mécanisme indépendant d'observation des droits de l'Homme au Sahara occidental. «Même si leur requête pour élargir le mandat de la Minurso afin de contrôler les droits de l'Homme a d'abord été acceptée par les Etats-Unis dans une proposition faite au Conseil de sécurité des Nations-Unies en avril 2013, elle a été abandonnée dans la résolution finale, probablement en raison de la pression appliquée par la France, même si l'ambassadeur français a nié toute accusation», ont-elles ajouté. Dans leur analyse des politiques européennes, Silvia Colombo et Daniela Huber ont souligné que «l'UE ne reconnaît pas l'autorité du Maroc sur le Sahara occidental, mais a signé plusieurs accords de pêche successifs avec Rabat depuis 1988», relevant que le plan d'action signé avec le Maroc en 2013 «ne comporte aucune mention du Sahara occidental». «Il n'existe pas d'accord d'association avec le Sahara occidental, ni d'intégration de ce dernier en tant que partenaire indépendant de la politique européenne de voisinage. Il n'y a pas d'envoyé spécial et aucune mission civile européenne n'a été menée au Sahara occidental», ont-elles regretté dans leur rapport. Selon Silvia Colombo et Daniela Huber, la signature par l'UE avec le Maroc d'accords commerciaux qui continuent d'inclure le Sahara occidental au moment où l'Union publiait ses lignes directrices en matière de colonies et travaillait sur la question de l'étiquetage dans le contexte du conflit israélo-palestinien, «a affaibli sa propre politique» et l'a exposé à des critiques sur sa «politique de deux poids, deux mesures». Pour illustrer la politique de «deux poids, deux mesures» menée par l'UE, les deux chercheures ont précisé que depuis 1993, l'UE n'a octroyé que 150 millions d'euros d'aide humanitaire pour les réfugiés sahraouis, «ce qui représente la moitié de la somme annuelle accordée par l'UE pour les territoires palestiniens occupés».