Les pharmaciens d'officines sont confrontés à une baisse de leur marge de rémunération. Résultat : 30 à 40% des 9 000 pharmacies en exercice risquent de jeter l'éponge. Selon le président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, c'est aussi la disponibilité et la qualité des produits pharmaceutiques qui est en danger. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - Déremboursement, baisse des prix des médicaments et des tarifs de référence, endettements, problèmes d'approvisionnement, revenus en baisse... Les pharmaciens d'officines sont en crise. Lotfi Benbahmed, président du conseil de l'Ordre des pharmaciens tire la sonnette d'alarme sur une profession qui connaît un «réel» malaise. Benbahmed, qui s'exprimait jeudi sur les ondes de la radio nationale chaîne III a indiqué que les marges de rémunération du pharmacien d'officine sont parmi les plus faibles au monde avec 22% sur le prix d'achat, soit 17 % sur le prix de vente, tandis que le prix de vente représente 30% dans les pays voisins, Maroc et Tunisie. Résultat, 30 à 40% des pharmaciens sont dans de «réelles» difficultés et risquent de jeter l'éponge, selon l'invité de la rédaction. Pis, la baisse des revenus, dit-il, va engendrer un service médiocre, un personnel moins qualifié et des dérives avec la vente de produits illégaux, notamment des psychotropes. Pourtant, dit-il, des solutions existent pour permettre au pharmacien d'améliorer ses revenus. Benbahmed propose d'explorer des pistes comme l'instauration des marges arrières, notamment sur des remises sur le générique ou des rémunérations sur le service. D'autant que, rappelle-t-il, le pharmacien est appelé à jouer le premier rôle dans les soins dans la nouvelle loi sanitaire, en assurant le conseil et l'éducation thérapeutique du patient. L'invité de la radio a appelé à la mise en place d'un nouveau modèle de remboursement. Actuellement, explique-t-il, le modèle de déremboursement continue à dérembourser des produits pharmaceutiques dont on estime que le service médical est faible et à baisser les prix des médicaments par le tarif de référence soit sur la base du générique le moins cher. Selon le président de lOrdre des pharmaciens, citant les deux nouveaux arrêtés publiés sur le Journal officiel en février dernier, il existe 138 produits qui ont un nouveau tarif de référence dont 87 ont déjà un tarif de référence, 51 nouveaux produits auxquels un tarif de référence a été introduit et 30 produits pharmaceutiques dé-remboursés. Selon Lotfi Benbahmed, cette situation engendrera «peut-être» des économies pour la sécurité sociale, mais elle sera aussi à l'origine de la baisse des revenus pour l'ensemble de la chaîne de médicaments et en premier lieu des pharmaciens d'officines. Pis, selon ce professionnel, au moment où les revenus du pharmacien baissent, ses tâches se multiplient. «Le pharmacien fait beaucoup de pédagogie avec le malade. C'est très compliqué d'expliquer au patient que le produit qu'il consommait depuis 30 ans est déremboursé, ou qu'il doit payer la différence entre le produit générique et l'ancien produit qu'il consommait, le pharmacien est aussi complètement impliqué, et seul, dans le dispositif du tiers payant, parce que les médecins ne sont pas encore inscrits en masse dans ce nouveau dispositif et c'est lui qui subit tous les contre coups de cette politique qui avait des limites car, dans un premier temps, la baisse des prix était largement compensée par l'accroissement du marché, avec le développement de la carte chifa qui s'est élargi des retraités et des malades chroniques à l'ensemble de la population, tout ce qui est baisse des prix est compensé par l'augmentation du chiffre global, mais aujourd'hui que le marché stagne et baisse légèrement, la baisse a un contrecoup réel sur les revenus des pharmaciens», dit-il. Cependant, l'invité de la rédaction précise que le conseil ne demande pas une révision du tarif de référence mais une révision globale intégrant les aspects liés au remboursement, à l'enregistrement et à l'investissement. Appel à bloquer l'installation des officines dans les grandes villes La répartition géographique des pharmacies fait objet d'une inégalité sur le territoire national. Au moment où certaines communes, notamment dans les grandes villes, connaissent un surplus, d'autres souffrent d'un manque. Lotfi Benbahmed qui a fait ce constat, appelle à «avoir le courage politique pour bloquer les installations des officines dans les grandes villes et les orienter vers les communes les plus désertées du pays». L'Algérie compte, dit-il, 11 Facultés de pharmacie avec des promotions allant de 800 à 1 000 pharmaciens annuellement. «Ce qui est un peu trop» de l'avis de cet expert. Actuellement, avec 9 000 pharmacies en fonction et 14 000 pharmaciens inscrits au tableau de l'Ordre, le ratio est d'une pharmacie pour 5 000 habitants.