Le 17 avril 2016 marquera la confirmation d'une rivalité Arabie Saoudite-Iran plus que jamais perceptible. La réunion d'hier à Doha, entre membres et non-membres de l'Opep, n'a pas compté l'Iran parmi les pays négociateurs du prolongement du gel de la production du brut à son niveau de janvier. Naouel Boukir - Alger (Le Soir) - Lié à un désaccord politique plus qu'à la surabondance de l'offre accrue depuis 2014, le prix du baril n'est définitivement pas près de remonter. Une analyse que partagent plusieurs experts pétroliers et géopoliticiens. Le professeur Chems-Eddine Chitour, directeur du laboratoire de valorisation des hydrocarbures à l'Ecole polytechnique, dit être convaincu que cette rencontre de Doha, «tout comme celle de février dernier», ne changera absolument rien à la situation actuelle. Pour lui, rester à 43 dollars le baril «serait déjà une chance inouïe» pour les pays producteurs. Il est à rappeler qu'initialement la création de l'Opep avait vocation à défendre les intérêts de «l'ensemble» des pays membres. Or, aujourd'hui, chacun tire la couverture de son côté. L'engourdissement de l'économie mondiale a stimulé un fort regain du protectionnisme et de l'égoïsme des Etats. L'Opep est plus que jamais sous l'emprise de l'Arabie Saoudite qui dirige l'organisation à son profit «d'une main de fer», a souligné le professeur. Voulant dicter sa loi sur le marché pétrolier, ce sont tous les pays membres dispersés qui subiront ses décisions. Pour Chems-Eddine Chitour, il serait plus approprié de donner une nouvelle définition à l'Opep qui serait «l'organisation des pays du Golfe producteurs de pétrole», pour ne pas dire l'Arabie Saoudite. Il n'est plus à nier que le reste des adhérents ne pèsent véritablement pas dans ce processus décisionnel considérant leur faible production comparativement à celle de l'Arabie Saoudite. En quête d'hégémonie au Moyen-Orient En clair, solutionner la surabondance de l'offre estimée à 1,5 mbj est sous l'emprise de la rivalité antique entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. Toute la problématique réside dans «cette politisation d'un trouble d'ordre technique», a signalé le professeur. A travers les médias, les dirigeants respectifs des deux rivaux se sont déclaré une véritable guéguerre de déclarations hautaines par-ci et impertinentes par-là. Le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, a publié sur le site de son ministère que «l'Iran ne renoncera en aucun cas à son quota de production historique», en référence au niveau de production et d'exportation de son pays d'avant les sanctions internationales contre Téhéran. En riposte, le vice-prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, avait réaffirmé que le royaume n'a pas l'intention de geler sa production de brut à moins que l'Iran n'en fasse autant. Quand l'Iran dit viser une production de plus de 4,5 mbj, l'Arabie Saoudite menace que s'il n'adhère pas au gel, il y aura une augmentation graduelle de sa production jusqu'à atteindre 12 mbj d'ici à l'horizon janvier 2017. A ces fulminations, le professeur Chitour affirme que pour le premier, vu l'état désuet de ses moyens techniques de production, dépasser le niveau actuel de 500 000 bj ne se fera pas du jour au lendemain. Pour ce qui est du second, il a qualifié ses prévisions de «grand bluff» dans la mesure où ses gisements sont en déclin. Par ailleurs, préoccupés par la rivalité entre l'Iran et l'Arabie Saoudite pour une éventuelle prépotence régionale, «on oublie souvent de considérer les potentialités considérables de hors Opep», a rappelé le professeur. Ce ne sont pas tant les Etats non-adhérents qui posent problème mais l'ampleur que prend aujourd'hui le réseau terroriste, proclamé Daesh, qui est également un grand producteur de pétrole. C'est à ce stade que la politisation de la question stratégique pétrolière, par les deux rivaux du Moyen-Orient, aggrave l'instabilité du marché pétrolier et le déficit budgétaire de certains pays producteurs et promeut activement l'expansion de l'insécurité régionale à l'échelle planétaire.