Un climat très tendu règne à Ghardaïa, où un bus, qui se rendait à Dhaïa, a été attaqué à coups de pierres et de cocktails Molotov, mercredi dernier. Le président de la Laddh nous a confié que cet acte, qui a été perpétré par des individus cagoulés, suscite la crainte de voir la région s'embraser à nouveau. En fait, précise Me Salah Dabouz, «la situation peut dégénérer à n'importe quel moment en raison de la mauvaise gestion qui a été faite de ce dossier». Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Retour sur les faits : un bus, assurant donc la liaison entre Ghardaïa et Dhaïa, est pris pour cible par un groupe de personnes au visage dissimulé sous une cagoule. Le véhicule reçoit de plein fouet des jets de pierres et des cocktails Molotov. Trois passagers sont atteints. Il s'agirait de deux étrangers, d'origine africaine apparemment, et d'un habitant de Ghardaïa. Selon nos informations, le véhicule empruntait un tronçon (d'une dizaine de kilomètres) «peu sécurisé». Alertés, les services de sécurité encerclent la région. Certaines sources affirment que l'incident fut suivi de l'arrestation d'une dizaine de personnes. Elles ont toutes été relâchées après avoir été entendues. La nouvelle de l'attaque fait immédiatement le tour de la région. Elle jette le froid, le doute. L'attaque est survenue le jour de la célébration de la fête du tapis suspendue depuis les évènements sanglants qu'a connus cette région. La symbolique est forte, le message on ne peut plus clair. «J'étais à Ghardaïa il y a quelques jours, témoigne Me Salah Dabouz. Il règne une psychose terrible là-bas. J'en ai été témoin. Le climat était déjà très tendue avant même cet incident. La population a peur et on le ressent.» Peur de quoi ? «Ils ont peur d'une situation qu'ils ne maîtrisent pas, les personnes connues ont peur elles aussi d'être arrêtées et accusées de vouloir manipuler. Beaucoup ont quitté les lieux, les autres ont peur alors ils s'enferment chez eux.» Difficile d'accuser telle ou telle partie. Le président de la Laddh s'interroge pourtant sur le rôle des services de sécurité dans la région et explique l'attaque du bus comme étant une conséquence directe de la manière dont ont été gérés les évènements de Ghardaïa. «Les autorités ne veulent pas se rendre compte de l'erreur qui a été commise. Toutes les personnes qui ont été arrêtées au cours de ces évènements n'ont absolument rien à voir avec ce qui s'est passé. Au contraire, elles perpétuaient la société traditionnelle qui encadrait la société et donnait les orientations nécessaires. On leur a fait endosser la responsabilité de ce qui s'est passé. Les véritables responsables sont, par contre, toujours en liberté et l'attaque du bus par des individus cagoulés en est une preuve de plus. Il faut aller au fond du problème, se demander pourquoi de tels incidents peuvent encore survenir, pourquoi des attaques comme celle de Berriane ont pu survenir entre trois barrages des services de sécurité... La vérité a été occultée, au lieu de cela, les autorités tentent de masquer la réalité à travers des discours dopés et des artifices comme la fête du tapis.» Hier matin, tous les habitants de Ghardaïa et ses environs sont restés enfermés chez eux. L'incident de mercredi a accentué une tension qui semble ne s'être jamais dissipée. La «coïncidence» a aussi voulu que l'attaque contre le bus survienne au moment où des représentants du M'zab s'élèvent contre des tentatives de manipulation de parties étrangères. Le philosophe Bernard-Henry Lévy, qui n'en est pas à sa première bévue avec l'Algérie, s'est distingué, cette fois encore, par une position et des écrits en faveur des manœuvres indépendantistes du MAK en incluant, cependant, le cas «mozabite» à la demande de Ferhat Mehenni. Cette sortie a provoqué la colère du collectif du M'zab qui a réagi en publiant un communiqué mettant en garde contre «les risques de manipulation politique du problème (...) le M'zab n'a nul besoin d'un scénario à la libyenne et saura faire face aux tentatives de déstabilisation». Cette affaire nous renvoie aux déclarations des officiels algériens au cours des évènements du M'zab. Le Premier ministre avait clairement accusé le Maroc d'être à l'origine des violences qui ont enflammé la région. Lors d'un meeting qu'il avait animé à Ghardaïa, Sellal avait accusé «un Etat frère de soutenir financièrement les mouvements amazighs autonomistes du M'zab». Le Maroc, qui opte habituellement pour la politique du silence dans ce genre de situations, avait, on s'en souvient, réagi officiellement à travers son ministre de la Communication, qualifiant ces propos «d'allégations mensongères». Selon lui, son pays s'est «toujours défendu de toute ingérence dans les affaires internes des autres pays». Accusations, contre-accusations, main de l'étranger, puis reprise des incidents douteux à des dates symboliques, Ghardaïa demeure dans l'œil du cyclone.