C'était une époque où on allait au stade de St-Eugène (devenu stade Omar Hammadi) pour voir à l'œuvre un Abderrahmane Meziani au style particulier. En effet, il cultivait l'art de la feinte de corps, c'est-à-dire qu'avec la souplesse de ses hanches, il esquissait le geste pour aller à droite et immédiatement, il accélérait sur la gauche pour éliminer l'adversaire direct, et ça marchait à tous les coups, surtout sur des terrains en tuf où il était impossible d'exécuter un tacle glisse pour l'arrêter. Il faut dire que dans ces années 60, le foot-ball était différent et plus spectaculaire. C'était le 4-2-4 qui prévalait avec un jeu offensif à outrance et moins de rigueur défensive. Dans ce système où les solistes se retrouvaient souvent en un contre un, c'était un bonheur de les admirer. Meziani, l'artiste, était l'idole d'un autre grand, de la musique cette fois-ci, Guerrouabi qui avait même composé une chanson en son honneur et ses co-équipiers de l'USMA. Même le célèbre pianiste, Skandrani, qui était plutôt un fervent supporter du «frère ennemi» le MCA, se déplaçait à Bologhine pour lui (il nous l'avait confié lors d'un entretien dans les années 90). Il y a cinq ans, nous avions rendu visite à Meziani, en son domicile, à Alger-Centre. Malgré la fatigue et sa difficulté à se déplacer en chaise roulante, il nous avait accueilli chaleureusement. Sa fille s'était opposée à ce qu'il s'exprime, jugeant qu'il n'était pas au mieux pour subir le feu de nos questions, tout en s'excusant bien sûr. Nous pensions que ce n'était que partie remise et que son état de santé allait s'améliorer, hélas le sort en a décidé autrement. Il aura marqué de son empreinte l'USMA de l'après-indépendance et le meilleur hommage que l'on pourrait lui rendre, ce serait de rebaptiser un centre de formation en son nom à l'instar d'un Real Madrid qui l'a fait avec un certain Ferenc Puskas.