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L'entretien de la semaine
SABAH EL ISLAH M'RAKACH, PSYCHOLOGUE CLINICIENNE, AU SOIRMAGAZINE : «Le don de soi est lié à la personne et à son entourage»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 18 - 06 - 2016

Sabah El Islah M'rakach, psychologue clinicienne, revient sur la place du don de soi dans la société algérienne et son impact sur la vie sociétale. Elle met en exergue la relation entre la religion et l'environnement de la personne.
Soirmagazine : Quelle est la définition du don de soi ?
Sabah El Islah M'rakach : Aborder le sujet du don de soi est une formidable idée dans une époque où l'échange et l'hiérarchie sociale supposent de plus en plus une existence par les chiffres, par la bonne exécution d'un business plan, par la richesse matérielle, par le contrôle sur les autres et, clairement, via les positions de pouvoir, et les tentatives déployées dans ce sens ne manquent pas. Le don de soi, c'est se complaire dans une attitude altruiste ; il s'agit d'éprouver du plaisir dans le fait d'être utile à l'autre, dans son proche environnement ou de façon complètement anonyme, comme c'est le cas dans les actions dédiées aux associations caritatives, aux ONG, etc., il est aujourd'hui possible de réaliser une action humanitaire à distance sans que vous sachiez à qui s'adresse votre don, et le seul retour dont vous disposez est celui de savoir que vous contribuez, à votre niveau, à améliorer telle ou telle situation (la faim, la pauvreté, le stress hydrique, l'immigration, les enfants abandonnés, les personnes âgées, les personnes atteintes de maladies graves ou rares, etc.).
Le principe du don de soi repose aussi sur un principe de non-domination, l'utilité ne doit en aucun cas se transformer en toute-puissance ou en un caractère «indispensable». Cette indépendance que revêt le don de soi repose aussi sur le fait de ne pas tomber dans le sacrifice nocif, lequel met en général la relation en danger, puisque l'individu qui reçoit le don se retrouve dans une position de culpabilité, et/ou de permanente dépendance. En réalité, il faut aussi savoir décliner un don, lorsque celui-ci devient menaçant sur le plan des libertés individuelles. J'ai entendu récemment un citoyen français s'exprimant sur le fait de servir son prochain et qui relatait son expérience humanitaire à Madagascar, il a fièrement exposé le fait que son expérience l'a rapproché à nouveau des valeurs essentielles à introduire dans une famille, avec le bénéfice que cela a apporté à son couple, ainsi qu'à l'éducation de ses enfants. Pendant le mois sacré de Ramadhan, et particulièrement en Algérie, les jeûneurs se voient accomplis et fiers des différents élans de solidarité qu'ils soutiennent, n'est-ce pas un signe concret d'épanouissement personnel et social que de s'engager dans une communauté et de donner de soi ? Donner de soi devient un moteur de motivation sur lequel travaillent certaines entreprises innovantes, pour fédérer les équipes et aller au-delà de la contribution classique : le salaire, les bonus, etc. en effet, et y compris dans les grandes organisations, on se pose la question sur le bienfait de la récompense financière et si celle-ci favorise réellement la bonne conduite.
En 1970, le sociologue britannique Richard Titmuss s'était intéressé aux dons de sang au RU. Selon lui, payer pour du sang ne serait pas seulement immoral, mais inefficace. Naturellement, l'idée a semblé farfelue et les économistes ont ricané, puis un quart de siècle plus tard, deux économistes suédois ont décidé de voir si Titmuss avait raison. Dans le cadre d'une intéressante expérience sur le terrain, ils se sont rendu compte qu'une incitation financière ne stimulait pas le comportement souhaité, bien au contraire. La raison ? Cette dernière dénaturait un acte altruiste et «chassait» le désir intrinsèque d'accomplir une bonne action.
Est-ce une qualité qu'on acquiert grâce à son entourage ou par mimétisme, ou est-ce inné ?
La culture façonne les expériences et influence le développement des enfants, comme il a été démontré depuis plusieurs décennies, et par plusieurs études psychologiques. En effet, au-delà de la taille et de l'organisation biologique, viennent les capacités comportementales et l'organisation sociale, qui se greffent au processus d'apprentissage. Etre imprégné et influencé par les pratiques des membres de la famille nucléaire et des proches va de soi, car ils sont eux-mêmes soumis à diverses influences émanant à la fois du milieu naturel et de la collectivité, alors qu'ils remplissent leur rôle, qui peut être de s'occuper d'autres personnes et de gagner leur vie, par exemple. Nous saluerons évidemment les fonctions qui ont trait à l'aide et au soutien des autres, tels que les médecins, les infirmiers, les assistantes sociales, les sages- femmes, les enseignants, les formateurs, etc. Leur quotidien est fait de don de soi, et si vous leur demandez quelle est leur plus grande satisfaction, ils ne vous répondront certainement pas «mon salaire et mes bonnes conditions de travail». Ils sont, certes, rémunérés pour les responsabilités qui leur incombent, mais sans ingéniosité, sans engagement, sans effort ; bref, sans toute cette part invisible du bilan comptable, ils ne feraient pas face aux contraintes et ne rendraient pas le sourire à beaucoup, bien plus souvent qu'on ne le croit. La grève du zèle en est l'exemple le plus flagrant : se cantonner à la stricte exécution des règles sans y mettre de soi risque de bloquer l'organisation. C'est ce que souligne l'ergonomie en distinguant le travail prescrit du «travail réel». En réalité, donner de soi ne pas forcément de soi, dans le sens où les aptitudes individuelles se conjuguent à ce qu'on absorbe de notre environnement, pour devenir quelqu'un qui aime faciliter les choses aux autres, ou au contraire les rendre difficiles.
Pourquoi sans cesse cette inquiétude de faire du bien pour assurer une place au paradis ?
L'homme (l'humain) a besoin par définition de se projeter en l'avenir, sans quoi, c'est déjà l'enfer et il finit par en mourir. Par ailleurs, la notion de paradis est elle aussi singulière, comme disait Freud, «personne ne croit à sa propre mort et, dans son inconscient, chacun est persuadé de son immortalité». Il fait du bien, ou se «rachète» pour mieux se sentir, pour s'auto-convaincre qu'il réussit à établir un équilibre entre ses erreurs et ses bonnes actions. C'est une vertu que de se remettre en question et de s'inquiéter du bien-fondé de nos comportements, car l'autre (l'individu avec qui nous sommes en interaction) est toujours le dernier recours de ce que nous sommes, de ce que nous véhiculons... Il nous permet de réparer, d'avancer, de se nettoyer, d'y domicilier notre œuvre. En fait, il nous permet de mieux nous rapprocher. Faire du bien, au-delà de l'idée de «bonne conscience» nous permet de nous autonomiser et de mieux construire/développer notre architecture mentale. Pour citer Jean-Jaques Lacan, «l'Autre est le lieu de la parole (..) l'Autre est le lieu du signifiant. (...) l'Autre est le lieu du manque à être». Quand notre Prophète Mohamed (alaihe salat oua salam) désigne le paradis aux mères, nous pouvons davantage en saisir l'occasion, pour comprendre que donner la vie reste le fondement du don en lui-même.
Comment se fait cet apprentissage ?
C'est sans doute par le biais cognitif et affectif que se fait tout apprentissage. L'apprentissage est vu comme la modification relativement durable du comportement ou de la compréhension résultant de l'expérience de l'enfant. Le développement se traduit par des changements qualitatifs dans l'organisation fonctionnelle interne du cerveau, du corps et du comportement de l'enfant ainsi que par des modifications dans la relation entre l'enfant et l'organisation de ses expériences socioculturelles. Il est nécessaire de se rappeler qu'en bas âge, les enfants n'arrivent pas à saisir consciemment ou à analyser le sens du monde qui les entoure. La compréhension du sens découle du contact physique avec les objets et est constamment lié à l'action. Ceci n'exclut pas le fait qu'ils soient extrêmement sensibles aux contingences présentées par toutes sortes d'événements qui se produisent dans leur milieu. Ainsi, un enfant est stimulé par les actions de don qui se font autour de lui, et particulièrement par celles de ses parents. Ensuite l'école, l'entourage, les loisirs et jeux, qui constituent la culture de l'enfant, jouent un rôle d'apprentissage certain. Le simple fait d'être exposé au contenu à apprendre grâce à diverses pratiques culturelles revêt une grande importance. Des études dans différents domaines montrent systématiquement que lorsqu'on demande aux enfants d'intégrer des notions ou de résoudre des problèmes fondés sur du matériel qui leur est familier ou qui leur semble «logique d'un point de vue «humain», ils apprennent plus rapidement. Ainsi, plus le don est familier, plus vous avez une société avec une culture de solidarité. Et côté culture, bon nombre de psychologues estiment que les enfants issus de groupes culturels différents apprennent un «style cognitif» de base, concept défini par les diverses écoles de pensée en termes qui diffèrent quelque peu, l'attention par exemple semble se fixer d'abord sur le contexte dans lequel surviennent les événements, puis sur les objets qui sont associés à ces événements ; une conception semblable s'applique aux cultures qui favorisent l'individualisme ou le collectivisme. Alors bien sûr si les apprentissages se font très tôt, les différences sont bien plus observables à l'âge adulte et la culture démarque davantage les personnes avec le temps.
Pourquoi sans cesse attendre la contrepartie ?
Une contrepartie revêt plusieurs sens, mais que ce soit un bijou, une pomme, un voyage, ou un sms, celui qui donne émet un message de pensée et de valorisation, et celui qui reçoit est d'emblée plus en phase avec le monde qui l'entoure... En effet, cette réalité psychique s'appelle l'estime de soi. On attend la contrepartie parce que c'est une sorte d'auto-évaluation, il s'agit en quelque sorte d'un baromètre révélant dans quelle mesure nous vivons en concordance avec nos valeurs. L'estime de soi se manifeste par la fierté que nous avons d'être nous-mêmes et repose sur l'évaluation continue de nos actions. Que nous en ayons conscience ou non, l'évaluation que nous faisons de nos comportements nous atteint toujours. Et la contrepartie par son volet subjectif émet «un verdict» du genre «ce que tu es, ce que tu fais est valable à mes yeux». En l'absence de celle-ci, l'appréciation peut être «ceci ou cela n'est pas valable». Nous sommes aussi communication, et dans les travaux de l'école de Palo Alto et de Paul Watzlawick, on sait que la communication affecte le comportement. La contrepartie est donc une forme de «récompense standard» admise dans la société ; elle peut être très haute ou très basse selon les périodes de notre vie, car pour se comprendre soi-même on a besoin d'être compris par l'autre.
Et ceux qui n'attendent rien en retour, comment les définit-on ?
Vous les voyez où, sincèrement, les personnes qui n'attendent rien en retour ? A défaut d'une infirmité mentale comme dans le cas de l'autisme ou de la psychose, tout le monde (névrotique) aspire à un retour, seule sa nature peut changer. Quant à la pseudoindépendance des «total free persons» à laquelle voudrait nous renvoyer un tel ou une telle, on se poserait la question sur la valeur qu'elle a de sa propre image, peut-être que son opinion d'elle-même est négative et, par ce fait, elle conteste toutes les manifestations positives qui s'offrent à elle. Dans ce cas, vous savez : «Il n y a qu'un être de peu de valeur qui puisse gratifier une personne aussi insignifiante que nous.» Ne rien attendre en retour peut renvoyer à plusieurs problématiques psychiques, comme l'absence du pardon, la non-acceptation, etc. Pour illustrer cela, voici une petite histoire : «Un jeune Indien se promenait dans la forêt, il trouva un œuf d'aigle. Croyant qu'il s'agissait d'un œuf de poule de prairie, il le déposa dans un nid de poule de prairie. L'oisillon vint au monde entouré de poules. Il se mit à marcher comme une poule, caqueter comme une poule, picorer comme une poule. Un beau jour de printemps, le jeune oiseau vit une chose magnifique, c'était un immense oiseau qui s'élevait en planant dans les airs, avec une grande élégance. «Qu'est-ce que c'est que cet oiseau ?» demanda le petit aigle élevé parmi les poules de prairie. «C'est un aigle, l'oiseau le plus beau de tous les oiseaux !» Le petit aigle songea au privilège que ce devait être de pouvoir ainsi voler avec tant de grâce. Mais, comme il savait qu'il ne pourrait jamais être un aigle, le jeune oiseau oublia rapidement son rêve. Il vécut toute sa vie et mourut croyant qu'il était une poule de prairie.» In le Conte de folklore des Indiens d'Amérique. Certains humains ressemblent à ce petit aigle ! Ils possèdent un potentiel extraordinaire, ils ont des capacités inexploitées, des dons, des talents dont la société pourrait profiter et qui leur permettraient de se réaliser. Malheureusement, ils sont nés dans un nid où il n'y avait personne de grand à imiter. Ils ont même reçu des messages qui ont inhibé l'amour qu'ils auraient pu avoir pour eux-mêmes, la confiance en eux-mêmes qu'ils auraient pu développer.
A cause de cela, ils vivent une vie qui ne les satisfait pas et manquent d'estime d'eux-mêmes. Parfois douloureusement, ils peuvent transmettre à leurs enfants des messages négatifs dont ils ne mesurent pas l'importance. Heureusement, il n'est jamais trop tard pour augmenter, construire ou rebâtir l'estime de soi, pour réajuster les pensées erronées et développer la compassion. Les lecteurs doivent savoir qu'il n'est pas nécessaire d'entreprendre une longue psychothérapie pour y arriver. Il est toujours à la portée des personnes qui en expriment le vœu, et de la rehausser à un niveau élevé par différents outils que nous pourrons aborder une autre fois.


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