Au niveau mondial, les Etats semblent se soucier désormais plus de lutter contre la corruption transnationale. L'OCDE, qui a fêté les 20 ans de sa convention anticorruption, salue l'intensification des efforts dans ce domaine. En 2016, 500 enquêtes pour corruption sont en cours dans 20 pays, soit près d'une centaine de plus qu'en 2015. De nouvelles lois, adoptées en France, aux Pays-Bas et en Italie, ont aussi renforcé l'arsenal des Etats. Depuis 1999, 443 individus et 158 sociétés ont été sanctionnés pour des faits de corruption d'agents étrangers, principalement par les Etats-Unis (qui ont condamné 109 sociétés) et l'Allemagne, en tête pour les sanctions individuelles. 125 personnes ont atterri en prison. Des progrès considérables restent à faire. De grands exportateurs, comme la Chine, manquent à l'appel des 43 Etats signataires de la convention. Même parmi ses membres, 23 pays n'ont pas prononcé la moindre condamnation. L'OCDE préconise de renforcer la protection des lanceurs d'alerte, à l'origine de 2% des découvertes de faits de corruption et encore mal protégés. Pour rappel, en 1997, les 30 pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et cinq pays non membres ont adopté une convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales ainsi que des commentaires relatifs à cette convention. Un sixième pays non membre de l'OCDE, l'Afrique du Sud, a aussi ratifié cette convention. Cibler de manière spécifique les offres de pots-de-vin à l'étranger Comparée à d'autres instruments multilatéraux de lutte contre la corruption, la convention de l'OCDE a ceci de particulier qu'elle cible de manière spécifique les offres de pots-de-vin à l'étranger. Aujourd'hui, dans les 36 pays ayant adopté des législations inspirées de la convention de l'OCDE, corrompre un agent public étranger est devenu un délit. En d'autres termes, si une entreprise multinationale originaire d'un de ces pays verse un pot-de-vin à un agent public d'un pays en développement pour obtenir, par exemple, un contrat de travaux publics, cela constitue une infraction passible d'une sanction. 20 ans après l'adoption de cette Convention, le bilan de son application est mitigé selon les pays l'ayant ratifiée : parmi eux il y a les bons et les mauvais élèves. A titre d'exemple, la France – un des tout premiers fournisseurs et clients de l'Algérie – figure dans la deuxième catégorie, ainsi que le Canada et l'Italie d'ailleurs, qui sont d'importants partenaires de notre pays. Est-ce un hasard si la loi algérienne du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, ne dit mot sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales, alors que les Conventions des Nations unies et de l'Union africaine y font largement mention ? Ce vide législatif – sciemment entretenu ? – a laissé le champ libre à l'apparition des plus grandes affaires de corruption qu'ait connues l'Algérie depuis son indépendance. 22 pays signataires sur 41 de la convention de l'OCDE ne la respectent pas Sur les 41 pays signataires de le convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la lutte contre la corruption transnationale, 22 n'ont engagé aucune poursuite judiciaire sur ces délits au cours des quatre dernières années, selon une étude de l'ONG spécialisée Transparency International, publiée en 2015. «En signant la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, les gouvernements s'engagent à enquêter et lancer des poursuites en cas de corruption transnationale. Pourtant, presque la moitié des Etats signataires ne le font pas du tout», a déclaré le président de Transparency International, José Ugaz. Seuls quatre pays, les Etats-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse, luttent «activement» contre la corruption transnationale, selon Transparency. Ils représentent à eux seuls plus de 22% des exports mondiaux. Quatre pays seulement, dont la Grèce, ont accru leur lutte contre la corruption transnationale en 2014, passant de la catégorie «mise en œuvre faible ou inexistante» à une «mise en œuvre limitée ». Transparency International cite parmi les mauvais élèves la Bulgarie, la Russie, le Japon, le Brésil et la Belgique. L'Algérie a toujours tourné le dos à cette convention Malgré les nombreuses sollicitations – voire même les pressions— de l'OCDE, l'Algérie n'a jamais montré un quelconque intérêt pour l'adhésion à la Convention de 1997 de l'OCDE relative à la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Et pour cause, cette Convention est trop contraignante – ce qui n'est pas le cas de la Convention des Nations Unies de 2003 contre la corruption — et le pouvoir algérien est réfractaire à tout ce qui s'apparente à la transparence dans la vie publique. Alors que l'Afrique du Sud – du temps de Mandela – n'a pas hésité à ratifier cette convention. L'état d'application de cette convention est l'objet d'évaluations régulières, évaluations obligatoirement rendues publiques, pratiques qu'a toujours refusé l'Algérie. Même la mise en place par l'OCDE en 2005 d'un «groupe informel» sur la lutte contre la corruption avec les pays du Maghreb et du Moyen-Orient a été boudée par le gouvernement algérien, alors qu'il s'était engagé à y être actif. En février 2016, l'OCDE est revenue à la charge auprès du gouvernement algérien pour essayer d'établir des relations de travail durables et concrètes ; le directeur des relations internationales de l'OCDE a été reçu à Alger par le ministre des Affaires étrangères. Contacts restés sans suites concrètes, l'Algérie refusant de s'engager... Crainte par l'Algérie d'engagements internationaux contraignants La plupart des pays de la région, nos voisins immédiats notamment, se sont déjà engagés dans des relations autour de programmes, avec partenariats à la clé, avec l'OCDE. Ces fuites en avant répétées du pouvoir algérien, cette succession de dérobades et la crainte d'engagements internationaux contraignants de la part du gouvernement confirment l'absence de volonté politique de lutter contre la corruption, expliquent l'explosion de grands scandales de corruption où sont cités et/ou impliqués notamment de hauts commis de l'Etat, le tout dans un climat de totale impunité sur fond d'effacement de la justice. D'autres pays peuvent s'associer à la convention, convention qui reste ouverte à toute nouvelle adhésion : ce qui donne accès au statut de participant au «Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption». Un pays qui souhaite participer au «groupe de travail» doit satisfaire certains critères, notamment être doté d'un dispositif juridique satisfaisant pour combattre la corruption nationale, observer certaines normes comme l'incrimination de la corruption transnationale et la non-déductibilité fiscale des pots-de-vin ou encore des normes de comptabilité, des mécanismes efficaces d'application du droit et être un acteur économique important. Les mesures que prennent les gouvernements en tant que participants à la Convention ont une interaction avec les initiatives de lutte contre la corruption prises par d'autres institutions comme les Nations unies, le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, l'Organisation des Etats américains et l'Union africaine. L'Algérie doit être plus respectueuse des règles de transparence et de libre concurrence dans ses échanges économiques et commerciaux Ces mesures renforcent en outre les activités anticorruption d'institutions comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'Organisation mondiale du commerce. Si l'OCDE, pour le compte d'ailleurs d'un certain nombre de ces organisations internationales, fait un forcing depuis quelque temps pour amener l'Algérie à embarquer dans le train de ces initiatives anticorruption, c'est aussi parce que notre pays s'est malheureusement et tristement distingué ces dernières années par son implication dans de grandes affaires de corruption sur plusieurs continents. Pour l'OCDE, pour ses pays membres les moins corrompus et ses entreprises les plus «propres» qui n'ont pas pu accéder à l'énorme commande publique algérienne ces 15 dernières années — qui se chiffre à plus de 500 milliards de dollars —, il est temps que cessent ces pratiques opaques et que l'Algérie soit plus respectueuse des règles de transparence et de libre concurrence dans ses échanges économiques et commerciaux. Mais le pouvoir algérien continue à faire la sourde oreille...