L'Algérie est au cœur des grands scandales de corruption internationale depuis quelques années, et rien ne montre que du côté du gouvernement et de la justice, on soit décidé à prendre le taureau par les cornes pour que ces affaires connaissent un traitement rapide. Si l'Algérie a ratifié en 2004 la Convention des Nations unies contre la corruption, c'est principalement pour mieux la contrer dans la mise en œuvre de mécanismes internationaux de surveillance de l'application de cet instrument, et au plan interne, laisser les choses en l'état. Et dire que la communauté internationale dispose d'une autre Convention spécifique à la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales. Qu'attend l'Algérie pour adhérer à cette convention de l'OCDE ? L'état d'application de la convention de 1997 de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), relative à la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, fait l'objet de bilans réguliers pour chacun des pays ayant ratifié cet instrument, bilans réalisés par des experts indépendants, et rendus publics. L'adhésion à cette convention (qui obéit à des critères) est ouverte aux pays non membres de l'OCDE et souvent, des appels ont été lancés dans ce sens aux pouvoirs publics algériens, appels restés sans suite, alors que l'Afrique du Sud n'a pas hésité à adhérer à cette convention. Même la mise en place par l'OCDE il y a quelques années d'un «groupe informel» sur la lutte contre la corruption avec les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, a été boudée par le gouvernement algérien, alors qu'il s'était engagé à y être actif. Au sujet des «mauvais élèves» de cette convention (législation nationale insuffisante et très peu de procès anticorruption), nous retrouvons parmi eux d'importants partenaires économiques et commerciaux de l'Algérie, à l'image du Canada (affaire SNC-Lavalin), de la France et de l'Italie (affaires Saipem, ENI, etc.). Question : comment les pays les plus engagés dans l'application de cette convention peuvent continuer à faire pression pour qu'il y ait plus de progrès dans sa mise en œuvre ? L'implication de la société civile dans la «Transparence dans les industries extractives» Au vu de l'actualité sur la corruption dans le secteur du pétrole où un grand nombre de grandes entreprises de par le monde sont impliquées, dont Sonatrach, la société civile en Algérie doit s'impliquer dans les initiatives internationales lancées ces 10 dernières années et ayant trait à la «Transparence dans les industries extractives», notamment celle lancée en 2002 par des ONG, intitulée «Publiez ce que vous payez» (PCQVP) ; ou celle nommée «Initiative pour la ‘‘Transparence dans les industries extractives''» (EITI) tripartite (gouvernements- entreprises-société civile) créée en juin 2003, impliquant 37 pays, mais où l'Algérie (ministère de l'Energie et Sonatrach) est volontairement absente, malgré toutes les sollicitations dont elle a fait l'objet ces 10 dernières années. Autres initiatives plus récentes pouvant œuvrer à la «Transparence dans les industries extractives» : l'adoption de la Loi Dodd-Frank aux Etats-Unis (votée en 2010 et entrant en application en septembre 2013) qui exige de la part des sociétés pétrolières, gazières et minières des Etats-Unis et étrangères qu'elles publient les paiements qu'elles versent aux gouvernements américain et étrangers dans les rapports annuels qu'elles remettent à la SEC [Commission boursière des Etats-Unis], ce qui sera le cas pour la plupart des entreprises étrangères du secteur installées en Algérie, ou il y a quelques semaines encore l'adoption par l'Union européenne (UE) d'une législation similaire : le cadre de la directive comptable de l'UE permettra également aux pays en voie de développement d'accéder aux informations relatives aux paiements versés à leurs gouvernements en provenance des industries pétrolière, gazière et minière, améliorant ainsi l'utilisation de tels revenus. Il est essentiel que la société civile en Algérie fasse pression tant sur le gouvernement algérien (ministères de l'Energie et des Finances) et Sonatrach notamment pour les amener à adhérer à l'EITI, surtout depuis l'éclatement des affaires de corruption où sont mêlés Sonatrach et nombre de ses partenaires étrangers. Le cas Amar Ghoul intéresse le gouvernement de Barak Obama «Et Amar Ghoul ?» demande une diplomate américaine (lors d'une entrevue récente avec le porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, et par ailleurs journaliste au Soir d'Algérie), sous-entendant très certainement s'il est impliqué ou non dans des affaires de corruption, dont l'énorme scandale de l'autoroute Est-ouest, d'une part, et si oui, comment et pourquoi échappe-t-il à la justice algérienne ? La réponse du journaliste a été sans équivoque : lorsqu'Amar Ghoul était ministre de Pêche et des Ressources halieutiques, de 1999 à 2002, le Soir d'Algérie (espace «Soir Corruption») avait publié une enquête sur la corruption dans la gestion de la pêche au thon, enquête intitulée «Un Ghoul en cache un autre», faisant allusion à l'opportunité d'une enquête judiciaire, enquête qui n'a jamais eu lieu, alors que les faits étaient accablants. Plus grave, Amar Ghoul, au lieu d'être démis de ses fonctions à ce moment-là, fut promu ministre des Travaux publics, puis éclata en 2010 l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, toujours pendante devant la justice. Et on est en droit de se poser la question : à partir du moment où un nombre important de hauts fonctionnaires de ce ministère et de l'Agence nationale des autoroutes est poursuivi par la justice, ce ministre, dans l'hypothèse qui lui serait la plus favorable – mauvaise gestion et incompétence, aurait dû de lui-même quitter le gouvernement. Mais cela ne fait partie ni de sa morale, encore moins de son éthique.