[email protected] Selon ce qui vient d'être rapporté par plusieurs journaux(1), il est fort probable que les courants politiques de l'opposition décident de changer leur fusil d'épaule en vue des prochaines législatives. En s'accordant sur le principe de rupture avec les stratégies des boycotts systématiques, quitte à se voir infliger d'autres déconvenues, ils mettent en avant l'impasse qui les attend dans le cas contraire. Rappelant que la récente loi relative au régime électoral les contraint à la participation sous peine de se voir refuser toutes investitures lors des scrutins généraux (APC et APW), l'on découvre (à travers les justifications données à la presse), que certains partis sont déjà disposés à faire «contre mauvaise fortune bon cœur». En somme, ceux-là n'aspiraient, jusque-là, qu'à cette forme de «dénouement» afin de solliciter quelques sièges parlementaires sans être pour autant exposés aux pénibles soupçons qui les auraient assimilés au cartel partisan proche du pouvoir. C'est précisément de cela qu'il s'agit dès l'instant où le principe de l'abstention déclarée et assumée serait dorénavant perçu comme activisme politique ayant montré ses limites. C.Q.F.D, celui qui aurait plutôt contribué à leur laminage. Il est au contraire remarquable qu'ils évitent de se pencher sur la validité réelle des prochains scrutins et ce qui aurait réellement changé dans les perspectives politiques du régime notamment dans sa capacité à truquer des élections. Autrement dit, comment peut-on ignorer que depuis le fameux Naegelen, alors gouverneur d'une Algérie colonisée, les votes dans ce pays n'ont jamais été transparents. D'ailleurs, depuis cet épisode colonial datant de 1947, la formule le qualifiant avait fait florès. «Les élections à l'algérienne» étaient même devenues un raccourci dans les débats afin de souligner tout le mal que l'on devrait penser des urnes livrées à la manipulation tout autant qu'au sujet de la qualité morale de ceux qui en tirent bénéfice. L'Algérie indépendante n'avait guère mis un terme à ce syndrome fait de traficotage des légitimités. C'est dire que les régimes successifs ne s'étaient jamais souciés du choix véritable de l'électorat. D'ailleurs, en 54 années de souveraineté, elle a eu recours à dix consultations locales, 8 législatives et autant de présidentielles sans qu'aucune d'elles fût transparente même si l'on doit y inclure la dizaine d'actes référendaires. Dans tous les cas de figure, jamais la question de la participation n'avait été une préoccupation pour le pouvoir puisque le bourrage des urnes était la «nourriture» naturelle de cette démocratie de pacotille. Il avait fallu attendre le début de l'actuelle décennie pour constater un changement dans la manipulation des statistiques électorales. Avec la fin des ridicules plébiscites d'un Bouteflika raflant plus de 85% lors de sa réélection en 2004, le pouvoir lui substituait parfois le concept des quasi-ballottages en accordant des scores serrés pour les victoires dans certaines législatives. Pour insuffisante, en terme de transparence des urnes, cette atténuation dans le truquage est cependant un succès des campagnes pour le boycott que l'opposition mena par le passé. C'est ainsi qu'en 2012, la vague d'abstention qui marqua et les législatives et les élections locales fut clairement qualifiée de boycott massif par les spécialistes avec toutes les connotations politiques que la formule suggère. Un mécontentement généralisé qui avait permis de consolider et légitimer les mots d'ordre d'une opposition puis de la conforter dans son rôle d'interlocuteur majeur du changement sans pour autant siéger dans les assemblées croupions. Rétrospectivement, les courants de l'opposition n'avaient jamais bénéficié d'une audience aussi grande que depuis 2011. Celle qui semble faire polémique au sein des fragiles instances qu'elle s'est donnée depuis 2014 notamment. Alors que nous sommes à la veille d'une nouvelle refondation de l'espace politique dans les termes que souhaite cette autocratie, il semble tout de même incompréhensible qu'une frange représentative de larges strates de la société fasse preuve de réelles imprudences en avalisant la tactique de l'entrisme au prétexte qu'il y aurait péril pour les appareils qu'elle pilote. Car, si effectivement le rétrécissement du champ des libertés politiques est le principal enjeu des scrutins à venir, est-ce en postulant de la sorte à la survie que l'on assure la pérennité du combat que l'on a engagé hier et avant-hier ? Le dilemme est en soi douteux en ce sens qu'il met en balance le choix entre le statut d'opposant de service et celui de militant vigilant pour la promotion de la démocratie. Car pourquoi ne se pose-t-on pas la question différemment en mettant en avant les risques de compromission qu'une participation implique dès l'instant où l'on sait que l'abstention sera massive quelles que soient les décisions des appareils de l'opposition ? C'est qu'au cœur des analyses souvent pointues qui s'efforcent de décoder le désintérêt massif, même les partis de l'opposition ne s'aventurent guère à reconnaître que le rejet par l'opinion de la politique et de ses acteurs les englobe également. Autrement dit, le boycott est désormais une constante de la vie sociale du pays. Ce dont le pouvoir est conscient depuis plusieurs années et à travers lequel il voudra cette fois solder le pluralisme. Se suffisant de l'ambivalence incarnée par le FLN et le RND notoirement différents mais cependant solidaires dans la fidélité au régime, il n'hésiterait pas à disqualifier le reste des partis à l'exception, peut-être, du FFS et du RCD dont il s'efforcera de réduire leur visibilité à la Kabylie. La nouvelle loi encadrant le régime électoral est taillée sur mesure pour permettre à ce scénario de se réaliser dès le premier semestre 2017. Et c'est le caractère déstabilisant psychologiquement qui serait intéressant dans l'opération sous-tendant le prochain scrutin. Celle qui consiste à contraindre les officines, à l'audience toute relative, de changer d'abord de discours et ensuite de solliciter des dérogations aux règlements afin de survivre. En somme, la planification d'une série d'extinctions lentes que la puissance publique ne pourra que constater «administrativement». Mais, dira-t-on, dans l'opinion, la dissolution de ces partis importe peu dès lors qu'ils ont moins d'audience. C'est que leurs décès semblent déjà actés dans les faits bien avant que le pouvoir ne se réserve le droit de les passer sous les fourches caudines d'une disposition draconienne qui leur exige une seconde attestation d'existence. Celle qui doit être fondée sur le capital «voix» acquis par le biais des urnes. Fermez donc le ban ! Il est désormais clair que tout boycott sera puni de la peine capitale. B. H. 1) Lire dans Le soir d'Algérie et El Watan du jeudi 15 septembre les articles intitulés respectivement : «Les partis boudent le boycott» et «Les partis de l'opposition piégés».