En franchissant le seuil de la demeure de Hadj Abdelhamid, nous �tions loin de penser qu'on allait revivre avec une intense �motion cette journ�e du 13 avril 1959. Tlemcen a fait offrande de sa jeunesse pour la patrie, on a souvent cit� des noms qui ont fait la noblesse de la capitale des Zianides. Le colonel Lotfi, le docteur Benzerdjeb et bien d'autres restent l'exemple du sacrifice supr�me. On parle peu ou presque jamais de cette ic�ne, qui � elle seule, symbolise le martyre et le courage de la femme alg�rienne pendant la longue nuit coloniale. Maliha, la petite fille de Bab-El-H'did C'est dans ce quartier populaire situ� � quelques m�tres du sinistre quartier g�n�ral des services sp�ciaux qu'est n�e en 1942 Maliha Hamidou. Comme toutes les petites filles de son �ge, elle fr�quenta l'�cole primaire de Blass El-Khadem. Durant toute sa scolarit�, elle se rendait � Dar-El-Hadith pour parfaire son �ducation religieuse. C'est l� un tournant d�cisif qui allait marquer la petite fille qui commence � d�couvrir l'am�re r�alit� � laquelle �tait confront� le peuple alg�rien. Elle commence alors � �tre impr�gn�e d'un sentiment de r�volte. A cette �poque-l�, le courant r�volutionnaire �tait tr�s fort et le destin de Maliha allait prendre une longue tournure pendant ses �tudes secondaires. Pendant les cinq ann�es qu'elle a pass�es au lyc�e jusqu'en classe de seconde, elle optera pour une participation active dans les rangs des fidaiyines. Le premier contact avec la r�volution s'est fait par l'interm�diaire d'une certaine Z'hor, une femme militante. Au cœur de la lutte, l'audace de l'adolescente La maison familiale de feu Hadj Abdelhamid situ�e sur les hauteurs de Tlemcen � Sidi- Chaker devient alors le PC de tous les maquisards et moussebbiline de la r�gion, lieu de refuge, PC des op�rations en ville et aussi lieu de transit des moudjahidines en partance vers le Maroc, un certain Ch�rif Belkacem est aussi pass� par l�, nous confie Sma�n, le fr�re de Maliha. D�bordant de courage et surtout de lucidit�, l'�tudiante aux yeux noirs et au regard furtif est respect�e et admir�e pour son audace, elle est alors d�sign�e comme secr�taire de la cellule combattante du secteur de Sidi-Chaker. Elle ne se contente pas de collecter des renseignements et de surveiller les mouvements de troupes de l'arm�e coloniale, elle participe de mani�re directe � des attentats en milieu urbain. V�ritable planificatrice des op�rations les plus dangereuses, l'�tudiante des ann�es 57 savait aussi jouer de la grenade ; dans son cartable il y avait toujours une arme : Maliha �tait pr�te � tout. De ses activit�s militantes, sa famille �tait bien s�r au courant, mais Maliha ne disait jamais rien sauf � Rab�a, sa sœur adoptive qui �tait sa v�ritable confidente. Le parcours de la jeune combattante n'�tait pas pr�s de s'arr�ter, mais le destin �tait au rendez-vous en ce printemps de l'ann�e 1959. Le 13 avril 1959, 1h du matin, la nuit du destin Durant cette ann�e, le combat s'intensifia contre l'oppresseur, les forces coloniales �taient harcel�es en plein centre-ville, on assista alors � une r�pression sauvage et sanglante, beaucoup de fidaiyines et de maquisards tomb�rent au champ d'honneur les armes � la main, d'autres furent achev�s sous la torture et ce fut un coup terrible pour le r�seau des cellules combattantes. Certaines avouaient sous la torture, Maliha �tait consciente du danger et s'attendait � tout moment au pire, elle savait qu'elle n'irait pas au bout de sa jeunesse et dans la nuit du 13 avril � 1 heure du matin, un commando des forces sp�ciales de la DST a encercl� la maison. C'est la m�re de Maliha qui ouvre la porte, un b�ret vert fait irruption � l'int�rieur de la maison et hurla �qui est Maliha ?� Une voix lui r�pondit : �C'est moi, elle savait que c'�tait la fin. Avant de quitter le domicile familial dans un dernier geste, elle enfila un manteau et fut emmen�e par ses bourreaux. Le lendemain, un cousin de la famille et infirmier � l'h�pital de Tlemcen est venu annoncer la triste nouvelle. L'h�ro�ne de Sidi- Chaker �tait morte. Sa m�re se rendit � la morgue de l'h�pital pour identifier le corps, un corps cribl� de balles et portant des traces de tortures. Maliha a tenu sa promesse, elle a r�sist� � ses tortionnaires, elle n'a livr� aucun secret, son corps fragile a support� toutes les douleurs, elle venait de r�aliser son r�ve de martyr. Rachida (nom de guerre de Maliha Hamidou) �tait partie pour un monde meilleur, apr�s sa mort, sa famille subit de dures repr�sailles, sa m�re, � son tour, est accus�e d'avoir lanc� une grenade, elle fut condamn�e � verser une amende. Un adjudant de l'arm�e coloniale, un certain Kremenker, leur voisin mena�ait toute la famille. Les Hamidou ont v�cu le calvaire jusqu'� la fin de la guerre. Apr�s la mort de Maliha, Rab�a a pris le soin de br�ler tous les documents secrets que Maliha dissimulait. Sma�n, un fr�re marqu� � jamais Sma�n Hamidou, le fr�re de Maliha, en nous ouvrant la porte de la maison familiale, exprima une profonde �motion quand il a su l'objet de notre visite, ce professeur d'histoire se souvient de tout, il avait du mal � retenir ses larmes en �voquant cette nuit du 13 avril 1959. Il �tait encore enfant quand il a vu les bourreaux prendre sa sœur pour ne plus jamais revenir. Il faut dire que la famille Hamidou n'a jamais demand� rien � personne, elle a m�me refus� des privil�ges. Sma�n est cat�gorique, nous ne voulons pas souiller la m�moire de Maliha. Cette famille a v�cu des moments difficiles apr�s la mort de leur p�re aux Lieux Saints de l'Islam. El Hadj Abdelhamid fut un exemple pour ses enfants, ce bachelier de 1934 �tait aussi le repr�sentant du corps professoral musulman. Avant de nous quitter, Sma�n nous fait cette �tonnante remarque, il nous cita l'exemple d'un autre martyr Djamel Benhbib, compagnon de Maliha. Un jour alors qu'ils �taient tous r�unis dans la maison avec leurs compagnons d'armes, Djamel Benhbib ne put s'emp�cher de dire, �vous aurez l'ind�pendance et vous allez voir ce qui se passera�. Ces jeunes martyrs savaient qu'ils ne survivront pas, ils sont morts avant l'aube naissante de l'ind�pendance et de la libert�. Aujourd'hui, 44 ans apr�s la mort de Maliha, peu de gens, et en l'occurrence la nouvelle g�n�ration ne savent pas grand-chose de cette h�ro�ne. A Tlemcen, seul un lyc�e porte son nom, et puis plus rien. Il est peut-�tre temps de rattraper le cours de l'Histoire et une fondation �Maliha Hamidou� serait quand m�me une reconnaissance de la part de ces jeunes filles qui ont fr�quent� le lyc�e baptis� en son nom. Une fois encore, l'histoire a failli au devoir de m�moire. Maliha Hamidou repose en paix sous les peupliers du cimeti�re de Sidi-Boumediene.