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TLEMCEN
La lettre de Guy M�quet et le petit billet de Maliha Hamidou
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 11 - 2007

La nouvelle g�n�ration fran�aise vient de red�couvrir un jeune martyr de la r�sistance fusill� par les nazis � l��ge de 17 ans. Guy M�quet �tait un r�sistant comme les autres, sauf que sa lettre d�adieu � ses parents a marqu� � tout jamais la m�moire des Fran�ais. Le pr�sident Sarkozy a d�ailleurs r�cup�r� politiquement cet acte h�ro�que pour donner de l�allure � son mandat.
Chez nous, peu de gens connaissent Maliha Hamidou, cette �tudiante de 17 ans, assassin�e en pleine nuit par les tortionnaires de la DST. Elle �tait en classe de seconde comme Guy M�quet, elle aussi a laiss� un petit billet � sa m�re avant de partir. Il y a deux ans, nous avons rendu visite � la famille de cette h�ro�ne. Son fr�re Sma�l Hamidou nous racontait. En franchissant le seuil de la demeure de Hadj Abdelhamid, nous �tions loin de penser qu�on allait revivre avec une intense �motion cette journ�e du 13 avril 1959. Tlemcen a fait offrande de sa jeunesse pour la patrie, on a souvent cit� des noms qui ont fait la noblesse du sacrifice dans la capitale des Zianides. Le colonel Lotfi, le docteur Benzerdjeb et bien d�autres restent l�exemple du sacrifice supr�me. On parle peu ou presque jamais de cette ic�ne, qui � elle seule, symbolise le martyre et le courage de la femme alg�rienne pendant la longue nuit coloniale.
Maliha, la petite fille de Bab-El-Hadid
C�est dans ce quartier populaire situ� � quelques m�tres du sinistre quartier g�n�ral des services sp�ciaux qu�est n�e en 1942 Maliha Hamidou. Comme toutes les petites filles de son �ge, elle fr�quenta l��cole primaire de Blass-El- Khadem. Durant toute sa scolarit�, elle se rendait � Dar-El-Hadid pour parfaire son �ducation religieuse. C�est l� un tournant d�cisif qui allait marquer la petite fille qui commence � d�couvrir l�am�re r�alit� � laquelle �tait confront� le peuple alg�rien. Elle commence alors � �tre impr�gn�e d�un sentiment de r�volte. A cette �poque-l�, le courant r�volutionnaire �tait tr�s fort et le destin de Maliha allait prendre une autre tournure pendant ses �tudes secondaires. Pendant les cinq ann�es qu�elle a pass�es au lyc�e jusqu�en classe de seconde, elle optera pour une participation active dans les rangs des fida�nes. Le premier contact avec la R�volution s�est fait par l�interm�diaire d�une certaine Z�hor, une femme militante.
Au c�ur de la lutte, l�audace de l�adolescence
La maison familiale de feu Hadj Abdelhamid situ�e sur les hauteurs de Tlemcen � Sid- Chaker devient alors le PC de tous les maquisards et moussebeline de la r�gion, lieu de refuge, PC des op�rations en ville et aussi lieu de transit des moudjahidine en partance vers le Maroc, un certain Ch�rif Belkacem est aussi pass� par l�, nous confie Sma�n, le fr�re de Maliha. D�bordant de courage et surtout de lucidit�, l��tudiante aux yeux noirs et au regard furtif est respect�e et admir�e pour son audace, elle est alors d�sign�e comme secr�taire de la cellule combattante du secteur de Sidi-Chaker. Elle ne se contente pas de collecter des renseignements et de surveiller les mouvements de troupes de l�arm�e coloniale, elle participe de mani�re directe � des attentats en milieu urbain. V�ritable planificatrice des op�rations des plus dangereuses, l��tudiante des ann�es 1957, savait aussi jouer de la grenade, dans son cartable il y avait toujours une arme : Maliha �tait pr�te � tout. De ses activit�s militantes, sa famille �tait bien s�r au courant, mais Maliha ne disait jamais rien sauf � Rab�a, sa s�ur adoptive qui �tait sa v�ritable confidente. Le parcours de la jeune combattante n��tait pas pr�t au rendez-vous en ce printemps de l�ann�e 1959.
Le 13 avril 1959, 1h du matin, la nuit du destin
Durant cette ann�e, le combat s�intensifia contre l�oppresseur, les forces coloniales �taient harcel�es en plein centre-ville. On assista alors � une r�pression sauvage et sanglante, beaucoup de fida�nes et de maquisards tomb�rent au champ d�honneur les armes � la main, d�autres furent achev�s sous la torture et ce fut un coup terrible pour le r�seau des cellules combattantes. Certains avouaient sous la torture, Maliha �tait consciente du danger et s�attendait � tout moment au pire, elle savait qu�elle n�irait pas au bout de sa jeunesse et dans la nuit du 13 avril � 1 heure du matin, un commando des forces sp�ciales de la DST encercle sa maison. C�est la m�re de Maliha qui ouvre la porte, un b�ret vert fait irruption � l�int�rieur de la maison et hurla : �Qui est Maliha ?� Une voix lui r�pondit : �C�est moi�. Elle savait que c��tait la fin. Avant de quitter le domicile familial dans un dernier geste, elle enfila un manteau et fut emmen�e par ses bourreaux. Le lendemain, un cousin de la famille et infirmier � l�h�pital de Tlemcen est venu annoncer la triste nouvelle. L�h�ro�ne de Sidi-Chaker �tait morte. Sa m�re se rendit � l�h�pital pour identifier le corps, un corps cribl� de balles et portant des traces de torture. Maliha a tenu sa promesse, elle a r�sist� � ses tortionnaires, elle n�a livr� aucun secret, son corps fragile a support� toutes les douleurs, elle venait de r�aliser son r�ve de martyre. Rachida (nom de guerre de Maliha Hamidou) �tait partie pour un monde meilleur. Apr�s sa mort, sa famille subit de dures repr�sailles, sa m�re, � son tour, est accus�e d�avoir lanc� une grenade, elle fut condamn�e � verser une amende. Un adjudant de l�arm�e coloniale, un certain Kremenker, mena�ait toute la famille. Les Hamidou ont v�cu le calvaire jusqu�� la fin de la guerre. Apr�s la mort de Maliha, Rab�a a pris le soin de br�ler tous les documents secrets que Maliha dissimulait.
Sma�n, un fr�re marqu� � jamais
Sma�n Hamidou, le fr�re de Maliha, nous narrait les faits avec une profonde �motion. Quand il a su l�objet de notre visite � l��poque, ce professeur n�avait rien oubli�, il se souvient de tout, il avait du mal � retenir ses larmes en �voquant cette nuit du 13 avril 1959. Il �tait encore enfant quand il a vu les bourreaux prendre sa s�ur pour ne plus jamais revenir. Il faut dire que la famille Hamidou n�a jamais demand� rien � personne, elle a m�me refus� des privil�ges. Sma�n est cat�gorique : �Nous ne voulons pas souiller la m�moire de Maliha.� Cette famille a v�cu des moments difficiles apr�s la mort de leur p�re aux Lieux Saints de l�Islam. El Hadj Abdelhamid, fut un exemple pour ses enfants, ce bachelier de 1934 �tait aussi le repr�sentant du corps professoral musulman. Avant de nous quitter, Sma�n nous fait cette �tonnante remarque, il nous cita l�exemple d�un autre martyr Benhbib, compagnon de Maliha. Un jour alors qu�ils �taient tous r�unis dans la maison avec leurs compagnons d�armes, Djamel Benhbib ne put s�emp�cher de dire : �Vous aurez l�ind�pendance et vous allez voir ce qui se passera.� Ces jeunes martyrs savaient qu�ils ne survivront pas, ils sont morts avant l�aube naissante de l�ind�pendance et la libert�. Aujourd�hui, 49 ans apr�s la mort de Maliha, la nouvelle g�n�ration ne sait pas grand-chose de cette h�ro�ne. A Tlemcen, seul un lyc�e porte son nom, et puis plus rien. Il est peut-�tre temps de rattraper le cours de l�histoire et une fondation �Maliha Hamidou� serait quand m�me une reconnaissance de la part de ces jeunes filles qui ont fr�quent� le lyc�e baptis� en son nom. Une fois encore, l�histoire a failli au devoir de m�moire. Ce 1er Novembre aussi sera comme les autres, personne ne viendra prier sur la tombe de Maliha. Dans un pays o� on reconna�t l�existence de 10 000 faux moudjahidine (c�est tout ?) nos martyrs peuvent dormir en paix, ils n�ont besoin ni de gerbes de fleurs ni de discours glorifiants. En ce 1er Novembre 2007, nous ne pouvons oublier notre cher professeur d�histoire, M. Guermouche, qui, en 1962, lors d�un cours d�histoire, nous ass�nait cette v�rit� historique : �Il y a un seul h�ros, le peuple�. A cette �poque, on ne parlait pas de famille r�volutionnaire.


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