Le retrait des quelques �lus RND des collectivit�s locales de Kabylie continue de susciter des r�actions qui alimentent utilement le d�bat public. Ce retrait fait suite � l'accord gouvernement-arouch pour la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur dont la �sixi�me incidence� porte sur le �retrait volontaire� des �indus �lus� du 10 octobre 2002. Le FFS contr�le 27 APC sur 37, en plus de l'APW � Tizi- Ouzou. Seule une APC (Akerrou) � majorit� RND semble s'astreindre � la disciplinaire partisane. Le maire d'Abi-Youcef, l'autre seule commune RND, refuse de plier � la d�cision de son parti allant jusqu'� qualifier les arouch d'�apprentis sorciers � et d'�aventuriers sans scrupules�. A B�ja�a, o� il totalise 106 �lus, le FFS contr�le l'APW et 30 municipalit�s sur 52. Deux autres wilayas du Centre, Boumerd�s et Bouira, comptent �galement de nombreux �lus FFS. Au total, ce dernier comptabilise 800 �lus. Le RND esp�re entra�ner dans son sillage l'autre locomotive de la �coalition pr�sidentielle�, le FLN, pour permettre au gouvernement d'organiser des ��lections partielles� en Kabylie. Ce que rejette cat�goriquement le FFS et il avance, pour ce faire, de nombreux atouts qui ne sont pas des moindres. A Tizi-Ouzou, par exemple, seule une vingtaine est susceptible de dissolution au cas o� les �lus du FLN re�oivent instruction de se joindre � ceux du RND, l'article 34 du code communal disposant qu'une assembl�e est dissoute �lorsque le nombre d'�lus est devenu inf�rieur � la moiti� des membres�. Le premi�res r�actions d'hostilit� enregistr�es �manent essentiellement du FFS et, accessoirement, du PT, rejoints en cela par une personnalit� dissidente, le maire d'Abi-Youcef. Les �lus FFS d�clarent pour l'essentiel ne pas d�tenir un mandat du Premier ministre qui leur serait octroy� par d�cret ex�cutif et lui refusent le droit �d'imposer son diktat�. L'argument juridique avanc� d'embl�e par les �lus est pertinent : le mandat� (�lu de quelque structure que ce soit) n'est pas propri�taire de son mandat. Ce dernier appartient � la collectivit�. Selon une jurisprudence fran�aise constante relative au mandat syndical, par exemple, ce mandat ne peut �tre "vendu" ni faire l'objet d'un marchandage. Aussi, consid�re-telle, lorsque des avocats, des repr�sentants de salari�s ou d'employeurs, voire m�me des responsables de f�d�rations syndicales se r�unissent autour d'une table pour n�gocier le d�part d'un mandat�, ils organisent tout simplement la mise hors-jeu des r�gles d'ordre public qui visent � prot�ger le mandat. Le dialogue gouvernement- arouch a abouti au m�me r�sultat : une atteinte � l'ordre public g�n�ralement rattach� au triptyque �s�ret�, s�curit�, salubrit� � par opposition fondamentale � des int�r�ts particuliers. La lecture politique qu'en fait la principale formation politique concern�e, parce qu'elle s'estime l�s�e, en l'occurrence le FFS, nous a �t� livr�e jeudi dernier par les confr�res de Libert� sur une page enti�re qui m�rite d'�tre conserv�e dans les annales de la R�publique. Le premier secr�taire national du FFS, M. Ali Laskri, ne va pas de main morte dans l'appr�ciation violemment critique de l'accord gouvernement-arouch. Il accuse le gouvernement d'�infirmit� politique chronique� et ne reconna�t � son chef (du gouvernement) pour �seule comp�tence, sa capacit� � pervertir et � maquiller les mascarades �lectorales. Un fraudeur en chef…� qui �excelle dans l'art de l'intrigue et de la diversion politicienne�. Fin de citation (il est important de le pr�ciser par ces temps de harc�lement politique). M. Ali Laskri tire �galement � boulets rouges (le terme n'est pas exag�r�) sur la structure des arouch. Ces derniers sont assimil�s � �une structure finissante dont les �chos ne d�passent pas les laboratoires de la police politique �, �une organisation maison, maniable et corruptible�, une �secte r�gressive�, par ailleurs �charlatanesque�, constitu�e de �suppl�tifs� et de �mercenaires politiques� dont les vertus se r�duisent � �la docilit� et la servitude extr�me� et dont la finalit� est �d'emp�cher toute forme de repr�sentation politique autonome et moderne�. Cette lecture sugg�re une premi�re piste : la domestication des arouch. Voil� un mouvement initialement porteur d'un �norme potentiel de lutte d�mocratique qui a mis � profit la sympathie active d'une large partie de l'opinion publique et de la presse ind�pendante pour �chouer sur les rivages de la pr�bende. Un tel aboutissement est la preuve par neuf que le syst�me persiste � se perp�tuer par sa seule capacit�, certes d'une efficacit� av�r�e mais n�cessairement destructrice, � d�busquer, � neutraliser, � r�cup�rer et, en bout de course, � pervertir tous les �orchestres rouges� qu'enfantent l'herm�tisme, la r�signation et l'atonie prolong�e dans lesquels il s'ent�te � maintenir la soci�t�. A leur �closion, les arouch se paraient de la l�gitimit� active d'une citoyennet� nouvelle, un heureux substitut aux anciens monolithismes id�ologiques r�ducteurs et aux valeurs �ghettos �. Cultivant le credo d'une sorte de �religion civile�, cette alternative sugg�rait que les Alg�riens devraient �tre jug�s en fonction de leurs qualit�s propres, ind�pendamment de leur origine ethnique. La question qui se pose aujourd'hui est, bel et bien, celle de savoir si nous sommes et/ou devons �tre une nation constitu�e d'individus dot�s de droits et d'une culture commune ou un conglom�rat de groupes ethniques et r�gionaux d�fendant leurs �chapelles� propres. Naturellement, cette alternative requiert des m�canismes autres que ceux de la figuration ou de la �th��tralisation� du jeu d�mocratique. La citoyennet� n'est plus seulement l'appartenance � un Etat-nation, mais une fa�on originale d'user des droits d�mocratiques pour jouer un r�le politique actif au-del� des scrutins �lectoraux. On ne le r�p�tera jamais assez : toute construction d�mocratique passe techniquement par l'initiation concomitante et n�cessaire d'un processus �lectoral r�gulier et transparent. Or, cette carence reste le terreau id�al � toutes les �frankensteineries �. La d�mocratie gagne en profondeur en termes de demande de libert� mais elle souffre d'une faible surface �lectorale en dehors de la Kabylie et de l'absence d'organisations politiques programmatiques fortes qui r�gulent, notamment l'acc�s aux charges publiques, � tous les niveaux de l'Etat. Le feuilleton �lectoral qui se poursuit inlassablement sous nos yeux est l'expression d'un syst�me censitaire de fait qui r�serve le droit d'�lire ou d'�tre �lu aux seuls citoyens qui consentent au mode de r�partition de la rente. Certes, durant longtemps, particuli�rement sous le r�gne du parti unique, le nombre de pr�tendants au butin avait �t� consid�rable, voire massif ; mais les �lections avaient souvent lieu � deux paliers, et les chances ont toujours �t� nulles pour les candidats et les �lecteurs du deuxi�me degr� ; enfin, pour les candidats les conditions d'�ligibilit�, les restrictions fond�es sur l'ob�issance �taient encore plus marqu�es (cas de l'article 120). En p�riodes de transition marqu�e par la pr��minence des forces du statu quo, il s'exerce un droit de vote qui s'apparente � un suffrage de confirmation : il n'autorise aucun droit de postuler aux charges publiques autrement que par d�cision pr�alable. Le suffrage universel ne sera effectif que le jour o� il constituera l'une des garanties de la d�mocratie interne de la bourgeoisie renti�re en formation, le jour o� il lui donnera une caution d�mocratique aux yeux des masses : il leur donnera alors l'illusion de leur propre repr�sentation et de la l�gitimit� du pouvoir qui en r�sulte. En attendant d'�tre un m�canisme de r�signation l�galiste du peuple � sa propre condition d'inf�riorit�, le suffrage demeure dans ses configurations actuelles l'enjeu de manipulations intra-muros tendant � neutraliser la contestation, faute de pouvoir l'absorber. En attendant, les seuls suffrages libres autoris�s s'expriment en Kabylie, en raison d'un heureux mariage historique entre les valeurs issues des solidarit�s ancestrales et une lente assimilation des apports universels � travers, notamment, les canaux d'une vieille �migration ouvri�re, globalement de gauche et aguerrie aux luttes syndicales. A ce titre, la Kabyie offre �valeur d'exemple� au reste du pays. D'o� l'acharnement � en faire soit un �cas � part� qui ne doit pas faire tache d'huile, soit un mod�le � abattre par la mise en sc�ne outranci�re des violences, r�elles ou provoqu�es, d'une part, et des instabilit�s et �accidents de parcours� que ses revendications suscitent, d'autre part. Ici, l'objectif ultime est toujours de �ghetto�ser� une protestation.