Le colloque international sur Isabelle Eberhardt a finalement eu lieu. Il s'est déroulé à la bibliothèque Hamma à Alger, sous le haut patronage du ministère de la Culture, en étroite collaboration avec l'Union des écrivains algériens (UEA). Une réhabilitation et une reconnaissance de l'Etat algérien. II s'est tenu sous le thème : «Revisiter les œuvres d'Isabelle Eberhardt. Outre la représentante de M. Azzedine Mihoubi qui a donné le coup d'envoi des travaux du colloque et les éminents intervenants, il y avait la présence de Son Excellence Mme Muriel Kohen Berset, ambassadeur de la Confédération suisse, qui, dans une brève allocution, a fait une biographie sur ce qu'elle appelle «Isabelle la Genevoise». Etaient également présents Son Excellence Mme Franziska Honsowitz Friessnigg, ambassadeur d'Autriche ; M. Youcef Chagra, président de l'UEA ; le directeur de la Bibliothèque nationale ; l'ex-commandant des SMA, M. Noureddine Benbraham, ainsi que des spécialistes du monde de la culture, des chercheurs, des écrivains, des professeurs et des journalistes. Un riche programme a été concocté à l'occasion, notamment une galerie d'exposition de photos, d'écrits de journaux et des livres. Le premier intervenant, l'écrivain et poète M. Ahmed Benchérif, en sa qualité de président et organisateur du colloque, a présenté sa communication sous le thème : «Perception de l'engagement intellectuel d'Isabelle Eberhardt». «L'islam dans la vie et l'œuvre d'Isabelle Eberhardt », communication du Pr Hadouche Leïla Dris de l'Université d'Oran. «Le désert sous le regard d'Isabelle Eberhardt», de Chetouani Noura, doctorante Université de Msila. «L'islamité d'Isabelle Eberhardt ou Isabelle Eberhardt musulmane» du chercheur Mohamed Rochd (Jules Kimpf), francoalgérien- musulman. «Le soufisme au féminin», une communication de l'anthropologue Ouisa Galèse, qui a donné une approche dans la rencontre Isabelle Eberhardt, lalla Zineb, Lalla Fatma Nsoumer. La doctorante Djebbara Thinhinène, de l'ENS Alger, a fait son exposé sur le personnage idéologique d'Isabelle Eberhardt. Un autre exposé de Sabrina Benziane, sous le titre «Isabelle Eberhardt une auteure singulière». Notons que les interventions ont été suivies de grands débats et de plusieurs recommandations, notamment les participants ont insisté sur la reconnaissance et la réhabilitation de ce grand personnage, par la baptisation en son nom des édifices culturels, des musées, des places et des rues, là où Isabelle a transité. Appelée communément Si-Mahmoud, pour son uniforme masculin en cavalier arabe, elle est un de ces personnages à la fois universels et uniques, dont le mode de vie, les amitiés et les habits masculins avaient étonné plus d'un sur les rives du Léman, étonna bien davantage les Français d'Algérie, qui l'observèrent avec méfiance avec son comportement jugé répréhensible. «N'est-ce pas la terre qui fait les peuples ? Que sera l'empire européen d'Afrique dans quelques siècles, quand le soleil aura accompli dans le sang des races nouvelles ? A quel moment nos races du Nord pourront-elles se dire indigènes comme les Kabyles roux et les Ksourienne aux yeux pâles ? Ce sont là des questions qui me préoccupent souvent... » disait Isabelle. Son regard n'allait se poser ni sur l'Orient des richesses ni sur celui des mirages, il n'allait qu'à l'Orient des réalités quotidiennes à «...ceux qui n'ont rien et à qui on refuse jusqu'à la tranquillité de ce rien...» Par sa plume précise et acerbe, elle s'est insurgée contre les comportements inhumains des troupes coloniales et dénoncé leurs agissements. Elle ne racontait de l'Algérie «rien de ce qui aurait pu plaire au colonialisme». Isabelle Wilhelmine Marie Eberhardt est née le 17 février 1877 à Genève, d'origine russe, elle vint dans la région de Aïn-Séfra en tant que journaliste d'El-Akhbar et de La Dépêche algérienne, quelques jours seulement avant le maréchal de France, Louis Hubert Lyautey, dépêché en 1903 pour commander la Subdivision de Aïn-Séfra et superviser les troupes coloniales, à la suite des évènements sur les razzias de ksar Sfissifa, le siège de Taghit, et la bataille d'El-Moungar (insurrection de cheikh Bouamama). Elle meurt à l'âge de 27 ans, lors de la crue subite et catastrophique de oued Séfra, le 21 octobre 1904. Elle repose au cimetière musulman Sidi-Boudjemaâ à Aïn-Séfra, sur ce désert d'Algérie qu'elle a tant chéri, comme elle le suggère dans ses écrits : «Aïn-Séfra, été 1904, (...) maintenant que j'y vis, en un petit logis provisoire, je commence à l'aimer. D'ailleurs, je ne la quitterai plus.»