La rénovation de l'hôtel El-Aurassi a été engagée en 1999. Selon un contrôle effectué par la Cour des comptes entre 2014 et 2015, la gestion de ce chantier, toujours inachevé après 15 ans – il restait alors quelques réserves à lever –, a donné lieu à un énorme surcoût. Lyas Hallas - Alger (Le Soir) - La rénovation de l'hôtel El- Aurassi a été décidée et engagée en 1999 avec pour objectif la mise en conformité de l'établissement aux normes de sécurité des biens et des personnes et aux standards internationaux d'hôtel cinq étoiles. L'opération, qui a débuté à cette date par le lancement d'un appel d'offres, a donné lieu au choix de l'entreprise allemande Fischer Bau pour un montant de 45,4 millions d'euros. Le contrat n'a pas été signé à cause de la faillite de cette entreprise. Mais, la gestion défectueuse du projet, relancé quatre ans après, a engendré d'énormes surcoûts : «Le coût s'est élevé à 75 millions d'euros», précise-t-on dans le rapport d'un contrôle effectué par la Cour des comptes en 2014. En effet, l'exécution du contrat attribué en décembre 2004 au groupement turc KEF composé des sociétés Kontek, Etalon et Art et deux partenaires avec le statut de sous-traitants désignés, à savoir Hotel Design et Ilpa, a été suspendue en février 2006 par le ministre des Participations et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar. Les pouvoirs publics ont alors décidé de louer le fonds de commerce de l'hôtel et limiter l'opération de sa réhabilitation aux seuls aspects de la sécurité. Ainsi, un processus de recherche d'un locataire-gérant a été conduit à partir de juin 2006 par l'entité qui gère les actifs touristiques de l'Etat, la SGP «Tourisme et Hôtellerie» (Gestour), dirigée à l'époque par Mohamed-Amine Messaid, actuel chef de cabinet du Premier ministre Sellal. Ce processus n'a pas abouti mais, entre-temps, le P-dg d'El- Aurassi, Abdelkader Lamri, a entrepris des démarches auprès des pouvoirs publics afin d'obtenir leur accord pour l'exécution du contrat signé avec KEF. Le recours du groupement turc à l'arbitrage international, en septembre 2008, pour réclamer la réparation d'un préjudice estimé à 7,3 millions d'euros, a fini par convaincre le Comité des participations de l'Etat qui, en janvier 2009, a donné son accord pour les travaux de rénovation. C'était au temps de Cherif Rahmani qui avait hérité du portefeuille du tourisme dans le sillage du remaniement ministériel du gouvernement Ouyahia, en novembre 2008. En contrepartie de l'abandon de la procédure d'arbitrage, un avenant de reprise des travaux a été signé en mai 2009 pour un montant de 57 millions d'euros, soit 14 millions d'euros de surcoût comparativement au contrat initial qui était de 43 millions d'euros. Et ce, en plus des majorations ayant touché les montants des autres contrats portant sur les études, le suivi, la fourniture et la pose d'un système audiovisuel et les équipements de cuisine. Et, en dépit du fait que l'opération ait bénéficié des avantages liés au développement de l'investissement qui consistent en de multiples exonérations d'impôts. Augmentation injustifiée du montant du marché conclu avec les Turcs Il faut, néanmoins, souligner que le rapport de la Cour des comptes est accablant au sujet de la passation des quatre contrats signés par l'EGH El- Aurassi dans le cadre de cette opération de rénovation. «Alors que l'offre retenue du groupement turc était de 38,5 millions d'euros, le marché a été attribué pour 42,7 millions d'euros, soit une augmentation non justifiée de 4 millions d'euros, représentant 10,5% du montant de l'offre», précise-t-on. D'autant que la constitution du groupement n'est intervenue qu'en décembre 2005, soit presque une année après que ce candidat eut été retenu par la commission d'évaluation des offres. Pis encore, et en plus de l'avenant de reprise des travaux, huit autres rallonges ont été accordées à l'entrepreneur turc en raison de la non-maîtrise des besoins dans le cahier des charges élaboré par le bureau d'études belge International Montage Maintenance (IMM), mais aussi, de l'absence de références de cet entrepreneur dans le domaine. Ce qui a porté le montant du contrat à près de 68 millions d'euros. En effet, le contrat d'études et de suivi des travaux a été conclu avec IMM en février 2001 pour accompagner l'EGH El-Aurassi dans le suivi de l'opération pour un montant de 1,8 million d'euros. Mais les retards enregistrés dans la réalisation des travaux ont entraîné trois avenants au contrat initial signé avec ce bureau spécialisé plutôt dans la construction clés en main des centrales de production d'énergie à moteurs thermiques et qui compte parmi les fournisseurs de Sonelgaz. Ce qui a porté le montant total de ses prestations à 4 millions d'euros. Quant à la fourniture et la pose d'un système audiovisuel dans la salle des conférences, l'EGH El-Aurassi est tombé sur une autre entreprise défaillante qui n'a pas tardé à faire faillite. L'entreprise belge Mediatone –retenue à l'issue d'une consultation restreinte lancée en janvier 2005 et dont le contrat d'un montant d'un million d'euros, paraphé en janvier 2006, n'a pas été concrétisé suite à l'arrêt de l'opération – a été reconduite en juin 2009 à la faveur d'un nouveau contrat de 1,2 million d'euros, soit 11% de plus par rapport au contrat initial. Mediatone a fait faillite en janvier 2013 et n'a pas eu le temps de lever les réserves émises lors de la réception provisoire du système audiovisuel. Il a fallu engager une autre entreprise belge, Studiotech en l'occurrence, qui, en vertu d'un accord signé en juillet 2013, a rattrapé le coup pour 57 000 euros. Au bout du compte, l'établissement a été réceptionné en mars 2012 avec quelque sept ou huit mois de retard et avant même que les travaux ne soient achevés totalement, malgré le fait que le groupement turc KEF ait bénéficié de la fermeture totale de l'établissement. Pourtant, les avenants du contrat du groupement turc ont porté les délais de 22 à 26 mois. D'autant qu'il s'est engagé dans l'offre formulée en septembre 2005 à réduire les délais de trois mois en cas de fermeture totale de l'établissement, ce qui fut fait pour 14 mois à compter de janvier 2011. La Cour des comptes, qui a noté qu'aucune pénalité de retard n'a été appliquée, a même alerté sur plusieurs incongruités : «Mauvaise exécution des prestations, introduction tardive des travaux liés à la sécurité, facturation de prestations inexistantes, application de taux de change différents à la même date et le recours aux forfaits pour des travaux qui sont d'habitude facturés au métré.» L. H. Les réponses du P-dg d'El-Aurassi A en croire les explications du P-dg d'El- Aurassi, Abdelkader Lamri, qui a essayé de répondre, point par point, aux constatations des magistrats de la Cour des comptes, les retards accumulés seraient dus à des difficultés administratives indépendantes de la volonté du groupement turc KEF. Lamri s'était exprimé y compris sur la qualité des prestations contestée par la Cour des comptes : «Le résultat final de l'opération de rénovation est, dans l'ensemble, satisfaisant (...) Il convient de retenir, malgré les difficultés rencontrées et la complexité dans l'exécution des travaux de rénovation, que l'organisation mise en place par le maître de l'ouvrage a prouvé son efficacité, par la qualité des travaux réalisés et des équipements installés et l'importante amélioration du design d'ensemble de l'hôtel (...) Autre objectif atteint, la mise en conformité de l'hôtel au plan de la sécurité contre les risques d'incendie et les mouvements de panique (...) Ce constat est confirmé par le retour de la clientèle et aussi par le choix des clients institutionnels algériens et étrangers d'être fidèles à l'hôtel El-Aurassi.» Au sujet du surcoût, Lamri a expliqué que le business plan initial élaboré pour la période 2006-2014 est devenu caduc à la réactivation du contrat en 2009. Il a indiqué que «le second business plan couvrant la période 2009-2018 prévoyait un investissement de 63,5 millions d'euros, auquel s'était ajoutée au titre des impondérables une marge de 10%, soit un montant global de 69,9 millions d'euros». Et de préciser : «Le coût global de l'opération de rénovation s'élève à 76,25 millions d'euros, soit une variation de 9,15% en comparaison avec le montant estimé dans le business plan.» Un surcoût qu'il a expliqué par «la difficulté et la complexité de l'exécution des travaux». L. H. El-Aurassi en quelques chiffres L'hôtel El-Aurassi est un établissement classé cinq étoiles constitué de 455 chambres d'une capacité de 775 lits dont la construction a débuté durant les années 1960. Ouvert à l'exploitation le 2 mai 1975, l'établissement n'a pas connu une opération de rénovation d'envergure avant celle engagée en 1999. Cette opération, qui a bénéficié d'un financement public sous forme de prêt du Trésor et de crédits bancaires, visait à améliorer la rentabilité de l'établissement. La Cour des comptes a estimé que la hausse du chiffre d'affaires après la rénovation de l'hôtel est due à l'augmentation des prix pratiqués et non pas à l'amélioration des prestations et l'affluence de nouvelles clientèles. Il continue, en tout cas, de bénéficier de la fidélité des institutions de l'Etat qui y organisent séminaires, colloques et rencontres de tous types à longueur d'année. «Cette amélioration est due, en partie, aux volumes réalisés en matière de banquets, sachant qu'ils sont respectivement pour la période 2012-2104 de 123 500 couverts en 2012 sur neuf mois d'activité, 193 000 couverts en 2013 et 225 500 couverts en 2014», a précisé Abdelkader Lamri.