Au préalable, notons que le projet de loi de finances pour l'année 2017 – PLF. 2017 — est élaboré, à l'instar des précédentes lois, sans respect des dispositions de la loi n°84-17 du 7 juillet 1984 relative aux lois de finances vu qu'il prévoit des mesures relatives à d'autres lois, au lieu de se limiter aux ressources et charges de l'Etat et des collectivités locales. Par exemple, les honoraires des notaires, contenus dans le PLF.2017, ne doivent pas être inclus dans une loi de finances ainsi que toutes les mesures de sécurité sociale, parce que cet état de fait, en plus de son caractère illégal, engendre des confusions et des incohérences juridiques au détriment des personnes et des institutions concernées par ces textes. Ensuite, dans sa partie dispositions fiscales, le PLF.2017 comporte essentiellement des rectifications relatives à des incohérences induites par les dispositions des précédentes lois de finances, notamment celle de l'année 2015. Quant aux nouveaux impôts et taxes prévus, ils résultent de l'exploration de nouvelles niches fiscales et le reste des dispositions concernent l'augmentation de taux d'impôts et taxes déjà appliqués. Le PLF.2017 prévoit essentiellement des dispositions visant à corriger les incohérences qui ont été induites par la loi de finances 2015 suite aux modifications relatives à l'Impôt forfaitaire unique (IFU) et suite à l'exclusion des professions libérales du champ d'application de l'IRG. Ainsi, dans le PLF.2017, des mesures sont prévues pour réaménager les délais et modalités de déclaration et de paiement de l'IFU et pour encadrer son contrôle par l'administration fiscale. Mais le transfert des prérogatives du fisc au contribuable quant à l'évaluation de l'impôt forfaitaire à payer n'a pas été corrigé. Et concernant les membres des professions libérales, il est prévu de les réintroduire dans le champ d'application de l'IRG, après les avoir exclus en 2015 de cet impôt, par omission. Cette omission a eu lieu lorsqu'on a décidé de regrouper deux catégories de bénéfices : le bénéfice réalisé par les commerçants appelé BIC et le bénéfice réalisé par les professions libérales appelé BNC. Mais la définition de la nouvelle catégorie, appelée bénéfices professionnels, n'avait repris que les commerçants et a oublié les professions libérales. D'où leur exclusion, en 2015, du champ d'application de l'IRG et légalement, elles ne devaient plus payer cet impôt. C'est la raison pour laquelle le PLF. 2017 prévoit une quinzaine d'articles pour corriger cette lacune. D'autres réaménagements sont introduits dans le PLF 2017. Ils concernent les modalités de remboursement de la TVA par le Trésor public au profit d'opérateurs économiques. Sachant que, paradoxalement, c'est l'Etat qui est devenu redevable de la TVA suite à l'élargissement des bénéficiaires des exonérations fiscales et des achats en franchise de TVA et suite à l'exclusion d'un nombre important de contribuables du champ d'application de cette taxe après leur passage au régime du forfait. Ainsi, il est prévu au PLF.2017 des mesures visant à renforcer l'encadrement de ces remboursements. Les autres nouveautés prévues dans le PLF.2017 se rapportent à l'augmentation des tarifs de l'essence et du gasoil et des taux de l'impôt sur les locations des biens immeubles et de la TVA. Il est également prévu de fixer le taux réduit de la TVA à 9% et le taux normal à 19%. Mais compte tenu des imperfections qui touchent cette taxe, elle ne permet plus d'atteindre les objectifs pour lesquels elle a été instituée. Les dispositions qui la concernent aboutissent soit à sa collecte auprès des consommateurs mais sans la reverser au fisc soit à son remboursement par l'Etat. A ce sujet, selon le rapport de la Cour des comptes, les remboursements de l'Etat au titre de la TVA de 2013 se sont élevés à 27,551 milliards de dinars. L'observation sur les imperfections est également valable pour l'impôt sur les revenus des commerçants et des membres des professions libérales ainsi que pour l'impôt sur le bénéfice des sociétés. Ces impôts s'appliquent à leurs bénéfices, mais depuis 2010, l'Algérie est dépourvue de système comptable apte à répondre aux exigences fiscales. Le Système comptable financier (SCF), entré en vigueur à partir du 1er janvier 2010, est déconnecté du doit fiscal. Son utilité est plutôt axée sur le marché boursier. Aussi, dans le rapport de la Cour des comptes au titre de l'exercice 2013, il est relevé 490 mesures dérogatoires rendant notre système fiscal obscur et injuste ne respectant plus le principe constitutionnel de l'égalité de tous devant l'impôt. Quant aux nouvelles impositions prévues dans le PLF.2017, certaines d'entre elles comportent : La réintroduction de l'impôt sur la plus-value de cession des biens immeubles bâtis, calculé au taux de 5% applicable à la différence entre le prix de vente et le prix d'achat du bien. L'application d'une taxe sur l'importation ou la production des pneus. Son tarif est de 10 DA par pneu des véhicules lourds et de 5 DA par pneu des véhicules légers. De mon point de vue, il est fort probable que cette taxe engendrerait plus de dépenses pour l'Etat que de recettes en raison de son coût de gestion et de son dispositif de contrôle. Taxe d'efficacité énergétique. Elle s'applique au prix de vente des appareils électroménagers et nécessite l'intervention de personnels qualifiés dans des spécialités autres que celles de la fiscalité. Pour cette contrainte, il est prévu de faire participer des laboratoires spécialisés aux côtés des contrôleurs fiscaux. Ce qui est en contradiction avec le Code des procédures fiscales. Et considérant les procédures de déclaration de cette taxe et de son contrôle, il est, également, fort probable que son coût de gestion dépasse les recettes escomptées. TVA sur les sommes perçues par les entreprises étrangères n'ayant pas d'installation permanente en Algérie. Or, sur ces sommes une retenue à la source de 24% existe déjà et en vertu de l'article 33-3 du Code des impôts directs, cette retenue à la source recouvre en partie la TVA. Ainsi, la nouvelle TVA prévue dans le PLF.2017 serait en double emploi. L'application d'une TVA sur les marges réalisées par les marchands de biens meubles d'occasion. Ce qui est inconcevable parce que la TVA est un impôt qu'on applique au prix des produits ou des services et non pas aux marges. Aussi, le redevable doit mentionner la TVA sur ses factures. Ce qui n'est pas possible dans notre cas. La facture ne peut pas comporter le montant hors taxes, la marge, la TVA appliquée à cette marge et le montant TTC. En outre, le calcul de cette marge est subordonné à l'établissement des factures à la vente et à l'achat. Or, ces opérations s'effectuent avec des particuliers et autres personnes exclues de l'obligation d'établissement des factures. Encore faut-il que ces marchands de véhicules et les revendeurs de biens meubles d'occasion, appelés en langage populaire récupérateurs de «khorda», tiennent une comptabilité régulière appuyée de pièces justificatives probantes, notamment les factures d'achat et de vente, et d'un autre côté, qu'ils réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 30 millions de dinars, sinon ils se retrouveraient sous le régime du forfait, donc non concernés par la TVA. Ainsi, notre système fiscal ne permettrait pas d'accroître nos ressources budgétaires. Alors que celles-ci sont indispensables au fonctionnement des institutions en charge de la sécurité, de l'éducation, de la santé, de l'hygiène publique... et au financement des projets d'intérêt général. Ce qui induit des inquiétudes quant aux sources de financement. Dans cette situation, il est fort à craindre que la puissance publique procède à des spoliations et des extorsions de fonds sous diverses formes, de redressements fiscaux, d'amendes, d'emprunts obligataires et obligatoires... en réaction au manque d'argent nécessaire à son fonctionnement. Tandis que l'exploration d'autres niches fiscales, au lieu de redresser notre système fiscal, outre leur faible rendement comme celui des TVA sur les marges des revendeurs de meubles d'occasion, ne ferait que multiplier et compliquer les démarches des citoyens auprès de l'administration fiscale et sans pour autant avoir la possibilité de faire valoir leurs droits en cas de dépassements. Les inquiétudes s'expriment alors sur les moyens que l'Etat utiliserait pour réunir les ressources financières indispensables à son fonctionnement. S. L. * Economiste financier Partisan de l'amélioration du climat des affaires [email protected]