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Kiosque arabe
Malek Chebel, l'homme qui savait oser
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 12 - 2016


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Comme tous les peuples confrontés à l'incurie et à la gabegie des gouvernants, le peuple égyptien s'est littéralement emmailloté dans des bandelettes imperméables au discours de ses dirigeants. Décrétant que ceux qui se sont hissés sur le trône n'ont que le mensonge à la bouche, les Egyptiens ont décidé de ne jamais les croire, même s'ils sont obligés de les entendre. Aussi, la pire chose qui puisse arriver à un responsable politique, c'est de soulever la méfiance et l'incrédulité, lorsqu'il lui arrive de dire la vérité ou de ne pas mentir pour une fois. Lundi 12 décembre, au lendemain de l'attentat contre la cathédrale copte du Caire, le Président Sissi, en personne, annonce l'identité du terroriste kamikaze, un Egyptien de 22 ans.
Trop vite, trop bien, et le fait que l'information vienne de si haut lui confère une telle charge de suspicion que tous les réseaux sociaux se montrent sceptiques et brandissent l'inévitable théorie du complot. Comme «la main de l'étranger» ne trouve plus le moindre espace où se glisser dans ce pays surpeuplé, il est plus seyant et plus commode de montrer du doigt ceux qui ne sont pas exempts de reproches. Et s'il y a bien une communauté en Egypte qui a de sérieuses raisons de douter de la bonne foi du gouvernement, c'est celles des Coptes, éternelles victimes expiatoires.
Il fallait donc réagir très vite, et battre en brèche les hypothèses qui se bousculaient sur la toile, et qui tendaient majoritairement à mettre Sissi dans la situation inconfortable d'un Marco Polo, pris à ses propres mensonges. On a donc fait appel aux services de l'incroyable show-man qu'est le célèbre Amr Adib, dont les Algériens ont découvert la facette la plus sombre après le match d'Oum-Durman. Amr Adib officie, et c'est le cas de le dire, sur la chaîne On-TV, avec son talk-show quotidien sobrement intitulé «Koul-Youm» (tous les jours). Dans la soirée du mardi 13 décembre, le célèbre animateur nous a donc conviés dans les laboratoires de la police judiciaire du Caire, pour un moment de télévision rarissime, style musée des horreurs. Il a étalé devant nous des morceaux du corps du terroriste Chafik Mahmoud Mohamed Mustapha, s'attardant sur deux morceaux de jambes et de têtes arrachées. Auparavant, Amr Adib nous avait gratifiés d'un cours sur l'ADN, et avait raconté comment les prélèvements faits sur deux parents, la mère et le frère du terroriste, avaient contribué à l'identifier. Puis retour au laboratoire, où médecins légistes et techniciens avaient reconstitué la tête du défunt et décrit dans le moindre détail les étapes de la reconstitution. L'animateur nous avait avertis contre ces images-choc.
Tout ceci, ponctué, mine de rien, par des interviews, des reportages tendant à prouver le professionnalisme des personnels des hôpitaux et des laboratoires de police égyptiens. Comme quoi, il y a quand même des promesses d'unité arabe, ne serait-ce qu'au niveau des chaînes de télévision. Paradoxalement, la vue de restes humains carbonisés et manipulés en laboratoire a moins choqué que la suite du «Koul-Youm», dont l'invité était Islam Behaïri, prisonnier politique d'Egypte, jusqu'à novembre dernier. Invité à commenter ce nouveau crime contre la communauté copte, le penseur a mis en cause des textes religieux, passerelles vers le terrorisme. Il a aussi redit tout le mal qu'il pensait de certains théologiens, malheureusement glorifiés selon lui par Al-Azhar, comme Boukhari et Mouslim, ou encore Ibn-Taymia(1). C'est contre des injonctions religieuses, venues de très loin, et incompatibles avec la modernité que s'élève Islam Behaïri et avant lui l'intellectuel algérien Malek Chebel, disparu le 12 novembre 2016. Ses nombreux amis se sont réunis jeudi dernier au Centre culturel algérien de Paris, pour rendre hommage à l'auteur du Manifeste pour un Islam des lumières(2) décédé le mois dernier.
Outre la famille du défunt et en particulier son fils Mikhaïl, étaient réunis autour de Ghaleb Bencheikh, qu'on ne présente plus, des proches comme Rachid Benzine, Hichem Benyaïche et Ahcène Zehraoui. Intervenant à la suite de Mikhaïl qui s'est engagé à poursuivre l'œuvre de son père, Ghaleb Bencheikh a cité l'aphorisme suivant lequel l'homme laisse derrière lui une aumône récurrente, un fils vertueux qui priera pour lui et parlera de lui, et surtout un savoir utile. «De ce point de vue, a-t-il noté, Malek a réuni les trois». Il a salué le courage, l'audace et la hardiesse de la pensée du disparu, ainsi que sa capacité de travail. «Il refusait de rester sous l'emprise d'une religiosité aliénante et d'une approche crétinisante du fait religieux», a-t-il ajouté.
De son côté, l'islamologue Rachid Benzine a affirmé qu'il «s'est senti soudain immensément seul» en apprenant le décès de son confrère et ami, Malek Chebel. «J'ai ressenti le poids de la réalité, celle d'une scène musulmane critique qui se rétrécit comme peau de chagrin.» Parlant de l'œuvre de l'anthropologue, Rachid Benzine a souligné que face à cette vague de violence symbolique et physique qui grossit, Malek Chebel «a infatigablement construit des digues». C'est ainsi qu'il a œuvré à reconstituer une autre vérité, «celle d'un Islam classique empreint d'hédonisme, d'humanisme, un Islam qui plaçait la connaissance, la science, le culte du corps au centre de ses préoccupations».
On appréciera enfin chez l'élève de Mohamed Arkoun, et en guise de conclusion, cette exhortation : «Nous devons continuer de nous ancrer, quoi qu'il puisse en coûter, je dis bien quoi qu'il puisse en coûter, dans une pensée subversive salvatrice. Nous n'avons plus le temps d'attendre. Nous devons penser et nous devons oser. Pour Malek Chebel, pour les éclaireurs déjà partis et pour nous. Car les questions qui nous tuent ne sont pas celles que l'on ose. Ce sont celles que l'on n'ose pas. Malek Chebel, lui, savait oser. Continuons à oser !»
A. H.
(1) Ce dernier, élevé au rang de prophète par les islamistes, défendait notamment aux musulmans d'appeler les églises «maisons de Dieu», et de présenter des vœux aux chrétiens lors de leurs fêtes religieuses.
Les idées d'Ibn-Taymia, le «Cheikh Al-Islam», comme l'ont intronisé ses disciples, sont très répandues au sein des organisations et groupes terroristes, ainsi que dans les partis islamistes, dits modérés.
(2) Le manifeste, lancé simultanément avec la fondation éponyme en 2004, propose non pas un «renouvellement du discours religieux», formule passe-partout mais qui ne dit rien, mais une véritable réforme de l'Islam.


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