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A fonds perdus
L'Europe veut-elle encore de la Turquie ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 09 - 2014


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La Turquie n'a pas fini de payer le prix de son adhésion à l'Union européenne et l'arrivée aux commandes des islamistes, même modérés, ne fait que reporter l'échéance de l'avènement d'un Etat neutre et impartial, assurant une instruction objective et pluraliste à tous ses enfants afin qu'ils ne se trouvent pas dans un conflit d'allégeance entre l'école et les valeurs de leurs parents. A défaut de les dispenser de l'instruction religieuse, l'Etat se doit d'assurer que soient réunis les critères d'objectivité et de pluralisme.
Le 16 septembre dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé que la Turquie avait violé l'article 2 du Protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'Homme portant droit à l'instruction en obligeant des enfants à suivre un enseignement religieux à l'école(*).
Dans cette affaire, 14 requérants de confession alévie, une branche minoritaire et hétérodoxe de l'islam, soutenaient que le contenu des cours obligatoires de «culture religieuse et de connaissance morale» (CRCM) était axé sur l'approche sunnite de l'islam. Ils se plaignent «que la confession alévie dont ils sont des adeptes ait été traitée – et ainsi dépréciée – dans une sous-catégorie et non parmi les branches mères de l'islam, alors que, selon eux, tant sur le plan de la foi que sur le plan théologique, leur confession est une branche à part entière de l'islam, eu égard à l'existence de ses rites propres». Ils estiment que leur confession y est présentée dans une optique «sunnite», comme étant un concept culturel et traditionnel et non comme une branche à part entière de l'islam. Ils déclarent aussi que les enfants des alévis sont «pris en étau entre les informations dispensées à l'école et celles transmises par leurs familles».
Les requérants sont des résidents d'Istanbul. Ils ont saisi la Cour le 2 février 2011 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales («la Convention»), soutenant en particulier «que la manière dont ce cours obligatoire de culture religieuse et de connaissances morales était donné dans les écoles primaires et les établissements secondaires portait atteinte aux droits tirés par eux de la seconde phrase de l'article 2 du Protocole n°1 à la Convention. Ils se plaignaient en outre d'une violation des articles 9 et 14 de la Convention».
L'affaire se poursuit depuis 2005, date à laquelle les requérants demandèrent au ministère de l'Education nationale la mise en place d'une consultation avec des dignitaires de la confession alévie en vue d'un remaniement du programme des cours et d'une intégration dans cet enseignement de la culture et de la philosophie alévies. Ils demandaient en outre la mise en place pour les enseignants chargés de ces cours d'une formation obligatoire et la création d'un mécanisme de contrôle et de suivi.
Après réception de la lettre de rejet de leur proposition par l'administration, les requérants et 1905 autres personnes contestèrent sa décision devant le tribunal administratif d'Ankara. Renvoyant à la jurisprudence de la Cour en la matière, ils soutenaient que l'enseignement dispensé ne pouvait être considéré comme répondant à des critères d'«objectivité et de pluralisme». Bien au contraire, cet enseignement est jugé par eux comme étant «fondé sur une interprétation "sunnite de l'islam" qui ne pouvait être considérée comme neutre envers les autres interprétations – lesquelles étaient traitées par le biais d'informations culturelles».
Par un jugement du 1er octobre 2009, le tribunal administratif d'Ankara débouta les requérants, considérant que les sujets religieux étaient traités d'une manière supra-confessionnelle. Les requérants formèrent un pourvoi contre le jugement de première instance. Par un arrêt du 13 juillet 2010, le Conseil d'Etat rejeta ce pourvoi et confirma le jugement de première instance, qu'il considérait comme étant conforme à la procédure et aux lois.
En Turquie, jusqu'à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1982, les cours de religion étaient une matière facultative, laissée au libre choix des parents. En son article 24, la Constitution de 1982 a rendu le cours de CRCM obligatoire dans tout l'enseignement public, de la classe de 4e de l'école primaire jusqu'à la dernière année de lycée.
En 2012, deux cours facultatifs à vocation religieuse, intitulés «La vie de Mahomet» et «Le Coran», ont été créés dans les écoles primaires et les établissements du second degré. Par la suite s'est ajouté un troisième cours, également facultatif, intitulé «Connaissances religieuses de base, Islam 1-2».
Parallèlement, en guise d'enseignement confessionnel s'organisent un peu partout en Turquie des cours de catéchèse islamique (Kuran Kursu). Ils ne dépendent pas du ministère de l'Education nationale mais de la Présidence des affaires religieuses, organisme suprême de tutelle en matière de gestion du culte islamique.
Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l'Homme devait se prononcer sur les allégations des requérants portant essentiellement sur le droit des parents de voir l'Etat respecter leurs convictions religieuses et philosophiques dans l'exercice des fonctions qu'il assume dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement de leurs enfants.
Elle a retenu que la manière dont le cours obligatoire de CRCM est donné dans les écoles primaires et les établissements du second degré porte atteinte aux droits qu'ils tirent de la seconde phrase de l'article 2 du Protocole no 1, qui est ainsi libellée : «L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.»
A ses yeux, le programme incriminé ne va pas dans le sens du respect de certains principes tels que «l'impartialité et l'objectivité» et porte atteinte, voire viole, le droit des parents d'assurer à leurs enfants un enseignement conforme à leurs convictions religieuses et philosophiques.
En ce qui concerne l'interprétation générale de l'article 2 du Protocole n°1 à la Convention, la Cour renvoie aux principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence. Elle observe que le point principal de litige entre les parties est le contenu de l'enseignement de la religion islamique dispensé dans le cadre du cours obligatoire. Selon le gouvernement, en dépit de la prédominance du Coran et de la sunna, le programme de ce cours n'est pas de nature à privilégier un enseignement sectaire ou confessionnel et les manuels scolaires correspondants ont été élaborés selon une démarche supra-confessionnelle. Les requérants, quant à eux, récusent cette thèse, soutenant que c'est l'approche sunnite qui prédomine dans le cours en question et qu'il existe d'importantes disparités entre l'islam sunnite et leur confession, laquelle présenterait de nombreuses particularités.
La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, «dans l'exercice de son pouvoir de réglementation en la matière et dans sa relation avec les divers religions, cultes et croyances, l'Etat, en tant qu'ultime garant du pluralisme dans une société démocratique, y compris du pluralisme religieux, se doit d'être neutre et impartial».
Ce devoir de neutralité et d'impartialité de l'Etat est incompatible avec un quelconque pouvoir d'appréciation par l'Etat de la légitimité des croyances religieuses, et ce devoir impose à celui-ci de s'assurer que des groupes opposés l'un à l'autre, fussent-ils issus d'un même groupe, se tolèrent. «En effet, les convictions religieuses et philosophiques ont trait à l'attitude des individus envers le divin, dans laquelle même les perceptions subjectives peuvent revêtir de l'importance, compte tenu du fait que les religions forment un ensemble dogmatique et moral très vaste qui a ou peut avoir des réponses à toute question d'ordre philosophique, cosmologique ou éthique», précise la Cour.
Certes, le fait que ce programme accorde une part plus large à l'islam tel qu'il est pratiqué et interprété par la majorité de la population en Turquie qu'aux diverses interprétations minoritaires de l'islam et des autres religions et philosophies ne peut passer en soi pour un manquement aux principes de pluralisme et d'objectivité susceptible de s'analyser en un endoctrinement. Toutefois, compte tenu des particularités de la confession alévie par rapport à la conception sunnite de l'islam et eu égard aux arguments des requérants, la Cour estime que les intéressés pourraient légitimement considérer que les modalités d'enseignement de la matière en question sont susceptibles d'entraîner chez leurs enfants «un conflit d'allégeance entre l'école et leurs propres valeurs».
À ce sujet, la Cour rappelle l'obligation qui donne aux parents «le droit d'exiger de l'Etat le respect de leurs convictions religieuses et philosophiques dans l'enseignement du fait religieux».
Se pose alors la question de savoir si le système éducatif turc a été doté des moyens appropriés aux fins d'assurer le respect des convictions des parents.
La Cour voit mal comment, en l'absence d'un système de dispense approprié résultant du caractère obligatoire du cours (cette dispense est réservée aux élèves de nationalité turque dont les parents sont de religion chrétienne ou juive), l'on pourrait éviter que les élèves soient confrontés à un conflit entre l'instruction religieuse donnée par l'école et les convictions religieuses ou philosophiques de leurs parents. En l'absence de système de dispense, l'Etat est dans l'obligation de veiller à ce que l'enseignement de telles matières obligatoires réponde aux critères d'objectivité et de pluralisme en respectant les convictions religieuses ou philosophiques.
A. B.
(*) Cour européenne des droits de l'Homme, deuxième section, affaire Mansur Yalçin et autres c. Turquie (Requête n° 21163/11), Strasbourg, 16 septembre 2014.


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