Le ton monte sensiblement entre les deux principaux partis du pouvoir, le Front de libération nationale et le Rassemblement national démocratique. Certes, ce n'est pas encore la guerre ouverte, mais ce n'est plus la paix non plus entre les deux chefs des partis en question, Djamel Ould Abbès et Ahmed Ouyahia. La précampagne électorale risque de s'emballer plus vite que prévu ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - «Je ne permettrai à personne, quel que soit son rang au sein de l'Etat, de toucher au FLN ou à ses militants.» Cette réplique, assez allusive, est du secrétaire général du FLN. En soi, elle est suffisamment claire pour comprendre qui est vraiment ciblé, le «quel que soit son rang au sein de l'Etat» finissant par ne permettre le moindre doute. Dans une récente déclaration, Ouyahia avait, en effet, reproché au FLN, sans le nommer, de compter en son sein des parlementaires ou des responsables issus des milieux des affaires, produit du terme en vogue, «la chkara». Or, c'est justement le nouveau patron du FLN qui avait lancé un pavé dans la marre lorsqu'il déclarait, en novembre dernier, détenir des dossiers explosives concernant l'intrusion de l'argent sale dans la politique et les élections et qu'il s'engagera à combattre. Jeudi dernier, à l'occasion de l'installation de la dernière commission électorale de wilaya, celle d'Alger, au niveau du Centre de recherche sur l'information scientifique et technique (Cerist) de Ben Aknoun, Ould Abbès reviendra à la charge concernant ce fléau de l'argent sale. «Jamais la chkara ne marchera avec moi !» Il précisera davantage son propos. «Votre mission, en tant que commission de wilaya, est la collecte des candidats à la candidature, en vérifiant bien sûr que l'intéressé réponde aux critères. Quant au choix final et au classement, c'est l'affaire de la direction nationale et celle du SG notamment. Et là, je vous assure que la chkara n'aura aucune place avec moi !» Aussi, c'est lorsqu'il a évoqué la prochaine campagne électorale qu'Ould Abbès a lancé quelques autres piques supplémentaires en direction du «frère ennemi», le RND. «Nous, le FLN, nous n'avons ni ennemi ni adversaire sur la scène politique. Nous allons mener une campagne électorale civilisée. Nous respecterons tout un chacun parmi nos concurrents. Mais celui qui se permettra de nous agresser, qu'il sache que nous possédons des munitions lourdes que nous n'hésiterons pas à utiliser.» Pour un parti majoritaire, présidé par le président de la République en personne, ce ne sont pas les «munitions «qui manqueront, en effet ! Une position et un rang qui, également, ne laissent guerre le choix au FLN que de s'emparer de la première position aux prochaines élections. «En 2012, le FLN n'a obtenu que 10 sièges sur 37 à Alger. C'est une honte pour un parti comme le nôtre ! Le parti des moudjahidine et des chouhada ! Le parti de Ben M'hidi, Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, devra obtenir au moins une vingtaine de sièges à Alger.» Ici, c'est clairement l'ancien secrétaire général du parti, Abdelaziz Belkhadem, qui est pris pour cible. Ceci étant, l'actuel SG insistera longuement sur le rang historique de l'ex-parti unique. «Le 18 mars 1962, à Evian, le chef de la délégation algérienne, Krim Belkacem, a signé les accords au nom du FLN. Nous sommes les dépositaires de l'acte de naissance de l'Etat algérien.» Dominant le gouvernement, le Parlement et les assemblées élues depuis 2002, le FLN, dont le numéro un préside le pays depuis 1999 également, revendique à haute voix son statut : «Le FLN, c'est l'Etat. Nous sommes un gigantesque réservoir de cadres qui ont servi ou qui servent encore l'Etat algérien et nous en sommes fiers. Tout comme nous assumons tout ce qu'a réalisé le FLN depuis 1962», martèlera encore Ould Abbès. Une position qui, naturellement, fait du parti celui qui attire le plus de postulants à la députation. «Des milliers de demandes de candidatures me parviennent de partout. C'est un signe de bonne santé et un motif de fierté pour notre parti. Mais que tout le monde sache qu'il y a une ligne rouge qui s'impose à tous et que jamais je ne permettrai à quiconque de la franchir : c'est Abdelaziz Bouteflika.» Fidèle parmi les plus proches et faisant partie du premier cercle présidentiel, Ould Abbès n'omettra pas, non plus, d'évoquer le rendez-vous des présidentielles de 2019 : «De par nos traditions et de par nos statuts, notre candidat naturel pour 2019 est connu.» Cela a le mérite d'être clair, en tout cas !