A l'instar des autres wilayas, les salles de cinéma ou les salles obscures dans la wilaya de Tébessa, ces lieux où nous avons pleuré d'émotion, tremblé de peur ou ri aux éclats, ont disparu du paysage culturel. Pire encore, elles ont été reconverties en des lieux de commerce en majorité informel où tout se vend, ce qui leur confère un état de délabrement lamentable. Pourtant, avec ses cinq salles de cinéma au lendemain de l'indépendance, Tébessa était parmi les villes les mieux nanties de la région de l'Est en la matière, y compris en commodités depuis 1962. Nous citons, entre autres, les cinémas «Le Palace» , «L'Olympia» du boulevard de la basilique, «Rex» et «Cherazed» en intra muros dans la vieille ville. Ainsi que celles de Ouenza, Boukhadra, El Kouif et Bir El Ater qui constituent le pôle minier de l'époque. Aujourd'hui, toutes ces salles font peine à voir. Leurs façades sont délabrées, l'intérieur tombe en ruine et aucune institution ne semble s'en soucier le moins du monde. Ni les communes, ni les domaines et encore moins la Direction de la culture, qui sont les premiers concernés. Une seule salle de cinéma a échappé à cette véritable hécatombe, c'est celle de El Magreb, l'ex-salle des fêtes, un joyau architectural qui résiste encore mais n'en a plus pour longtemps, en léthargie depuis plusieurs années. Chaouch, un mordu cinéphile, se rappelle de cette ambiance particulière qui régnait dans les salles de cinéma : durant les années 70 «avant le début du film, il y avait de la musique, à l'entracte, pendant que la lumière revenait dans la salle, on pouvait, en attendant le deuxième film, aller fumer une cigarette et manger des cacahuètes». En réalité, aller au cinéma, ce n'était pas seulement le film qui comptait, au-delà, se souvient ce père de famille Ami Lazhar, «il y avait aussi une ambiance exceptionnelle de camaraderie et de fraternité qui permettait de se faire de nombreux amis. Livrer un patrimoine culturel de cette importance à l'abandon relève d'une inconscience flagrante et d'une carence criante et grave au devoir de gestion des biens de l'Etat, surtout s'ils sont d'utilité publique indéniable. Ces infrastructures, dont le rôle et l'essence même sont de promouvoir la culture du cinéma disparue des annales du septième art, sont devenues de véritables lieux insalubres de commerce informel au grand dam de la population en général et des cinéphiles en particulier. On s'interroge comment les actuels exploitants s'en sont emparés et sous quelle forme ?