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Entretien avec l'artiste Faouzi Abdennour
Un malouf qui sort vraiment de l'ordinaire
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 02 - 2017


Entretien réalisé par Kader Bakou
Natif de la ville des Ponts, Faouzi Abdennour a fait ses premiers pas dans le malouf à Constantine. Aujourd'hui en France, il tente d'explorer de nouveaux horizons avec cette musique ancestrale. En parallèle, il essaye de remonter aux origines de cet art, du temps de Zyriab.
Le Soir d'Algérie : Vous êtes en France depuis 2006, mais visiblement vous n'avez pas coupé les ponts avec Constantine et le malouf...
Faouzi Abdennour : Le malouf est une musique profonde chargé de belles poésies et qui nous fait voyager durant des heures et des heures avec sa nouba qui se termine souvent par un zajel, suivi d'un mahjouz et, par moments, on est dans une ambiance festive et délirante, voire même jusqu'à entrer en transe (el tahwal) et s'évanouir avec un enchaînement de chansons aïssaoua. Mon frère Kamel, plus âgé que moi, un excellent musicien violoniste et qui passait son temps à faire des répétitions à la maison, m'a très vite transmis ce virus. J'ai commencé à jouer de la guitare à la maison, souvent seul, avant de rejoindre le Conservatoire de Constantine et juste après l'association El Bestandjia qui était dirigée par cheikh Abdelmoumène Bentobel. J'ai ensuite rejoint El fergania où El Hadj Mohamed Tahar Fergani a fait appel à moi pour des soirées, festivals, fêtes familiales, etc. Arrivé en France en 2006, très bien installé dès la première heure dans la ville de Saint-Germain-en-Laye, en région parisienne, j'ai tissé des relations avec d'importantes personnalités de la ville que ce soit dans le domaine de l'art ou de la politique. J'ai voulu par mon statut d'artiste démontrer tout à fait le contraire de ce que les médias et les politiques de l'extrême droite voulaient qu'on soit dans les yeux des autres : vendeur de cigarettes et de drogue, voyous, voire même terroriste, par rapport à notre religion. J'ai décidé alors de créer une organisation apolitique, l'Union culturelle universelle. Afin de ne pas être taxé de communautariste, l'universalité était l'un de mes objectifs pour que je puisse à travers ma culture et la musique malouf amener les gens aux soirées et concerts que nous organisions autour du bel art gastronomique constantinois. J'ai reçu chez moi, lors d'événements que j'organisais et à maintes reprises, M. Lamy, le maire de Saint-Germain-en-Laye, le conseiller régional, des sénateurs, des députés, des élus, voire des ex-ministres. De droite comme de gauche, à chaque fois, ils ont été ravis et heureux car me, disaient-ils, «tu nous fais vraiment voyager».
Une école de musique et un festival de malouf à Paris, est-ce possible ?
Au sein de l'Union culturelle universelle, nous avons décidé de créer, au siège de l'Union de la communauté algérienne de Paris, une petite école de musique malouf. L'idée est de mettre à la disposition de notre communauté cette structure afin que les jeunes et moins jeunes puissent s'inscrire et apprendre cette musique.
L'avantage est que cheikh Salim Fergani est installé à Saint-Germain-en-Laye et il est tout à fait prêt à nous aider. j'ai appelé le commissaire du festival du malouf à Constantine, il y a de cela 3 ans, et lui ai dit que nous, musiciens et chanteurs issus de l'immigration et les Franco-Algériens, voulions participer à cet événement «vu que vous invitez des orchestres étrangers, chose que je trouve excellente, mais pourquoi pas nous aussi ?».
j'ai reçu une réponse négative, alors je me suis dit que chacun doit faire son festival. Incha Allah cette année, au mois de juillet, on organisera notre festival.
Mais pour faire mieux, je souhaite que le festival à Constantine soit organisé avec concours et on recevera le lauréat à notre festival, question de pousser les jeunes Constantinois à travailler et atteindre l'excellence dans l'interprétation.
En tant que président de l'Union culturelle universelle et membre du Cercle des ambassadeurs universels de la paix, quels sont vos missions et objectifs dans ce domaine ?
Le titre d'ambassadeur de la paix est honorifique. Nous sommes parrainés par rapport à notre implication et activités qu'on fait en faveur de la paix en tant qu'artistes ou autres. Au sein du Cercle des ambassadeurs universels de la paix, chaque ambassadeur expose le travail qu'il a fait, dans chaque pays, et ce, dans le monde entier. En ma qualité de président de l'Union culturelle universelle, ma mission première est de promouvoir notre culture de manière générale et de donner une belle image de ce que nous sommes réellement. Les objectifs de notre organisation dans le domaine de la culture au service du tourisme est d'organiser et participer à toutes les manifestations économiques et sociales, séminaires, congrès, manifestations culturelles, artistiques pour la paix et le vivre-ensemble, en rapport avec l'objet de l'Association et promouvoir l'écotourisme, en tant qu'alternative vertueuse au tourisme de masse et ses effets dévastateurs sur l'environnement humain et naturel des pays récepteurs et en faire un moyen privilégié de lutte contre la pauvreté et la désertification, notamment dans les pays du Sud, en proie à ces fléaux. Nous cherchons aussi à créer un réseau d'échange d'expérience et de bonnes pratiques entre, d'une part, les pays du Nord, qui ont capitalisé une grande expérience dans le domaine de l'écotourisme et, d'autre part, les pays du Sud, confrontés à la dégradation de leur environnement et de leur patrimoine, à tisser des liens de coopération avec la société civile des pays du Sud, notamment du Sahel africain, pour promouvoir un tourisme responsable et durable, qui tienne compte de la fragilité de l'écosystème désertique et qui contribue à la création d'emplois, à la stabilisation d'une jeunesse souvent tentée par l'aventure, combien illusoire, de l'immigration sauvage et à œuvrer au rapprochement des peuples et des sociétés civiles du pourtour méditerranéen, dans l'esprit du projet de l'Union méditerranéenne.
Notre objectif est aussi d'aider à l'exploitation responsable des richesses naturelles et environnementales, et à leur mise en valeur pour optimiser les retombées économiques au profit des populations locales, dans un double souci de lutte contre la pauvreté et de la protection de l'environnement.
Vous avez dit un jour que votre objectif est un malouf universel. Par quels moyens ?
Effectivement, la musique malouf est une musique savante comme vous le savez. J'essaye humblement et modestement de l'introduire dans ce grand marché qui est la musique du monde.
Déjà votre malouf sort de l'ordinaire (ma'alouf, en arabe)...
On peut fusionner et métisser notre musique avec d'autres styles de musique, à part la nouba qui est dans le pur classique et qu'on peut aussi associer avec un orchestre philharmonique. Tout le reste, on peut le fusionner, car nous sommes aussi dans l'improvisation, flamenco, jazz ou autres.
Le travail en commun avec l'artiste iranienne Khatoon Panahi a visiblement donné des résultats intéressants et surprenants. Le public algérien aura-t-il l'occasion de vous voir ensemble sur scène à l'instar du public parisien ?
Une réussite totale ! Khatoon est une excellente chanteuse de la musique traditionnelle iranienne. Je l'ai observée et écoutée longuement, et trouvé très intéressant de fusionner le malouf et cette musique iranienne. Ceci a donné un très bon résultat. On affiche complet à chaque concert avec un public diversifié et très attentif. On se prépare bientôt pour un concert à Constantine et Mila.
Vous estimez, par ailleurs, que les instruments traditionnels iraniens peuvent nous donner une idée sur la musique pratiquée du temps de Zyriab...
C'est la question que je me suis toujours posée : de quelle façon et avec quels instruments on pratiquait la musique du temps de Zyriab ? Celui pratiqué aujourd'hui utilise le violon qui vient de l'Occident, la guitare qui est espagnole, etc., il n'y a que le luth qui fait partie des instruments de l'époque. J'ai approfondi mes recherches lorsque j'ai rencontré Khatoon et vu le type d'instruments utilisés dans son orchestre, tels que le tar, un instrument à cordes pas très loin du bouzouki ; le santour, en forme de cithare qui se joue avec des bâtonnets ; le kamanji en forme de violon mais avec un beau son différent, et bien d'autres instruments ancestraux. J'en ai introduit pour le moment un seul, mais le but c'est de les avoir tous en même temps que les nôtres sur scène. C'est une expérience et on pourra en profiter pour que certains instruments puissent voir le jour dans nos orchestres. pourquoi pas ?
Vous avez aussi des projets de duos avec des artistes chrétiens et juifs...
Effectivement, j'ai de très fortes relations amicales et artistiques avec Francoise Atlon qui est de confession juive et qui a déjà fait une tournée en Algérie sous l'égide du Centre culturel français, ainsi qu'avec Nadine Barouki, une Libanaise qui a participé au Festival international du malouf à Constantine et qui est de confession chrétienne. Khatoon Pahani est chiite et moi sunnite. Mon objectif et mon rêve est de faire une scène avec tout cet ensemble, ça sera un orchestre pour la paix dans le monde et le vivre ensemble.
Des projets comme une tournée en Algérie ?
Comme je l'ai déjà indiqué le 7 mars 2017 à Constantine, avec Khatoon, au cente culturel Malek-Haddad et dans celui de la wilaya de Mila, dans un proche avenir avec tout cet ensemble d'artistes. J'attends d'être contacté par les responsables locaux et ceux du ministère de la Culture. Nous sommes prêts pour une grande tournée en Algérie.
Pour finir en beauté, qui voyez-vous comme successeur possible au maître du malouf, El Hadj Mohamed Tahar El Fergani ?
Pour moi et pour beaucoup d'autres, El Hadj Mohamed Tahar Fergani est unique dans son genre. c'est un artiste qui a révolutionné la musique malouf en lui donnant ce plus avec sa voie, sa voix et son style de coup d'archet. Comme l'a dit de son vivant cheikh Abdelkader Toumi, je ne pense pas qu'il y aura un autre comme El Hadj. Reste que chaque artiste a son genre et son style. Aujourd'hui, le seul grand cheikh par son répertoire est Salim Fergani dans son propre style.
Il y a beaucoup de grands chanteurs que ce soit de ma génération ou de celle à venir, mais chacun dans son genre. Reste que Tahar Fergani est le meilleur, les autres ne font que l'imiter. Lui c'est différent : il a créé un genre et un style à son époque.


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