Il ne reste que 6 terroristes recherchés par les services de sécurité de la wilaya de Boumerdès mais qui activent, s'ils sont toujours vivants, dans d'autres régions. L'information nous a été confiée par une source sûre. Dès lors, une question se pose : que reste-t-il d'une organisation insurrectionnelle qui avait, au milieu des années 2000, une énorme capacité de nuisance portée par plus de 2 000 éléments bien décidés et armés de kalachnikovs, de FM, de hebhebs et que cette organisation s'était dotée de moyens et de la technique pour confectionner des engins explosifs de destruction massive (véhicules piégés puis des kamikazes) alors que les seriates et les katibats se mouvaient grâce à d'importants réseaux de soutien et de financement ? En tout état de cause, les résultats de ces deux dernières années rendent les responsables sécuritaires de la région largement optimistes et ils ne manquent pas de nous le faire savoir. Mais ils observent la prudence que requiert ce phénomène qui s'est mondialisé. En fait, le risque zéro n'existe et n'existera jamais dans aucun pays ni dans aucune région de la planète. Nous avons vu que les cœurs des plus grandes capitales des puissances mondiales ont été massivement attaqués. Pour les observateurs, la neutralisation début mars à Dellys de 4 terroristes – 2 abattus et 2 capturés vivants – et le démantèlement d'un réseau de soutien de 14 individus activant dans la même ville ont assurément sonné le glas d'Aqmi dans la région de Boumerdès. D'ailleurs, au cours de discussion avec les officiers qui nous ont donné l'information sur la neutralisation de ce réseau de soutien, le terme extinction du terrorisme dans cette région a été utilisé. Le wali : penser au retour des familles dans les zones rurales Pour vérifier cet optimisme, nous avons fait appel aux meilleures sources possibles de la région de Boumerdès, à savoir le wali, Abderrahmane Madani Fouatih et un haut officier qui est dans le cœur de la bataille depuis le début de la lutte antiterroriste. Les expertises de l'officier, nous avons eu à les vérifier depuis de longues années sur le terrain. C'était, pour rappel, le premier officier à mettre en garde, en 2007, contre l'apparition des kamikazes en Algérie. Le wali avait prononcé, il y a quelques jours, lors d'une réunion publique une phrase très importante, paradoxalement passée inaperçue. Il a dit ceci : «Lors du dernier Conseil de sécurité, les membres des services de sécurité m'ont dit ceci : maintenant vous pouvez faire tout ce que vous voulez.» Par cette déclaration, le chef de l'exécutif de Boumerdès mettait en garde certains responsables de son exécutif qui se cachent derrière la situation sécuritaire pour justifier leur peu d'enthousiasme à accomplir leurs missions. Quelques jours plus tard, nous nous sommes rapprochés du chef de l'Exécutif pour lui demander de nous éclairer sur le fond de sa pensée sur ce dossier. Sans hésitation, il nous dit : «Ma phrase signifiait qu'il est temps de revenir à des priorités élaguées à cause de la situation sécuritaire. C'est un message fort. C'est la vérité maintenant que tout le monde est à l'aise et en quiétude dans son pays ou de sa wilaya. Je crois que maintenant, nous devrions réfléchir à la fixation ou au retour des populations pour trouver la formule comment développement le monde rural. J'insiste sur ça. Je n'admettrais jamais qu'il y ait des logements sociaux dans le monde rural. L'habitat rural est par contre un énorme gisement de développement des zones rurales. Maintenant, il n'est plus question d'extinction parce que, tout simplement, les gens ont tiré une leçon.» En clair, le terrorisme n'est qu'un mauvais souvenir et heureusement les Algériens ont tiré une leçon les immunisant contre ce phénomène destructeur. Au haut officier nous avons posé le problème ainsi : «Nous avons écrit il y a quelques jours que le terrorisme est en extinction dans la wilaya de Boumerdès. Avons-nous vu juste ou avons-nous donné une mauvaise information aux citoyens de cette région ?» La réponse est catégorique. «Je suis à fond avec ce constat. Effectivement, le terrorisme est vaincu. Il suffit de discuter avec les citoyens de toutes les communes pour s'en rendre compte. Bien entendu, il faut être prudent et vigilant car le risque zéro n'existe pas. Maintenant, ce qui inquiète plus nos citoyens, c'est la violence urbaine et la délinquance et aussi les problèmes sociaux», dira l'officier. Les centres d'intérêt des populations se sont déplacés vers le développement et d'autres revendications notamment le logement, les routes, le gaz, l'hygiène publique,... Pour rappel, le même officier nous avait confié, il y a tout juste une année, que «le processus historique de violence politique déclenché par le FIS se termine». Pourquoi le démantèlement du terrorisme à Boumerdès impactera le plan national ? Pourquoi la fin du terrorisme islamiste est importante dans la wilaya de Boumerdès ? Quel était l'impact des groupes armés de Boumerdès à la nuisance de ces islamistes au niveau national ? On tentera de répondre en commençant par une autre question : pourquoi les chefs terroristes depuis le MIA (Mouvement islamique armé) jusqu'à Aqmi, à la tentative d'implanter le Daesh par le biais des Djunds El Khilafa de l'»émir» Abdelmalek Gouri, passant par les GIA (Groupes islamiques armés) et le GSPC (Groupe salafiste de prédication et de combat) ont choisi cette région pour en faire une place forte de leur insurrection ? Le premier critère qui s'est imposé à eux est la géographie. La région de Boumerdès est au centre du pays. C'est un axe de transit humain vers la Haute-Kabylie, l'est et le sud-est du pays. Il existe dans la wilaya de Boumerdès des massifs montagneux réputés difficiles d'accès que sont Sid-Ali-Bounab à l'est, le mont de Djerrah au centre de la wilaya et le massif de Bouzegza à l'ouest. La wilaya de Boumerdès occupe, comme on le voit, une place névralgique d'autant que le centre du pays, du point de vue démographique et de la concentration du potentiel économique, occupe une place dominante. La wilaya de Boumerdès est le trait d'union entre les deux plus grands pôles politiques du pays également très sensibles ; il s'agit de la Haute-Kabylie et la capitale. Tout ce qui s'y passe est médiatisé. On ne peut, en outre, aller à l'une des deux régions vers l'autre sans passer par Boumerdès. Pour rappel, 80% des attentats commis à Alger à l'aide de véhicules piégés ou par des kamikazes ont été préparés dans l'une des montagnes de Boumerdès. Par ailleurs, les plus redoutables «émirs» qui ont structuré le terrorisme en Haute-Kabylie sont montés de Boumerdès. Les «émirs» de la seconde génération des mouvements armés en Algérie qui ont pris les relais des GIA sont originaires de Boumerdès ou ont des liens familiaux dans cette localité. Hassan Hattab, qui a créé le GSPC avant qu'il ne devienne Aqmi, est originaire de l'est d'Alger et il est marié à une femme de Sidi-Daoud. Abdelhamid Sadaoui, membre fondateur et numéro 2 du GSPC, également fondateur de la katibat El Ansars, la plus importante phalange affiliée au GSPC, est natif d'un village près de Bordj-Menaïel. L'actuel «émir» d'Aqmi, s'il est toujours vivant, Abdelmalek Droukdel, est natif près de Khemis-El-Khechna. L'importateur du Daesh en Algérie par le biais des Djunds El Khilafa, Abdelmalek Gouri, qui était le bras droit de Droukdel et qui régentait la plus sanguinaire katibat (El Arkam) du GSPC avant de faire allégeance à El-Baghdadi chef de l'EI (Etat islamique) pour créer son mouvement cité plus haut, est né sur les hauteurs de la ville de Si-Mustapha. La bonne stratégie de l'ANP Ce qui est rassurant dans cette bataille contre le terrorisme, c'est que l'armée, forte de son expérience de lutte contre les islamistes armés, a adopté une bonne stratégie. Elle a commencé par neutraliser les groupes de soutien. Il reste quelques individus haineux qui se recrutent au sein de certaines familles de terroristes. L'armée n'a pas cessé, en outre, de harceler par des ratissages et l'implantation de postes avancés les katibates ou les seriates dont les éléments se séparent, une fois leur forfait perpétré, en petits groupes légers et mobiles dans les maquis. L'ANP a mis beaucoup de moyens pour cibler le cœur du GSPC localisé, particulièrement, dans l'est de l'Algérois et la Kabylie. Elle a empêché, avec l'appoint de la Police nationale et la Gendarmerie nationale, les groupes d'entrer dans les agglomérations d'où l'installation des barrages fixes. Elle a, jusqu'à présent, réussi à fermer les grands axes de passage de l'armement et des munitions venant de Libye via le Sahel.