Jamais deux sans trois, dit l'adage populaire. Et le Maroc vient de confirmer la règle en se livrant à une nouvelle accusation qui fait justement «trois» avec les deux autres affaires dans lesquelles il a tenté, coûte que coûte, d'entraîner l'Algérie qui évite élégamment de se laisser aller dans des polémiques inutiles. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les derniers faits remontent à samedi, lorsqu'un communiqué émanant du ministère marocain de l'Intérieur annonce... une tentative algérienne d'introduire un groupe de ressortissants syriens sur son territoire. Il fait savoir qu'entre le 17 et le 19 avril derniers, un groupe composé de 54 ressortissants syriens «a tenté de s'introduire illégalement sur le territoire marocain» à travers la ville de Figuig, point frontalier très sensible où éclatent souvent des affaires laissant transparaître l'état délétère des relations entre les deux pays. Le même texte accuse l'Algérie d'avoir aidé ces réfugiés syriens à s'introduire en territoire voisin. Il affirme, en effet, que les difficultés géographiques et les contraintes météorologiques n'auraient jamais permis à ces personnes de traverser cette distance «sans le soutien des autorités algériennes (...) qui n'ont pas pris en considération la situation de ces immigrants en les expulsant par la force vers le territoire marocain contrairement aux règles de bon voisinage prônées par le royaume du Maroc». Le communiqué conclut en accusant l'Algérie d'utiliser le «drame humanitaire des populations syriennes» comme «carte de chantage» sur le Maroc. Rompues à ce genre de manœuvres, les autorités algériennes se sont, une nouvelle fois, refusées à réagir aux accusations. Cette attitude s'est d'ailleurs érigée en règle et le royaume d'en face ne l'ignore pas. Ne la souffre pas non plus. Pour pousser d'ailleurs cette Algérie à réagir, les autorités marocaines ont décidé d'aller plus loin en convoquant cette fois notre ambassadeur à Rabat pour lui transmettre de vive voix le message largement relayé par les médias marocains. Estiment-elles ainsi s'assurer d'une réponse qui marquerait l'ouverture d'une polémique ? Hier, Alger n'avait pas encore fait entendre sa voix. Une certitude : l'affaire intervient au moment où le MAE algérien est confronté à des ennuis de santé l'ayant conduit à l'hôpital Aïn-Naâdja où il a subi une série de contrôles médicaux. Mais Alger n'en pense pas moins. «Ce n'est pas la première fois que nous sommes attaqués de la sorte. Au cours de ces dernières semaines, nous avons été accusés, tour à tour, de ne pas nous plier à nos engagements en matière de coopération sécuritaire et de mettre sur la route du Maroc des réfugiés ayant fui les combats dans leur pays», confie un diplomate très au fait du dossier marocain. «Vous n'ignorez pas que nous n'en sommes pas à la première situation de ce genre. Le point de passage de Figuig est très connu pour les provocations et les escarmouches qui s'y déroulent entre représentants des autorités algériennes et marocaines.» Notre source confie également que les attaques du voisin ont fini par irriter les autorités algériennes, «lasses de gérer des comportements contreproductifs à la limite de l'enfantillage». Il rappelle aussi la campagne à laquelle l'Algérie a fait récemment face suite au rapatriement des immigrés subsahariens et la «promptitude des autorités marocaines à déployer soudain une grande stratégie de prise en charge de malheureuses personnes dans le désert en leur offrant des tentes et de la nourriture en faisant croire qu'elles avaient été chassées hors du territoire algérien. A ce sujet, nous n'avons de leçons à recevoir de personne, car tout le monde connaît la réalité, les Algériens en premier lieu car ils vivent aux côtés des réfugiés y compris dans les écoles et centres de soins où ils sont pris en charge. Pour le reste, il s'agit de provocation, bien sûr. Ils ont choisi le moment où le pays traverse une phase particulière et où il s'apprête à aller vers des élections dans des moments difficiles». L'affaire accentue cependant davantage la tension entre les deux pays. Pour la première fois depuis de longues années, le gouvernement Sellal n'a pas hésité à qualifier les relations avec le Maroc de «pas normales». La même déclaration avait été reprise par Ramtane Lamamra lequel avait insisté sur la disponibilité de l'Algérie à l'ouverture d'un dialogue avec le voisin. Mais au lieu de cela, il en est autre. A. C. Le ministre des Affaires étrangères a rendu public, hier en fin d'après-midi, un communiqué que nous publions dans son intégralité. Suite aux graves accusations formulées par les autorités marocaines faisant porter à l'Algérie la responsabilité d'une prétendue tentative de ressortissants syriens qui auraient essayé d'entrer illégalement en territoire marocain à partir du territoire algérien, l'ambassadeur du royaume du Maroc a été reçu ce jour, 23 avril 2017, au ministère des Affaires étrangères où il lui a été signifié un rejet catégorique des dites allégations mensongères, et auquel il a été démontré le caractère totalement infondé de telles accusations qui ne visent qu'à nuire à l'Algérie à laquelle sont grossièrement imputées des pratiques étrangères à son éthique et à ses traditions d'hospitalité bien établies. L'attention de la partie marocaine a été attirée sur le fait que les autorités algériennes compétentes ont constaté, à Béni-Ounif (Béchar), le 19 avril 2017, à 3 heures 55 minutes, une tentative d'expulsion vers le territoire algérien, en provenance du territoire marocain, de treize personnes, dont des femmes et des enfants. En outre, au cours de la même journée, à 17 heures 30, il a été constaté, à ce même poste frontalier, l'acheminement par un convoi officiel d'autorités marocaines de 39 autres personnes, dont des femmes et des enfants, en vue de les introduire illégalement en territoire algérien. A ces actions unilatérales concernant des citoyens vraisemblablement de nationalité syrienne, s'ajoutent, de manière récurrente, des faits illégaux similaires affectant des ressortissants de pays subsahariens, qui font fréquemment l'objet de transferts illégaux vers le territoire algérien. L'Algérie, qui s'est toujours abstenue, par esprit de responsabilité, de donner une portée politique et une couverture médiatique à des actes prémédités et répétitifs de cette nature de la part du Maroc, regrette profondément cette propension des autorités marocaines à surabondamment exploiter des drames humains à des fins de propagande hostile. Il importe à cet égard de rappeler que l'Algérie n'a jamais failli à son devoir de solidarité fraternelle vis-à-vis de ressortissants syriens dont pas moins de quarante mille bénéficient d'un dispositif leur assurant des facilités en matière de séjour, de scolarisation, d'accès aux soins médicaux et au logement ainsi que l'exercice d'activités commerciales. Ce même esprit de solidarité imprègne la qualité de l'accueil et des conditions de séjour que l'Algérie réserve aux ressortissants originaires de pays frères de son voisinage géographique et d'autres pays du continent africain. De toute évidence, ces exercices de dénonciation outrancière et outrageante de l'Algérie auxquels se sont livrés deux départements ministériels marocains ainsi que d'autres déclarations d'autorités officielles distillant des accusations fantaisistes tendant à mettre en doute des positions algériennes universellement saluées et soutenues, s'ajoutant à des campagnes médiatiques effrénées dirigées contre l'Algérie et ses hauts responsables, relèvent d'une stratégie de la tension qui se situe aux antipodes des exigences du bon voisinage entre les deux pays. Ces fuites en avant ne sauraient exempter le royaume du Maroc de ses responsabilités dans les impasses que vit l'ensemble maghrébin au regard des peuples de la région comme au regard de l'Histoire.