L'Afrique du Nord est-elle menacée par les troupes de Daesh ? A travers son secrétaire général, les Nations-Unies font ouvertement part de leurs craintes d'un envahissement des pays voisins avec la Libye où l'organisation terroriste essuie des coups sévères. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La gravité de la situation a même contraint Ban Ki-moon à établir un rapport confidentiel où il informe l'institution onusienne de la possibilité d'assister au repli des cellules de Daesh dans la région en cas de victoire totale à Syrte. Des extraits de ce rapport publiés par le journal francais Le Monde révèlent que «les pressions récentes exercées contre le groupe Etat islamique en Libye pourraient inciter ses membres, y compris les combattants étrangers, à se délocaliser et se regrouper en cellules plus petites et plus dispersées géographiquement à travers la Libye et les pays voisins». Le Secrétaire général de l'ONU fait remarquer que la «défaite de Daesh à Syrte semble à portée de main (...) et que des dizaines de combattants tunisiens ont d'ores et déjà pris le chemin vers leur pays avec l'intention d'y perpétrer des attentats». Selon le rapport confidentiel, la fuite des terroristes de Daesh s'effectue vers le sud, l'ouest de la région et notamment en Tunisie. La même source indique que les membres de cette organisation établis en Libye sont originaires d'Algérie, d'Egypte, du Maroc, de Tunisie, de Mauritanie et de Libye. Leur nombre global est évalué entre 2 000 et 5 000 individus. «À l'avenir, l'impact des combattants de l'EI éparpillés sur des groupes armés dans le Sud pourrait devenir une source d'inquiétude», conclut le rapport de Ban Ki-moon. D'autre part, et selon une information rapportée par les médias, on apprend que le directeur du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ) marocain a annoncé que ces services ont répertorié une liste de 1 609 Marocains ayant rejoint récemment l'organisation de Daesh en Syrie, en Irak et dernièrement encore en Libye. Le territoire libyen renferme à lui seul 800 personnes de nationalité marocaine ayant grossi les rangs de l'organisation armée. Le directeur de BCIJ précise que la menace ne concerne pas uniquement Daesh mais aussi d'autres organisations terroristes actives dans le recrutement et la préparation d'attentats tels qu'El-Qaïda ou El-Mourabitoune. Ces informations, d'une importance capitale, éclairent davantage sur les récentes alertes lancées par les autorités algériennes au sujet du transit des ressortissants marocains sur le territoire algérien. L'ambassadeur du Maroc avait même été appelé et informé par de hautes personnalités du ministère algérien des Affaires étrangères. Selon de récentes informations, les services algériens chargés de surveiller le transit des étrangers ont été instruits de refouler systématiquement tous les Marocains en situation irrégulière. Les répercussions de la situation qui prévaut en Libye concernent cependant tous les pays de la région. Difficile de ne pas remarquer que le rapport de Ban Ki-moon a cité à plusieurs reprises la menace qui pèse sur la Tunisie en raison de sa proximité territoriale avec la Libye. Ce pays est en proie à une profonde déstabilisation induite par une série d'attentats signés par Daesh. Le coup le plus spectaculaire s'est déroulé il y a quelques mois de cela à Ben Guerdane, une ville située à 25 km de la frontière libyenne où des groupes de Daesh ont attaqué une caserne faisant plusieurs morts et blessés. Le plus grave est que les assaillants ont carrément tenté d'occuper la ville en tenant un discours destiné à acquérir le soutien de la population. Sans une réaction immédiate des militaires tunisiens, la stratégie de Daesh aurait peut-être donné ses fruits... L'Algérie n'est naturellement pas en reste. Les frontières bénéficient d'un dispositif sécuritaire exceptionnel mis en place depuis de très longs mois pour parer à toute éventualité d'infiltration. On se souvient que la vigilance avait atteint son maximum suite aux informations annoncant un possible bombardement des bases de Daesh par les forces occidentales et américaines. Les autorités algériennes craignaient par-dessus tout la présence d'éléments terroristes parmi le flux de réfugiés envisagé. Il faut cependant rappeler que les pays limitrophes avec la Libye, et en particulier l'Algérie, avaient désapprouvé une intervention de ce genre axant leurs efforts sur une sortie de crise politique. Tout le processus a réussi à recentrer quelque peu le conflit entre Libyens et c'est dans ce cadre qu'a été déclenchée la vaste opération contre le bastion de Daesh à Syrte. Depuis 2015, la ville en question s'est transformée en véritable fief de cette organisation mais l'opération lancée par les forces gouvernementales a d'ores et déjà permis la récupération d'une bonne partie de la cité. Les troupes de Daesh sont entièrement encerclées par les militaires affiliés au gouvernement d'Union nationale et possèdent très peu de moyens de résister à la pression permanente des bombardements. L'avancée spectaculaire des forces gouvernementales laisse à présent penser que la victoire finale n'est pas loin. Syrte pourra à nouveau respirer un air libre. La menace se transpose sur la région.