Dans la wilaya de Bouira, les scrutins se suivent et se ressemblent. D'un côté, la région berbérophone, la région rebelle, où la population rejette systématiquement tout ce qui vient du pouvoir et cela dure pratiquement depuis le fameux boycott des élections locales à l'appel du FFS et de feu Hocine Aït Ahmed en 1990, appel qui a eu comme écho une abstention record, où des APC se sont retrouvées obligées d'élire des représentants avec un taux de participation inférieur à 5%, puis le mouvement citoyen et le Printemps noir avec le rejet total des élections et la destruction des urnes et, de l'autre côté, la région arabophone qui a toujours voté comme toutes les autres régions du pays, c'est-à-dire avec une participation raisonnable, toujours boostée par le pouvoir avec la complicité de l'administration. Les élections législatives de cette année dans la wilaya de Bouira n'ont pas dérogé à la règle : d'un côté, une région arabophone qui votait dans un air festif, avec, dans certaines communes, une ferveur qui a créé même des incidents, surtout du côté d'Aïn Bessem, où des tentatives de bourrage des urnes ont été signalées, et de l'autre, la région berbérophone où, à la participation très timide, sont venus s'ajouter les actes de violence et de destruction des urnes, qui ont amené le chef de daïra à ordonner la récupération des urnes, avant la clôture, soit aux environs de 17 heures, de peur de les voir saccagées par des jeunes qui guettaient la moindre occasion pour passer à l'action. Dans la région de M'chédallah, en effet, les choses ont commencé à se gâter dès les premières heures de la matinée de ce jeudi, avec le saccage de deux centres de vote à Saharidj, commune montagneuse située à 50 kilomètres à l'est de Bouira, dans la daïra de M'chédallah. Auparavant, durant la nuit, au village de Raffour, dans la commune de M'chédallah, un village de plus 10 000 habitants, les urnes n'ont jamais été installées au niveau des deux centres de vote ; les jeunes et parfois des moins jeunes ont barricadé la route qui y mène à l'aide de pneus brûlés, de pierres et de troncs d'arbres. Le jeudi matin, lorsque l'opération de vote a débuté, le village Raffour était totalement coupé du monde. Et contrairement aux fois précédentes où des éléments antiémeutes étaient dépêchés sur les lieux, cette fois-ci, «ordre» aurait été donné pour que les gendarmes n'interviennent pas pour créer cette provocation et ces affrontements tant voulus par des jeunes surexcités et qui étaient prêts à en découdre avec eux. Non, cette fois-ci, que ce soit à Saharidj, où trois centres de vote ont été saccagés ; deux au chef-lieu et un troisième au village d'Ath-Walban avant que celui-ci ne soit rouvert après le renouvellement des urnes dans la journée et la reprise de l'opération de vote ; soit à M'chédallah, où les deux centres de vote de Raffour n'ont pas été ouverts, privant ainsi plus de 6 000 électeurs de voter, puis dans la journée, l'autre centre de Voumejvar du village Ath-Yevrahim, a été saccagé par des jeunes vers 17h, Ighrem dans la commune d'Ahnif ou encore celui d'Ath-Bouali dans la commune d'Ath-Mansour. Tous ces centres de vote ont été saccagés dans l'après-midi de jeudi, après une journée calme, sans que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités pour dépêcher des renforts sur les lieux au courant de la journée. Cela étant, rappelons tout de même que contrairement aux années précédentes, au niveau de la région berbérophone, les élections se sont déroulées normalement dans les communes de Chorfa et Aghbalou, ainsi que dans les daïras de Bechloul et ses cinq communes, la daïra de Haïzer qui compte deux communes, ainsi que dans la daïra de Bouira, chef-lieu de wilaya et ses trois communes, avec, cependant, un centre au niveau de Bouira, qui a fait l'objet de saccage des urnes vers 13h. Il s'agit du centre de Draâ-Lekhmis mais qui a vite repris après le renfort des gendarmes. Du côté des autres régions, c'est plutôt la tension qui a régné, notamment à Aïn Bessem où le FLN, qui a toujours considéré la daïra comme son fief, s'est vu cette fois-ci rivalisé par un autre parti, le MEN dont la tête de liste Hadj Moussa Tayeb est de Sour-El-Ghozlane et la deuxième, une femme, native de Aïn Bessem et sœur du député FLN sortant, Nouri Mohamed. Pendant toute la journée, les deux partis se sont adonnés au jeu du chat et la souris, avec comme résultat, une tentative de bourrage des urnes dans la localité de Sidi-Yahia au profit du FLN, dont l'auteur a été arrêté, et la deuxième, une autre tentative de bourrage des urnes, toujours au profit du FLN, au chef-lieu de daïra d'Aïn Bessem, et dont l'auteur a été poignardé par un militant du MEN. Le jeune poignardé a été admis à l'hôpital de la ville et ses jours ne sont pas en danger. Dans les autres daïras et communes, l'opération s'est déroulée «normalement», c'est-à-dire chacun travaillait et favorisait son clan comme il le pouvait et le voulait. Cela s'est vérifié dans la soirée, avec comme premier indice, le refus de l'administration d'avancer le taux de participation. En effet, alors que pendant la journée, les taux de participation étaient donnés régulièrement, à 10h avec un taux de participation de 2,48%, puis 9,33% à 13h et, enfin, à 17h avec un taux de 15,76%, à partir de ce moment-là, c'était le silence radio. La Wilaya était devenue muette et pendant toute la soirée et même jusque tard dans la nuit, l'on n'a jamais rien su, ni du taux de participation, ni des résultats finaux. La seule chose que nous avons déduite pendant la nuit de jeudi, et cela à partir des échos qui nous parvenaient depuis ces différentes régions de la wilaya, ainsi qu'au niveau de certains résultats partiels, c'est que partout à travers les régions et les communes de la wilaya, un bourrage des urnes, quand ce n'est pas carrément un gonflage des taux dans les P-V, a été effectué. Des bourrages effectués à travers toutes les communes et d'une manière complice par l'administration et le pouvoir qui a laissé faire, et où chaque candidat croyait avoir fait l'affaire avec cette manière d'agir. Nous eûmes la certitude de cela à travers les résultats partiels qui nous parvenaient dans la nuit, avec des victoires éclatantes du PJ et sa tête de liste, le P/APC de Bouira, Hakim Oulmi, arrivé en tête dans la commune de Bouira, l'ANR dont la tête de liste, Farida Si Nacer, de Haïzer, arrivée en tête dans cette commune fief du RCD et dirigée actuellement par le RCD, qui a remporté dans les deux communes de la daïra, plus de 4 400 voix, suivie du RCD qui n'a recueilli que 300 voix ; ou encore le MPA et Boualem Zidane qui est arrivé en tête dans la région de Lakhdaria ; et bien sûr le MEN qui est arrivé en tête dans la daïra de Sour-El-Ghozlane ; puis les deux partis, le RND et le FLN qui étaient présents dans presque toutes les communes de la wilaya, mais avec un large avantage, cette fois-ci pour le RND dont la liste conduite par Dr Mohamed Bouha, l'ex-sénateur, a été très appréciée par la population. Mais, dans toute cette histoire et comme à chaque scrutin, le peuple feint de voter et le pouvoir... fait le reste et distribue les sièges. Et comme pour les précédentes élections législatives, entre ce qui sortait des urnes et les calculs des différents quartiers généraux des partis engagés et les résultats finaux communiqués par l'administration le lendemain, il y a toujours eu un océan. Et cette fois-ci, ça n'a pas dérogé à la règle : la veille, et selon les résultats et la loi électorale implacable avec ces 5% éliminatoires, seuls le RND, donné avec un score très large, et le FLN, suivi de loin, ont été donnés vainqueurs. Mais, comme pour les fois précédentes, hier vendredi, l'administration, qui a revu ses calculs pendant toute la nuit, a enfin communiqué le taux final de participation, arrêté à 26,46% qui donne des résultats finaux avec... trois sièges au RND, trois sièges également au FLN, un siège pour le FFS, un siège pour l'ANR et un siège pour le MEN. La messe est dite ! Yazid Yahiaoui Quand le wali se moque de la presse Jamais les professionnels de la presse au niveau de la wilaya de Bouira ne se sont sentis humiliés de la sorte que ce mercredi à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Invités par le wali de Bouira, Mouloud Chérifi, à cette occasion, les journalistes de la wilaya, qui ont été reçus au niveau du restaurant de la wilaya qui sentait l'odeur des plats bouillonnants, plutôt que dans un salon d'honneur, ont eu droit à.... un spectacle de magie joué par un clown et... des survêtements !? Le hic dans cette histoire est que le wali a, lors de son intervention, insisté sur ces cadeaux qui, espérait-il, «leur seront utiles dans leur travail». Une phrase qui a poussé nombre de confrères qui étaient présents à ce «traquenard» à déduire que le wali n'était pas au courant de la nature des cadeaux. Ou alors qu'il se moquait tout simplement d'eux.