Le communiqué du MAE algérien, rendu public hier matin en réaction à la crise dans le Golfe, était très attendu. Son contenu renseigne sur les préoccupations d'Alger de voir la situation se dégrader mais il met surtout en garde contre l'escalade dans la crise et appelle les pays concernés «à la nécessité d'observer, en toutes circonstances (...) les principes de non-ingérence dans les affaires internes des Etats et du respect de leur souveraineté nationale». La crainte est bien explicite : une éventuelle invasion du Qatar et ses néfastes retombées sur toute la région. Pour rappel, les faits d'abord. Le lundi 5 juin, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte avaient annoncé qu'ils rompaient leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Cette annonce qui a constitué un véritable séisme diplomatique est intervenue moins de quinze jours après la venue de Donald Trump à Riyadh où il prenait part à un sommet arabo-musulman et où il avait appelé les pays musulmans à se mobiliser contre l'extrémisme et désigné ce dernier et l'Iran comme «les ennemis du monde». Le Qatar a été pris pour cible pour «son soutien au terrorisme et notamment à Al-Qaïda, au groupe Daesh et à la confrérie des Frères musulmans». L'agence de presse officielle saoudienne justifie la fermeture de ses frontières terrestres et maritimes et son espace aérien avec le Qatar pour «protéger sa sécurité nationale des dangers du terrorisme et de l'extrémisme». La monarchie saoudienne dénonce de «sérieux abus des autorités de Doha tout au long des dernières années». L'Arabie Saoudite évoque aussi le soutien par Doha «des activités de groupes terroristes soutenus par l'Iran dans la province de Qatif, dans l'est du pays, où est concentrée la minorité chiite du royaume saoudien. Quant à l'Egypte, elle justifie sa décision par la persistance du Qatar à adopter une attitude hostile vis-à-vis du pouvoir du Caire et à soutenir les organisations terroristes et les Frères musulmans dont est issu Morsi, de même que l'appui aux opérations terroristes dans le Sinaï. Le Qatar a également été exclu de la coalition militaire arabe qui combat les rebelles pro-iraniens au Yémen. Comme il fallait s'y attendre, cette décision a été saluée par le Président yéménite qui accuse le Qatar de soutenir ses adversaires, les Houtis, et ce, malgré sa participation à cette coalition arabe. Dans les faits, la décision de rupture des relations avec le Qatar est déjà en cours d'exécution depuis 48 heures. La fermeture des frontières est totale, les diplomates sont rappelés et seuls, informe l'Arabie Saoudite, les pèlerins qataris sont autorisés à rentrer au royaume. Il est clair qu'avec de telles mesures, la richesse du Qatar ne pourra rien, l'acheminement et le trafic commercial et les échanges humains étant bloqués. Cette crise est la plus grave depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe qui regroupe l'Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, Oman, Qatar et le Koweït. Dans ce Conseil, il a toujours été reproché au petit et néanmoins richissime pays gazier qu'est le Qatar de faire un peu ce que bon lui semblait. Aujourd'hui, après cette décision très lourde de ses voisins, la réaction du Qatar a été très vive au début, accusant ses voisins de vouloir mettre son pays sous tutelle et de l'étouffer économiquement. «Cette mesure est injustifiée et fondée sur des affirmations et des allégations qui ne reposent sur aucune base factuelle», avait immédiatement réagi le ministre des AE qatari. La réaction vive, au départ, s'est toutefois mue et quelque peu modérée depuis hier, appelant ses boycotteurs à des discussions. C'est également ce que font les Etats-Unis, alliés également du Qatar. Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson a appelé les pays du Golfe à «régler leurs divergences et à rester unis». Difficile de faire plus équivoque et surtout plus hypocrite. Le communiqué des AE algériens émis hier matin est dans la droite ligne de ses principes de non-ingérence dans les affaires des autres pays. En appelant «l'ensemble des pays concernés à adopter le dialogue comme seul moyen de régler leurs différends et de transcender les divergences...», l'Algérie adopte, pour le moins, une position neutre qui la met à égale distance des protagonistes. Ce positionnement se justifie d'autant plus que notre pays avait eu maille à partir tant avec l'Arabie Saoudite qu'avec le Qatar. Lors de la réunion de février 2013 au Caire des ministres des AE de la Ligue arabe, l'Algérie avait refusé de cautionner la suspension de la Syrie de cette organisation et se déclarait contre les accusations formulées contre le gouvernement de Damas. Cette position lui avait valu alors les foudres et les menaces du Qatar. Notre pays a encore refusé de voter en mars 2016 le classement du Hezbollah libanais comme organisation terroriste. Enfin, l'Arabie Saoudite n'a encore jamais admis le refus de l'Algérie d'intégrer l'alliance armée constituée contre la résistance yéménite.