Par Boubakeur Hamidechi [email protected] A Ça patine drôlement dans la semoule en haut lieu. Alors que les récriminations des partis se multiplient, reprochant à la bureaucratie locale de se comporter en puissance censitaire modulant à sa guise les visas d'entrée en lice des candidatures, il se trouve que ni la Haute Instance (HIISE) ni le ministère de l'Intérieur ne se sentent concernés par cette «épidémie» des rejets de listes, pourtant contraire aux lois et à l'esprit des règlements. Autant qualifier ce cafouillage administratif de panne de l'appareil d'Etat même si l'on ne doit pas exclure qu'elle pourrait être un silence complice afin de gêner certains appareils partisans hostiles au pouvoir. En somme, l'on aurait inventé une opportunité administrative afin de réduire la voilure de la participation d'entre ceux-là afin de les priver d'autres perspectives. Ce serait, selon le porte-parole du parti de Benflis, «un trucage en amont des urnes destiné à nous effacer par avance». A six semaines donc de ce vote local ne concernant que l'élection des gestionnaires des territoires, les préparatifs sont loin de se dérouler dans une atmosphère de confiance comme le prétend, mensongèrement, la télévision officielle. Les critiques et les mises en garde acerbes ne sont pas rares dans les landernaux du pays profond. C'est dire qu'auprès des électeurs dubitatifs, les pronostics donnent déjà un raz-de-marée de l'abstention qui se situerait à hauteur du taux de participation lors des récentes législatives. Néanmoins, les partis tiennent, malgré tout, à concourir pour ces communales dans la mesure où les sièges de l'APC et de l'APW demeurent le meilleur levier pour l'ancrage politique et, en même temps, une éventualité d'envoyer des représentants au plan national (le Sénat) par le canal du suffrage indirect. Seulement, au vu des tracasseries dont certaines officines seraient des victimes, l'on devine que cette tâche ne sera pas aisée. Celle qui consiste à vendre des promesses à un improbable électeur en contrepartie d'un bulletin de vote qui ne sera jamais déposé dans l'urne. Cependant, malgré les propos de ces mêmes partis politiques redoutant, à petits mots, le spectre du discrédit que leur infligerait, une fois de plus, la vague du boycott, ils n'envisagent guère de renoncer à leur participation le 24 novembre. Ce sera donc avec certitude que dans un mois, la campagne s'ouvrira en présence de ceux-là mêmes qui agitèrent, lors des démarches préalables, le chiffon rouge de leur retrait. D'ici là et jusqu'au jour du scrutin, rien de particulier ne viendra perturber le rite à l'exception, peut-être, des anecdotes de tribunes souvent risibles lorsqu'elles ont trait aux projets que des candidats promettent aux badauds désœuvrés qui les écoutent... distraitement. Il est vrai qu'ils sont rares les postulants à la fonction de maire du village à pouvoir tenir un discours persuasif destiné à ses concitoyens et totalement centré sur les difficultés locales. Les déficits dans leurs formations politiques et même dans leur ressenti sociétal, qui auraient dû se traduire en thème de campagne, n'ont-ils pas fini par disqualifier la totalité des discours de tribune ? D'ailleurs, le soupçon de médiocrité, largement partagé dans l'opinion, a-t-il jamais été démenti par la suite ? C'est-à-dire sur le terrain. Là où, à quelques rares exceptions parmi les 1 800 maires du pays, des édiles furent souvent plébiscités sans que l'étiquette partisane y soit pour quelque chose. C'est que, dans notre système de semi-liberté et de «pluralisme» régulé en permanence par le pouvoir, chaque vote doit impérativement conforter la stratégie interne de celui-ci. C'est ce qui a été vérifié régulièrement lors des saisons du vote quand la parole officielle recyclait les mêmes slogans : «transparence» et «élections libres et pluralistes». Deux engagements qui s'avérèrent paradoxalement comme autant d'aveux de ce qui s'est commis antérieurement ! Cela s'appelle le piège des évidences qui finissent par arroser l'arroseur. Or, comment et avec quelques slogans en phase avec le contexte de la crise va-t-on rassurer l'électeur et l'inviter au vote après la bérézina des législatives ? Alors que l'abstention n'était guère considérée comme un défi au pouvoir mais la marque de la lassitude vis-à-vis de la médiocrité exclusive des partis, quel autre sens lui sera-t-elle donnée en 2017 au moment où la communauté nationale partage le sentiment diffus que le pays est assis sur un volcan par la seule faute d'un régime de rapine et par l'absence d'un maître à bord ? Autrement exprimé dans les cafés de commerce où se réunissent les électeurs potentiels ceux-là se demandent cette fois à quoi sert de choisir un maire et une assemblée locale quand le gouvernement n'est pas crédible et que le président de la République n'est jamais à son poste de travail ? D'où la certitude, en train de faire son chemin, que le seul acte civique qui vaille la peine désormais est celui de réfuter clairement la mascarade des urnes. C'est ainsi que les Algériens ont progressivement substitué au vote de protestation l'abstention pure et simple. Les grossières manipulations dont s'était rendu coupable le régime actuel en 2002, 2007 et 2012 furent à l'origine de la désertion en masse de l'électorat. Car, c'est à partir de cette longue expérience que celui-ci arriva à la conclusion que le pouvoir ne se préoccupait que des taux globaux puisque les résultats étaient écrits d'avance. Le non-vote devint un slogan à partir du moment où le palais multiplia les parjures en taillant et retaillant une Constitution qui réponde à son insatiable appétit de pouvoir. Désormais, la tendance lourde qui fait que l'électeur se tienne volontairement en dehors des consultations est devenue, peu à peu, une contre-morale républicaine à opposer à la traîtrise permanente du monde politique. Ayant cessé d'être l'expression ponctuelle de la souveraineté citoyenne, l'acte de voter n'est-il pas en passe de signifier une compromission mal assumée chez ceux qui, honteusement, l'accomplissent sans la moindre influence de l'environnement du moment. En effet, il a été souvent constaté que certains électeurs votent discrètement et certainement sans conviction. Un acte dénué de la moindre approbation politique mais qui s'accomplit tout de même comme une habitude. Ces électeurs sans illusion n'ignorent rien du sort réservé à leur bulletin. Mais peu leur importe pourvu que leur carte électorale soit estampillée. Un rite datant de la dictature du parti unique que le zèle des ministres successifs de l'Intérieur réactiva sous la forme d'un chantage administratif. C'est ce genre de reliquat bureaucratique qui prouve que le pouvoir a toujours besoin des taux de participation afin de maquiller son propre échec et contourner l'absence criante du véritable électorat. Une tromperie perpétuelle organisée autour d'un essaim de listes agréées pour chaque commune, afin d'installer l'illusion de l'engouement populaire. Celui d'un Etat virtuel...