Le colloque international d'Alger sur la préservation de la mémoire cinématographique s'est clôturé hier à la Bibliothèque nationale d'El-Hamma. Quatre interventions ont marqué la séance de la matinée : l'expérience libanaise, tangéroise, iranienne et catalane. Placée sous le thème «Identifier, documenter et restaurer», la séance matinale d'hier a vu l'intervention de Maya De Freige, présidente de la Fondation Liban Cinéma, qui a dressé un tableau en clair-obscur de la préservation de la mémoire filmique au Liban. Après avoir présenté un bref historique de l'évolution du cinéma libanais depuis les années 1950, la conférencière souligne que le public local exprime une certaine lassitude envers la thématique dominante de la guerre civile. Malgré cela, il est nécessaire, selon elle, de restaurer et conserver ces précieuses archives qui témoignent non seulement d'une époque de l'histoire du pays mais surtout de différentes écoles cinématographiques et d'expériences esthétiques. Mme De Freige déplore néanmoins que l'Etat libanais ne s'implique pas suffisamment dans cette action cruciale de préservation du patrimoine filmique et considère que la cinémathèque, à titre d'exemple, reste une structure discrète, si ce n'est absente, ne bénéficiant d'aucune subvention publique. Par ailleurs, des accords sont signés entre l'Etat et d'autres organisations nationales ou internationales mais rien n'est fait concrètement en raison de l'absence de structures spécialisées et de fonds propres. Pour ce qui est du travail réalisé par sa fondation, l'intervenante énumère la restauration de 500 actualités et reportages datant des années 1960-1980 ainsi que 80 fictions longs-métrages de l'époque 1960-1970. Et de citer enfin les exemples d'autres associations qui œuvrent dans ce sens à l'instar de «Oumma» créée en 2005 et spécialisée dans la collecte de documents filmiques relatifs à la mémoire du pays ; «Un club pour tous» qui préserve le patrimoine libanais à travers la diffusion de supports DVD, etc. La présidente de la Fondation Liban cinéma conclut sur le constat déplorable d'un Etat quasiment démissionnaire alors que le pays est l'un des plus développés dans le Proche-Orient en matière de formation et de création cinématographiques. Responsable de Collections à la cinémathèque de Tanger au Maroc, Elodie Saget expose l'expérience indépendante et autonome de cette salle récupérée et retapée par une association locale, «Ciné-Rif», et devenue un espace incontournable de conservation et de restauration du patrimoine filmique marocain et maghrébin. Ne bénéficiant d'aucune subvention publique, la cinémathèque est financée par des fonds propres (billetterie, produits dérivés, etc.) et par le mécénat. Avec un budget annuel de 300 000 euros, l'association active essentiellement dans la promotion et l'éducation à l'image à travers des cycles de projections ponctuels, des séances dédiées aux écoliers et aux lycéens et des ciné-clubs. Elle œuvre également pour la collecte, la préservation et la valorisation des archives sous tous les supports (super 8, 16 et 35 mm, numérique, etc.), «complétant ainsi le travail du Centre cinématographique marocain». A ce propos, le coordinateur scientifique du colloque, M. Ahmed Bedjaoui, intervient pour expliquer l'absence du CCM marocain : «Nous avons invité ce dernier et relancé l'invitation à plusieurs reprises mais nous n'avons pas reçu de réponses.» Pour sa part, M. Saeid Manzari, chef de projet à l'Institut des médias visuels dépendant du ministère iranien de la Culture, a fait un exposé historique et technique du travail entrepris par la République islamique pour la préservation de la mémoire cinématographique du pays. Le Centre national des archives filmiques fondé en 1961 et d'une superficie de 60 000 m2 dispose aujourd'hui d'un million cent mille pièces s'étalant sur un siècle d'archives ; il est également doté de quarante unités de conversion au numérique et d'un important dispositif de restauration. Il s'investit, par ailleurs, dans la formation et le recrutement d'une nouvelle génération de techniciens et d'ingénieurs qui travaillent dans des laboratoires équipés des dernières technologies. Enfin, le directeur de la Cinémathèque nationale de la Catalogne, Esteve Riambau, s'attarde sur la nécessité que la numérisation du patrimoine filmique n'empiète pas sur son identité originale : «Si un film est tourné en 35 mm, il ne doit pas être dénaturé par le travail de digitalisation.» Les objectifs de la cinémathèque catalane sont donc de récupérer, conserver, cataloguer, préserver et restaurer ; elle dispose à ce jour de 18 000 bobines, essentiellement de cinéma local, mais aussi espagnol et européen, dont certains datent des frères Lumière. Du côté numérique, la filmothèque possède 857 fichiers, essentiellement des films catalans, historiques ou inédits à l'instar de l'œuvre complète du cinéaste Javier Gosteva et de Père Portabela, deux figures incontournable du 7e art catalan et universel. A rappeler que ce colloque, organisé par le ministère de la Culture, a reçu des experts et professionnels d'Europe, d'Afrique et d'Asie qui ont échangé sur leurs expériences respectives tout au long des journées des 14 et 15 octobre. En parallèle, un cycle de projections de films algériens restaurés se tient jusqu'au 19 octobre à la Cinémathèque d'Alger avec au programme : Tahya ya Didou de Mohamed Zinet, Leïla et les autres de Sid Ali Mazif, Les déracinés de Lamine Merbah, Patrouille à l'Est de Amar Laâskri, Les vacances de l'Inspecteur Tahar de Moussa Haddad, Zone interdite de Ahmed Lallem, La citadelle de Mohamed Chouikh, L'aube des damnés de Ahmed Rachedi, Les enfants du vent de Ahmed Tsaki et Omar Gatlatou de Merzak Allouache. Ces mêmes films seront en projection à Oran (du 21 octobre au 1er novembre), Saïda (du 4 au 6 novembre), Mascara (du 7 au 9 novembre), Constantine (du 11 au 22 novembre), Annaba (du 25 novembre au 6 décembre) et Béjaïa (du 9 au 20 décembre) ; ces séances seront suivies d'un débat animé par des spécialistes du cinéma algérien.