Réalisé par Nasredine Guenifi dans le cadre des productions cinématographiques du 50e anniversaire de l'indépendance, le long-métrage fiction. Nous n'étions pas des héros a été projeté en avant-première hier à la salle Ibn Zeydoun. Inspiré du livre Le camp de Abdelhamid Benzine, campé ici par le comédien Ahmed Razzak, le film qui a mis longtemps à voir le jour, retrace le quotidien pénible des prisonniers du FLN détenus au camp spécial de Boughari. Ponctuée par des extraits du journal, la narration souligne la cruauté des officiers français, dont un capitaine sanguinaire et raciste, un adjudant-chef fan d'Hitler, des légionnaires sans scrupules et même un ancien officier SS... Affamés, crevés à la tâche, humiliés et torturés, les bagnards sont loin de l'image du héros longtemps véhiculée dans le cinéma algérien. Ce sont des êtres fragilisés et fatigués, des hommes dont l'envie de rester en vie est plus forte qu'une vaine démonstration héroïque, des combattants conscients que la liberté est proche et décidés à ne répondre aux provocations qu'en rappelant leur statut de prisonniers de guerre protégés par la Convention de Genève... Pendant son internement, à la lumière d'une bougie et dans le secret total, Benzine rédigera son «carnet de bord» qu'il réussira à faire fuiter jusqu'à Paris où il sera édité et où déclenchera une vague d'indignation qui contribuera à empêcher l'exécution programmée des prisonniers. Leurs conditions de détention s'améliorent peu à peu, notamment avec les inspections d'un général légaliste et la venue d'une commission d'enquête de la Croix-Rouge. Nasredine Guenifi semble bien décidé à restituer l'âme du livre en acceptant le défi de ne pas esquiver le caractère foncièrement humain et anti-démagogique de certaines scènes, notamment lorsque les prisonniers se plient aux caprices et maltraitances des officiers français. Si Nous n'étions pas des héros se distingue par l'honnêteté et l'audace inhabituelle de son approche, il n'échappe pas toutefois à une tentation théâtrale qui surligne quelques scènes : la brutalité répétitive et «bête» des bourreaux finissant par produire l'effet contraire sur le spectateur, devenant quasiment comique ; les prises de paroles sentencieuses des suppliciés ; l'emphase déréalisées de certaines tirades... Le film semble tourner en rond durant les quarante premières minutes, le récit peine à trouver son rythme alors que la mise en scène, prudente et académique, ne parvient pas à créer l'épaisseur dramatique souhaitée. Or, au bout de cette longue série de maladresses, on se rapproche, petit à petit, des personnages quand l'interprétation se fait moins cérémonieuse et plus intense, quand surtout, des moments d'émotion perlent discrètement à travers les moments d'écriture, de camaraderie ou de furtive fraternisation avec quelques soldats français dégoûtés par la guerre et les pratiques immorales de leurs supérieurs. Ainsi, Nous n'étions plus des héros parvient progressivement à se dépatouiller d'une lourdeur dramaturgique qui aurait pu le ranger dans le long chapelet des «commandes» dévitalisées et même si le réalisateur n'émerveille pas par une créativité quelconque, ce long-métrage se démarque d'une production étatique monolithique et sans ambitions.