Le web-documentaire de création Contraste Bladi coréalisé par Zakaria Brahami et Omar Haddad est désormais disponible sur Youtube. «Comment internet a changé la vie des Algériens» est le questionnement central de cette œuvre qui oscille entre poétique transcendante et chronologie rigoureuse de l'actualité récente. Le web-documentaire s'ouvre sur une voix féminine lisant le célèbre poème d'El Anka «El H'mam li rebitou» illustré par les images d'une silhouette inondée de lumières traversant les arcanes du Bastion 23. A mesure que se dévoilent les traits de la femme, la musique s'endurcit et vire au death-metal ou au rap alors que défilent à l'écran les scandales mondiaux révélés d'abord par Wikileaks, ensuite par les Panama Papers, et où l'Algérie n'était pas en reste. La femme se prénomme Nedjma (campée par Ibtissam Moussar), elle symbolise une révolution africaine en gestation et, à ce titre, se débarrasse du bandeau qui lui voile les yeux et des teintes jaunes qui font penser à un cadavre. C'est d'un rouge éclatant qu'elle se badigeonne le visage à présent et son regard fixe et pénétrant crève l'écran : «Je suis Nedjma. Je suis une prophétesse. J'apporte la prophétie d'une révolution africaine. Je suis ce pays qui intrigue. Je suis une déesse violée.» S'ensuivront alors des interviews de différents acteurs du champ médiatique et culturel algérien : le journaliste Khaled Drareni, l'écrivain Lazhari Labter, le chanteur reggae Sadek Democratoz, Hocine Gasmi (cofondateur du site Chouf-Chouf), la chanteuse engagée Raja Meziane, le journaliste Farid Alilat... Ils expliquent leur point de vue sur le rapport de l'Algérien à l'actualité à travers le prisme de la révolution numérique et comment il est devenu quasi-impossible de priver le citoyen de l'information à l'ère d'internet et des lanceurs d'alerte. Mais la toile est scrutée également comme espace de concentration et de promotion des idées régionalistes et racistes : le réalisateur en veut pour exemples la guerre footballistique algéro-égyptienne et le récent hashtag «Non aux Africains en Algérie»... Ces retours sur l'actualité sont ponctués par des mises en scène proches de la performance artistique où Nedjma, personnage créé comme représentation féminine de l'Algérie, se «pigmente» littéralement de toutes les couleurs de l'Afrique... Ces images saccadées apportent une esthétique poignante au film et l'allègent souvent d'un poids didactique truffé de lieux communs. Les créateurs de Contraste Bladi veulent aborder un maximum de thèmes liés au rôle des réseaux sociaux et d'internet dans la vie des Algériens et cela ne sert pas toujours le rythme de l'œuvre d'autant plus que le montage s'avère rudimentaire et que l'on bascule parfois dans la sémantique des vidéos-clips. Il n'en demeure pas moins que Contraste Bladi apporte un regard nuancé et intéressant sur ce phénomène de libération de la parole et de révélation de talents en tous genres que constitue la toile algérienne. Il prend également le parti d'un espace qui affirme, malgré les polémiques haineuses et les tentatives de cloisonnement et de censure, la pluralité culturelle du pays.