Des nerfs d'acier, du temps à en revendre et un calme de dalaï-lama : les ingrédients indispensables avant de prendre le volant. Les interminables bouchons paralysant boulevards et autoroutes sont devenus le sujet favori des Algériens, juste après le foot. Expression en vogue : «K'bert fi les embouteillages» (j'ai vieilli dans la circulation). Se rendre à son lieu de travail relève de l'exploit. Trois à quatre heures en moyenne, entre l'aller-retour à la maison. Du temps perdu pour les loisirs, la détente, le bien-être et les devoirs scolaires des enfants. Certains n'hésitent pas à quitter la maison aux aurores pour ne pas se retrouver coincés dans la jungle du pare- choc contre pare-choc. Le soir, ils préfèrent rester au bureau au-delà des heures de pointe, le temps que la circulation se fluidifie. Un véritable casse-tête chinois qui use les nerfs et ronge la santé des uns et des autres. Hamid, 43 ans «La circulation est un calvaire que je subis au quotidien. J'habite Bab Ezzouar et travaille à Dély-Ibrahim. Je mets une heure et demie pour rejoindre mon lieu de travail. Toutes les rues sont encombrées, surtout aux heures de pointe. Une véritable catastrophe. La conduite n'est plus un plaisir mais une guerre des nerfs. J'attends impatiemment le week-end pour jeter les clefs de ma voiture. Je ne supporte même plus de sortir ni pour une visite familiale ni même pour emmener les enfants en balade.» Nouria, 39 ans «Je suis commerciale et passe le plus clair de ma journée en voiture. Je rends visite aux entreprises et subis les embouteillages sur la route. Avant à Alger, les artères n'étaient encombrées qu'aux heures de pointe. Depuis quelques années, impossible de circuler, et ce, quelle que soit l'heure de la journée. Trop de voitures, trop de barrages inutiles, absence de feux tricolores aux carrefours, manque de civisme : un cauchemar pour tous les automobilistes. Par ailleurs, à cause du manque flagrant de transports en commun, les gens sont obligés de prendre leur propre véhicule. Le métro ne dessert pas toutes les directions et le tramway n'existe que dans la banlieue est. Les autorités doivent remédier à ce problème de toute urgence. A cause du stress de la circulation, certaines maladies sont en perpétuelle croissance. Personnellement, à 39 ans, je suis devenue hypertendue, diabétique et nerveuse. Je pense sérieusement à changer de métier. La conduite m'a usée !» Samira, 45 ans «J'habite Aïn Benian et travaille à Alger-Centre. Ma fille est scolarisée au lycée Sainte-Elisabeth, du Télemly. Tous les matins, c'est la course contre la montre. Réveil aux aurores pour déposer ma fille au lycée et rejoindre ensuite mon entreprise. Ça bouchonne tellement que j'essaye de rentabiliser ce temps perdu en lisant le journal ou un roman. Ma fille en profite pour réviser ses leçons. Le retour à la maison est aussi prenant. Trois heures environ chaque jour pour l'aller-retour dans les klaxons, les gaz d'échappements et le rugissement des moteurs des véhicules. Et dès qu'une goutte de pluie tombe, c'est la bérézina. Il faut compter presque une heure de plus. Le temps qu'il faut pour rejoindre une capitale européenne par avion ! Inimaginable.» Issam, 37 ans «Dans la capitale, la circulation est mortelle. De nombreux conducteurs grillent leur carburant en tournant en ville pour rien retardant ceux qui ont vraiment besoin de se rendre d'un point A à un point B. A ce propos, je suis en faveur de l'augmentation du prix du carburant. Il faut peut-être toucher à la poche du citoyen afin de le dissuader de tourner en ville pour rien. J'ai tellement souffert de la circulation infernale que j'ai fini par sauter le pas. J'ai garé la voiture au garage et acheté une moto. Désormais, je ne me déplace qu'en deux-roues pour me rendre à mon travail. Je gagne du temps et m'épargne les intempestifs bouchons qui usaient mes nerfs. Autour de moi, de plus en plus de personnes acquièrent scooters et motos pour se faufiler plus vite sur les routes et éviter d'être prisonniers des longues files de voitures. Je ne sors la voiture que le week- end, lorsque je dois me rendre en Kabylie par exemple. C'est le seul moment où je retrouve le plaisir d'être au volant.» Ras-le-bol. C'est le mot qui revient sans cesse dans la bouche des conducteurs. Circuler dans la capitale s'apparente à une corvée tant les embouteillages sont devenus inextricables. Développer d'autres moyens de transports en commun afin d'encourager le citoyens à laisser sa voiture au garage est souhaité par tous : téléphérique, tramway, bus, métro... A quand une véritable politique pour endiguer ce fléau des temps modernes ?