N'attendez pas de moi que je vous parle de la visite officielle de Karadhawi en Alg�rie. Ceux qui nous gouvernent font ce qu'ils veulent. Ils ne me demandent pas mon avis depuis 1962 et je m'en porte tr�s bien. Eux aussi, d'ailleurs. Quant au peuple, dans son ensemble, c'est une autre histoire. Dites-vous bien qu'en d�pit du cauchemar dont vous parle, quotidiennement et mieux que moi Hakim La�lam, nous ne sommes pas irr�m�diablement enlis�s. Il y a pire ailleurs. Vous avez sans doute entendu parler, comme moi, de ces enseignants qui d�daignent l'arithm�tique et pr�f�rent initier les �l�ves � la toilette des morts ou aux tourments du tombeau. Jusqu'ici, les �coles saoudiennes enseignaient la th�orie � charge pour leurs �l�ves de la mettre � ex�cution, y compris en commettant des actes terroristes qui, en th�orie, n'ont rien � voir avec l'islam. Apparemment, les exploitants des pulsions de mort ont trouv� un palier interm�diaire entre l'enseignement religieux et les camps d'entra�nement de Peshawar. Novateurs et pr�curseurs comme d'habitude, des Saoudiens ont d�cid� de passer aux travaux pratiques ou ce qui en tient lieu. Selon la tradition, les �tablissements scolaires organisent des activit�s de fin d'ann�e, hors programmes, et le choix de ces activit�s est �videmment laiss� � l'appr�ciation des enseignants. Quoique cette libert� de choix soit encadr�e par des textes et des instructions destin�s � �viter les d�rapages, ils surviennent. Sous le titre La culture de la mort dans les �coles de filles, l'�crivain Maha Fahd Al-Hujailane d�non�ait hier dans le quotidien Al-Watan ces activit�s douteuses. Premier fait rapport� par la presse : dans la ville d'Al-Khobar, � l'est de l'Arabie saoudite, des filles d'un �tablissement secondaire ont eu droit � la projection d'un film sur la toilette mortuaire. Des lyc�ennes ont fait �tat de leur �tonnement et de la frayeur qu'elles ont ressentie � la vue de ces images tr�s d�taill�es. Et c'est sans doute pour mieux les rassurer que la direction de l'�tablissement a franchi un nouveau pas. Elle a cr�� un simulacre de cimeti�re dans une des salles du lyc�e qui servait � entreposer des manuels scolaires. Le sol a �t� tapiss� de sable, on y a dispos� un squelette en plastique ainsi qu'une bo�te � l'int�rieur de laquelle on a mis une repr�sentation de cadavre. Des banderoles ont �t� d�ploy�es � l'int�rieur de ce cimeti�re avec des inscriptions comme "Le d�but" ou "La fin". On pouvait lire aussi cette invitation au voyage : "Si tu as peur de l'avenir, viens vers nous afin que nous d�terminions avec toi comment y arriver". Deuxi�me fait, cette fois-ci, dans une �cole primaire : "Le vacarme des pleurs et des lamentations monte d'une �cole � Khamis Mechayet apr�s la mort d'une fille qui regardait les t�l�visions satellitaires et lisait les brochures d'information. Son ch�timent a �t� la mort sans repentir." C'est ainsi que le quotidien Al- Hayat de Londres annonce le sujet. En effet, la mort n'est pas r�elle, il s'agit d'un passage de la pi�ce de th��tre jou�e par des �l�ves de fin de cycle primaire. Elles sont au nombre de sept et se lamentent sur le sort qui va �tre le sien � l'int�rieur du tombeau. Les �l�ves les plus jeunes ont �t� dispos�es au premier rang des spectateurs, elles manifestent autant de peur que d'�tonnement. L'une d'elles a affirm� qu'elle a �t� hant�e pendant trois jours encore par les images et les sons du spectacle. "Le plus �trange, note Maha Al-Hujeilane, c'est que la directrice de l'�ducation de Khamis Mechayet para�t soutenir ce genre d'initiatives. En guise de d�fense, elle a d�clar� : "Est-ce que les �l�ves n'ont jamais vu un enterrement? N'ont-elles pas perdu un membre de leur famille, par exemple?" L'�crivain saoudienne estime que ce genre d'activit�s ne peut qu'enraciner la peur dans la conscience des �l�ves d�s leur plus jeune �ge. Ce qui aura pour effet de tuer en elles toute id�e de joie et de bonheur. Ainsi, elles n'auront que l'image d'un tombeau qui inspire l'�pouvante. Maha Al-Hujeilane d�plore aussi que des responsables de l'�ducation ne soient pas conscients des effets psychologiques n�fastes de ces activit�s, comme le montre la r�ponse de la directrice. "J'ai �t� atterr�e par les propos de la directrice de l'�ducation de Khamis Mechayet, ce sont des propos irresponsables et irrecevables", dit-elle avant d'interpeller le minist�re saoudien de l'Education : "Si les responsables concern�s du minist�re �taient au courant de telles pratiques, le mal est profond. Ceci tendrait � d�montrer que ces responsables partagent avec les enseignants et les enseignantes les m�mes id�es et les m�mes orientations extr�mistes. Si, en revanche, ils n'�taient pas au courant, c'est alors une catastrophe plus grande." L'�cole de Damas est une v�ritable p�pini�re aussi en culture de la mort. L�-bas, ils n'ont pas attendu la "Sahwa" ou Ben Laden pour enseigner la liquidation. L'id�e de la mort n'effraie pas, surtout s'il s'agit de celle des autres. A ce titre, le r�gime de Damas est un donateur dispendieux. On lui pr�te le projet dans ses choix industriels de construire une usine de montage de voitures… pi�g�es. A Beyrouth, on ne s'interroge plus sur l'identit� des commanditaires mais sur celle des ex�cutants. Apr�s l'assassinat de notre confr�re du journal Al-Nahar Samir Kassir, le quotidien de Rafik Al-Hariri Al- Moustaqbal relevait hier qu'avant chaque meurtre, la victime �tait soumise � une campagne d'insultes. "Ce fut le cas pour Rafik Hariri et pour Samir Kassir. Aujourd'hui, notre journal est la cible d'une campagne d'insultes, faut-il en conclure qu'ils (les Syriens) pr�parent quelque chose contre nous?", s'interroge Al-Moustaqbal. La bonne nouvelle, si j'ose dire, est que le r�gime "baathiste" tue maintenant tr�s vite. D'autres opposants ont fait l'exp�rience de la torture et de la mort lente. En 1980, le journaliste Selim Ellouzi a �t� kidnapp� et assassin� par les Syriens d�s son arriv�e � Beyrouth. Il s'�tait exil� avec son journal Al-Hawadeth � Londres pour fuir les menaces syriennes. Ses bourreaux lui ont tremp� la main droite dans l'acide pour bien montrer que c'est � l'homme de plume qu'ils s'en prenaient. C'est la mort de sa m�re qui a pr�cipit� celle de Selim Ellouzi. Il savait qu'il risquait la mort en revenant au Liban mais le d�sir de rendre les derniers hommages � la d�funte avait �t� le plus fort. L'hebdomadaire Al-Hawdeth n'a pas surv�cu longtemps � son propri�taire. En faisant tuer Samir Kassir, dans un Beyrouth qui ressemble � un gruy�re syrien, Assad a encore lanc� un nouveau d�fi aux Etats- Unis. Il a savamment calcul� son risque: jamais Bush ne s'engagera en Syrie, au risque de d�clencher une r�volution chez lui. Sans compter l'hostilit� d'un monde arabe pr�t � croire aux promesses des charlatans puisque celles de ses politiques ont �t� vaines. Bechar Al-Assad ne se pr�occupe pas de l'Au-del� puisqu'il a un excellent intercesseur en la personne de Cheikh Karadhawi. Il l'a re�u en grande pompe en avril dernier, avec photos � la "une", lors d'un vague s�minaire religieux. Moyennant une alliance aussi solide, il peut se permettre de pourchasser ses propres int�gristes sans encourir la col�re de l'internationale des Fr�res musulmans. Celle-ci ne peut m�me pas lui reprocher l'assassinat de l'un des siens en Syrie. Il a d�j� un argument sans faille : c'est au Kurde qu'il en voulait, pas au Fr�re musulman.