Les pouvoirs publics ambitionnent de favoriser la cr�ation d'un million de micro-entreprises par divers m�canismes, notamment l'emploi des jeunes et l'aide aux ch�meurs de la tranche des 35-50 ans. En d�pit des assurances affich�es par le gouvernement, les structures politiques et le niveau de croissance sont loin, tr�s loin, d'assurer la cr�ation d'emplois stables et durables. Nous nous rassurons aujourd'hui � l'id�e que les r�serves de p�trodollars sont de nature � r�tablir les vieux �quilibres reposant sur l'�change de paix sociale (de nos jours la r�conciliation) contre une diffusion �quitable de ce qui reste de la rente apr�s les ponctions qu'auront op�r�es les pr�dateurs en poste � diff�rents niveaux de l'Etat. La guerre d'usure que peut livrer l'�quipe dirigeante � la soci�t� pour asseoir une politique impopulaire a pour effet de repousser sans cesse les �ch�ances jusqu'� ce que le co�t de l'immobilisme devienne prohibitif pour la soci�t� tout enti�re. Lib�ralisation des prix, d�valuations successives, privatisations opaques, compressions d'effectifs se poursuivent sur fond de grands �quilibres macro�conomiques retrouv�s par la gr�ce divine du seul levier de la rente p�troli�re. Dans ces conditions, le seul d�bat politique autoris� porte sur l'impact redistributif des ajustements draconiens en cours entre les groupes dirigeants et leurs suppl�tifs p�riph�riques. Dans une �tude r�cente*, le Fonds mon�taire international trouvait �troublants � les co�ts (en pourcentage des ventes) de cinq variables qui commandent le �climat des investissements� en Alg�rie : - difficult�s � assurer le respect des contrats : 25 %, - r�glementation : un peu moins de 20%, - corruption : un peu plus de 15%, - criminalit� : un peu moins de 10%, - infrastructures peu fiables : un peu moins de 10%. L'�tude nous rapproche de la situation de la Tanzanie, des pays comme la Pologne, la Chine ou le Br�sil affichant des performances meilleures. Au bout du compte, il ne peut y avoir ni croissance, ni d�mocratie. Bien que sujet � d'insurmontables r�serves, l'impact des variables sociopolitiques dans la mesure �conom�trique des d�terminants du d�veloppement offre un r�confort intellectuel certain : les r�gimes autoritaires peuvent �tre statistiquement associ�s � des performances �conomiques m�diocres**. Leur particularit� commune est de faire table rase des exp�riences du pass�. Or, soutenir que l'importance du stock d'id�es ant�rieures facilite ou stimule l'apparition d'id�es nouvelles est un lieu commun ; tout comme observer que chaque id�e ouvre le champ � d'autres id�es potentielles, selon un cheminement arborescent. Conform�ment � la c�l�bre phrase d'Isaac Newton : "J'ai vu plus loin parce que j'�tais assis sur les �paules de g�ants", le progr�s technique, loin de tomber du ciel, r�sulte de l'activit� des chercheurs et du stock de connaissances dont ils disposent. C'est justement le maillon faible de notre �conomie. Il en est de m�me en politique. En Alg�rie, un tel processus d'accumulation f�conde a peu de chances d'aboutir dans l'imm�diat. Il y a � cela une premi�re raison : la combinaison de la �rente mat�rielle� (les domaines des colons, les biens vacants, puis le p�trole des trusts) et de la �rente symbolique � ont donn� au syst�me de pouvoirs en vigueur et de rigueur en Alg�rie une l�gitimit� type �compromis populiste � encore fortement nourrie des �troitesses �lumpenprol�tariennes � du PPA des ann�es 40. Un tel �continuum� ne d�pend pas de la seule �sympathie � que peuvent se reconna�tre l'un des p�res fondateurs de l'OS, en l'occurrence A�t Ahmed, et le pr�sident de la R�publique, mais de f�cheuses tendances lourdes qui transcendent toutes les institutions. Les compromis assurent l'extinction des conflits entre adversaires qui, apr�s affrontement, acceptent, au moins pour un temps, la base d'une coop�ration : les conditions venant � changer les luttes reprennent. Les conqu�tes politiques et sociales qui organisent les soci�t�s d�mocratiques modernes n'ont pas d'autre origine historique. Si elles sont consid�r�es comme l�gitimes, c'est en grande partie parce qu'elles ont rendu les violences moins fr�quentes et moins meurtri�res, substituant aux �changes de coups les �preuves de force. Les chances de progr�s ne r�sident pas dans la suppression des conflits par des moyens ext�rieurs, mais dans la mise en œuvre des conditions favorables au d�gagement de la f�condit� de conflits appr�ci�s par tous les int�ress�s. La sagesse nous conduit ainsi au bord du dialogue, c'est-�-dire de l'�change libre en vue d'approximations de valeurs comme la libert� et la justice. Ce dialogue est �minemment actif. Il est une forme sublim�e du bin�me luttecoop�ration. Il doit permettre de mieux conna�tre les forces en pr�sence et leurs rapports asym�triques et de faire aboutir, plus s�rement et pacifiquement, donc plus d�mocratiquement, ce bin�me. Une telle qu�te n'est pas un luxe, ni un vœu pieux mais une n�cessit� absolue. Vitale. Reste le niveau de croissance. Elle �volue sur un fond de d�liquescence de l'appareil de production qui atteint un niveau critique, alors que rien de strat�gique ou de durable n'a �t� engag� pour la juguler : ni restructuration, ni mise � niveau, ni privatisation. La r�duction des capacit�s de production se poursuit, entra�nant dans son sillage des pertes de march�s. A d�faut de planification, indicative ou autre, de matrice ou de tableau de bord, l'improvisation et l'urgence sont �rig�es en actes de haute politique. Le "contenu en emploi de la croissance" offre un rapport tr�s variable d'une �conomie � l'autre, avec une �lasticit� fort de l'emploi par rapport � la croissance. Une comparaison �tablie sur une p�riode de vingt ans (de 1972 � 1991), donc suffisamment significative, atteste que l'�conomie fran�aise est sans doute celle qui, avec la Grande-Bretagne, donne les plus mauvais r�sultats : sa croissance conna�t le plus faible contenu en emplois. Avec une croissance de 1% l'emploi ne s'accro�t en France que de 9,4 pour dix mille, soit, en chiffres arrondis, un rapport de 1 � 10 entre la croissance de l'emploi et celle de l'�conomie. Le mod�le am�ricain est certainement plus efficace, puisque les trois quarts de la croissance "servent" � cr�er des emplois. Son oppos�, le mod�le europ�en, est d'un rendement tr�s faible, puisque inf�rieur au huiti�me de la croissance. Entre les deux, le mod�le japonais, dans lequel environ le cinqui�me d'une tr�s forte et tr�s rapide croissance est consacr� � l'emploi, et le mod�le europ�en am�lior� des pays scandinaves o� le rendement est de l'ordre du quart. Le Cnes le confirmait r�cemment***, la cr�ation d'emplois et la lutte contre le ch�mage rel�vent aujourd'hui essentiellement de l'intervention de l'Etat � travers les divers programmes cat�goriels, r�gionaux et sectoriels mis en œuvre : les programmes de soutien � l'emploi initi�s d�s 1987, le Plan de soutien � la relance �conomique initi� en 2001 et le Plan national de d�veloppement agricole et rural mis en œuvre en 2000. L'�volution g�n�rale de l'emploi se caract�rise par une nette am�lioration du niveau de cr�ation d'emplois, en particulier dans le BTP, mais aussi par la pr�carit� du march� du travail du fait de la dominance des emplois temporaires et peu qualifi�s g�n�r�s en marge de l'�conomie structur�e, et ce, au d�triment de l'emploi salari� permanent. Autres caract�ristiques : la tertiarisation de l'emploi en raison du poids des services marchands et de l'administration, la stagnation de l'emploi dans le secteur de l'industrie, la stabilisation des effectifs et la progression de l'emploi ind�pendant. Le tertiaire et autres emplois pr�caires non adoss�s � des formations s�rieuses (cybercaf�s et autres kiosques � journaux) ne suffisent pas � absorber ce double d�ficit. Ils sont tout au mieux de la poudre aux yeux. A. M. • Finance et d�veloppement, Le climat de l'investissement : une donn�e primordiale, mars 2005, p. 41. • Limougi et A. Przeworski, Political Regimes and Economic Growth, Journal of