Première rencontre régionale des journalistes et professionnels des médias à Oran : des recommandations pour soutenir et promouvoir la profession journalistique    Sonelgaz signe avec la société égyptienne "Elsewedy Electric" un mémorandum d'entente dans les domaines de l'énergie    Algérie-Biélorussie : examen des opportunités de partenariat dans le domaine des infrastructures de stockage agricole    Le ministre égyptien des Affaires étrangères salue le rôle de l'Algérie en faveur des causes arabes    Recensement de 16.000 biens wakfs en Algérie    Batna : une exposition tout en diversité pour étrenner le mois du patrimoine    Hadj 2025 : réunion de la Commission intersectorielle permanente    Conseil de sécurité : les A3+ exigent un retrait "immédiat et sans conditions" des forces étrangères de Libye    Sadaoui annonce la création du "Prix de l'innovation scolaire"    Importance de construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie et son image    Mascara : décès du Moudjahid Mouffok Malek    1e Festival national "Printemps d'Oran" en mai à Oran    Oran : M. Meziane préside l'ouverture d'une rencontre régionale réunissant journalistes et professionnels des médias    Journée du Savoir: Chaib participe par visioconférence à une activité organisée par le consulat d'Algérie à Bobigny    L'interdiction par l'entité sioniste des médias internationaux à Ghaza dnoncée    L'Algérie prend acte    L'arbitre Ghorbal hors-jeu...    Malgré le déstockage d'énormes quantités, la pomme de terre reste chère    USMA – CRB en finale    Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    Les frappes israéliennes continuent de tuer des civils    Un projet et vision de développement de l'art    Diverses activités culturelles au programme    Sport/Jeux Méditerranéens-Tarente 2026: organisation d'un séminaire international pour mettre en lumière les préparatifs    Foot/formation des préparateurs physiques: début du 4ème module à Tipasa    Ouverture officielle de l'appel à candidatures algériennes    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Un risque de dévaster les économies les plus vulnérables    Les dernières pluies sauvent les céréales    Plus de 3.600 véhicules volés en 2024 !    «Je reviendrai plus fort et meilleur qu'avant»    Lorsque le stratagème de l'ALN l'emporte face à l'arsenal militaire colonial    Foot/ Coupe d'Algérie 2024-2025 (1/2 finale) : l'USMA donne rendez-vous au CRB pour une finale passionnante    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



ICI MIEUX QUE L�-BAS
L��tranger Par Arezki Metref [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 17 - 07 - 2005

La plage du Rouet, � Carry-Le Rouet, est en demi-lune. La crique est balafr�e par une jet�e qui cl�t un port minuscule o� des bateaux de plaisance ondulent sous le mistral. Un sexag�naire � la t�te de Piccoli et au bedon d'assidu de l'ap�ro entre dans l'eau glac�e en s'auto-stimulant : �Il ne manque que le pastis, tin !� (Imaginez l'accent marseillais). J'�carquille les yeux. La finesse m'�chappe, il s'en aper�oit. �On a d�j� le gla�on !�, dit-il dans un rire grand comme cette mer qui a tant de rives, parfois, � souvent � hostiles les unes aux autres, qu'elle fait � elle seule un monde qui vaut tous les mondes.
�Sur l'immense pass� de la M�diterran�e, le plus beau t�moignage est celui de la mer elle-m�me�, �crivait Fernand Braudel. Parle, mer, dis ! Dis ta m�moire �plus vieille que la plus vieille des histoires humaines qu'elle aura port�es� ! La colline tombe � pic dans la mer, h�riss�e de pins maritimes, en une falaise coup�e � la serpe. Bond�e, la plage reste paisible, ferm�e dans la perfection d'une anse qui ne laisse rien voir sur les flancs. Tout ce que tu peux voir d'ici, c'est la ligne de fuite de l'horizon. Tu devines, � la couleur qui mue, le partage des eaux. Par le miracle de l'imagination, tu gommes les constructions et la petite plage plonge alors dans les limbes de la m�moire pour rappeler ces criques d�sertes dans lesquelles Ulysse accostait dans les p�plums de l'enfance. Au cin�ma l'Eldorado, au bord de l'oued El-Harrach, la mer en technicolor, un bleu pastel, faisait oublier l'eau �paisse des excr�ments de toute la Mitidja que la rivi�re pestilentielle s'appr�te � balancer par-dessus bord. Ah ! Ulysse ! Celui-l� ! Il n'en finit pas de parcourir les mers et lorsque, frapp� par la limite d'�ge, condamn� par la p�remption, il se met sur cale, il reste, pour le sillage, autant d'Ulysses qu'il y a de gouttes d'eau dans l'oc�an. Un voyage qui ne finit jamais ! Un vertige ! Le Rouet, encore. Le vent murmure dans les m�ts des embarcations pench�es vers l'onde le chant d'Hom�re. Les p�r�grinations d'Ulysse s'�gr�nent �tape apr�s �tape et c'est la m�me rapsodie qui fulmine au ras du sable br�lant : la m�lancolie de la condition d'�tranger. Ulysse, l'�tranger ! Le Rouet, toujours. Un peu plus tard, alors que le soleil est vertical, qu'il tape dur sur la calotte cr�nienne � faillir bouillir la cervelle dans sa marmite, j'entends ces bribes de dialogue d'un Pagnol qui roulerait au m�lange, comme cette mobylette � laquelle les beurs des ann�es 1980 comparaient la France : �On devait aller se faire un sandwich � la Plaine mais on y a renonc�. Le mec avec qui je suis ne mange que hallal�, dit une jeune Asiatique � sa voisine, une jeune femme aux cheveux blonds cendr�s. Le Piccoli de circonstance sort de l'eau, congel�. Il s'�broue au soleil puis �tend une serviette � m�me le bitume. Je me dis, comme �a : c'est la faute au soleil, � ce sacr� soleil ! Quand il te tanne le cuir chevelu, tu ne sais plus o� donner de la t�te. C'est d'ailleurs ce qui s'est pass� pour Meursault, le personnage paum� de l'Etranger de Camus. Puisqu'on y est, je verrais bien le Rouet comme cette plage ferm�e sur laquelle, � cause du soleil, Meursault tire sur l'Arabe, �et c'�tait comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur�. M�moire de la mer. Cette plage ressemble tant � celles de chez nous, de l'autre c�t� de ce �trait archa�que de la g�ologie du globe� (Braudel, encore) qu'est la M�diterran�e, que des souvenirs se mettent � glisser un peu comme des �les. Camping au Chenoua, aux temps de l'espoir. La tente plant�e entre les arbres et la discutaille autour du feu, avec les menus bruits de la mer fermant les fen�tres pour rentrer chez elle pour la nuit. Autre s�quence : L�o Ferr� chantant, sur la sc�ne du th��tre de plein air de Sidi Fredj La m�moire et la mer. Pendant que les vagues s'�crasaient avec une fureur harmonique contre le mur dans son dos, il crie: �Rappelle-toi ce chien de mer que nous lib�rions sur parole/ Qui gueule dans le d�sert des go�mons de n�cropole�. Ivresse de la baignade � A�n-Taya, � Surcouf, � Decca-Plage. Plongeons � la plage du Lido. Brass�es initiatiques � la Verte-Rive. Emois adolescents au rythme du ressac � la crique d'Alger-Plage en �coutant Marie Jolie des Aphrodite's Child. Plus loin dans le temps, ce spectacle vesp�ral des chalutiers s'en allant du petit port de Cherchell avec, en guise du bruissement des vagues, le fatalisme de Bahr Ettoufane d'El Badji. Plus t�t, bien plus t�t, lorsque la t�l� commen�ait � peine � entrer dans nos chaumi�res, cet hymne � la mer, en interlude, d'Abderrahmane Aziz : El Bahr ! Et toujours, comme un trait permanent, ces fugues � Douaouda-Marine, ces pas sur la gr�ve et ces mains tendues vers le soleil comme vers une nouvelle divinit� de l'amour. L'ennui, c'est que le temps passe. L'ennui aussi, c'est de n'avoir pas assez de place dans ta m�moire pour 1200 km de c�te, sans compter les millions de kilom�tres de toutes les autres c�tes qui sont aussi les tiennes, et des mill�naires d'histoire. Le Rouet, suite et fin. La plage entame sa sieste digestive. Direction : Avignon. Ce n'est pas au bord de la mer, mais c'est tout comme. Cela fait 59 ans que le festival de th��tre tient bon. Au seul volet off, il y a quelque chose comme 700 pi�ces. Le vertige, l� encore. Mais dans ce maquis de la trag�die, le but est pr�cis. Au th��tre des �Corps saints�, Marc Gooris, un com�dien belge de la compagnie de la Grande Ourse, est seul sur sc�ne. Le d�cor est �l�mentaire : une table, une chaise, un lit et un seau d'eau. Dans la salle, le public retient son souffle. Il fait une chaleur d'�tuve l�-dedans. Le com�dien se l�ve et entonne le c�l�bre : �Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-�tre hier, je ne sais pas.� C'est la premi�re phrase de l'Etranger d'Albert Camus. Pendant une heure et demie, avec la force du d�sespoir, il raconte l'histoire absurde de Meursault, cet homme sur lequel tout glisse, qui plane � une telle hauteur d'insensibilit� qu'il n'est plus dans la communaut� des hommes. Il est � la hauteur des anges. Du bien, du mal ? �a d�pend o� tu es. Et voil�, justement, la sc�ne de la plage au cours de laquelle Meursault tue sans raison et sans mobile celui que Marc Gooris n'appelle pas l'Arabe. La chaleur dans la salle est la r�plique de l'air enflamm� de �toute cette plage vibrante de soleil (qui) se pressait derri�re moi�. La chaleur et le jet de mots froids : c'est la douche �cossaise. Tu sors de l� comme du bain � la plage du Rouet : tu grelottes de froid dans le soleil caniculaire. C'est qu'il y a comme un hiatus avec ta propre peau. C'est �a qui fait l'�tranger, c'est la peau. Quand elle devient un pays o� tu te sens mal, tu es alors �tranger partout.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.