La Banque mondiale est enfin sortie de sa tani�re � propos des questions de retraite. Elle ose maintenant dire tout haut ce qu�elle cachait (et m�me d�mentait r�guli�rement) sur sa volont� de proposer, voire d�imposer, des solutions ultralib�rales aux syst�mes de retraite en place dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb, dont l�Alg�rie particuli�rement. Pour ce faire, elle passe par l��dition d�un �rapport� propre � la r�gion, rapport qu�elle m�diatise par un communiqu� paru le 23 ao�t dernier et qu�elle a largement diffus� aupr�s de la presse alg�rienne. Les journaux alg�riens se sont d�ailleurs pour la plupart content�s de publier, dans leurs �ditions des 24 et 25 ao�t 2005, de tr�s larges extraits de ce communiqu�, amplifiant ainsi les recommandations de la Banque mondiale qui apparaissent comme des directives incontournables pour les gouvernements des pays concern�s. Dans les colonnes du Soir Retraite, depuis 2000, nous n�avons cess� d��voquer les solutions d�vastatrices de la Banque mondiale et du complexe des gouvernements en place � se sentir li�s par ces rem�des ultralib�raux. Pas plus tard que dans notre �dition du 13 juillet 2005 � �Les craintes justifi�es de la FNTR �voqu�es lors de son 4e congr�s/ La Banque mondiale ne d�sesp�re pas d�obtenir la lib�ralisation du syst�me de retraite� �, nous �voquions la d�marche de cette institution financi�re rappel�e par son �ministre� de la protection sociale � Robert Holzman, qui consiste � b�tir un syst�me de retraite � plusieurs vitesses � en fonction de l��pargne de chaque futur retrait�, sur les d�combres du syst�me par r�partition bas� sur la solidarit� entre salari�s. Le nouveau �rapport� de la Banque mondiale � 286 pages, disponible uniquement en version anglaise, (une synth�se de 18 pages en fran�ais est tr�s loin de refl�ter le document original),� est un v�ritable programme politique de gouvernement en mal de r�forme o� les orientations id�ologiques antisociales sont pr�sent�es comme des v�rit�s qu�il faut prendre en compte de toute urgence. En voici quelques-unes, tir�es du communiqu� de la Banque mondiale. Il est �urgent de r�former les syst�mes de retraite au Moyen-Orient et en Afrique du Nord car ils sont soumis � des pressions financi�res croissantes�. Pourquoi urgent et qui a quantifi� ces pressions financi�res ? Le rapport ne le dit pas. M�me le titre de ce document est directif : �L�heure est au changement�, la Banque mondiale l�a d�cid�, il faut le croire et s�ex�cuter ! On nous fait savoir que ces travaux sont le r�sultat d�une �premi�re �tude r�gionale portant sur plus de 30 r�gimes de retraite dans 13 pays�, �tude qui va jusqu�� pr�coniser �une s�rie de mesures qui permettrait aux gouvernements de r�former progressivement des r�gimes de retraite dont ils ne peuvent assurer le financement � terme, et d��viter ainsi des crises � l�avenir�. Le lecteur appr�ciera les expressions utilis�es : mesures, r�former progressivement, financement � terme et crises � l�avenir. L�avertissement et la sommation sont clairs : si vous ne suivez pas nos directives, vos syst�mes de retraite s�effondreront ! Les syst�mes de retraite en place sont trop g�n�reux ! Et d�appuyer ces orientations sur un faux diagnostic : �Les probl�mes des r�gimes de retraite de la r�gion tiennent � leur faible taux de couverture, � la fragmentation de leur administration et � la mani�re dont ces syst�mes sont con�us, tous facteurs ayant des incidences n�gatives sur les incitations et sur l��quit�.� Sous le couvert d�une m�me r�gion qui n�est pas du tout homog�ne dans ses syst�mes de retraite en vigueur, la Banque mondiale se permet des constats qu�elle g�n�ralise � tous ces pays. Et l�institution d�avouer que �ces syst�mes de retraite essaient d�offrir des prestations trop g�n�reuses�. Trop g�n�reux, 75% du SNMG (7 500DA par mois) comme pension minimum pour plus de la moiti� des 1,6 million de retrait�s en Alg�rie ? M�me les 80 % comme taux maximum est remis en cause par la Banque mondiale, s�appuyant sur les retraites dans les pays riches : �En moyenne, les travailleurs, � la fin d�une carri�re compl�te, b�n�ficient d�une pension �quivalant � 80 % de leur revenu avant le d�part � la retraite. Ce taux est beaucoup plus �lev� que les pensions promises dans 24 pays � revenu �lev�, o� les pensions repr�sentent en moyenne 57 % des revenus pendant la vie active�. Et un des chefs de la Banque mondiale, venu � plusieurs reprises en Alg�rie ces derni�res ann�es, d�y aller de son analyse : �La crise du r�gime des retraites est souvent associ�e au vieillissement de la population, ce qui est trompeur. Dans la r�gion MENA (NDLR : r�gion du Maghreb et du Moyen- Orient) o� 60 % de la population est jeune, les r�gimes de retraite connaissent d�j� des difficult�s financi�res�, d�clare Christian Poortman, vice-pr�sident de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l�Afrique. Ce qui ne l�emp�chera pas, dans le m�me communiqu�, de prendre un raccourci en annon�ant, en panne d�arguments, que �le probl�me est donc d�ordre structurel et non d�mographique. C�est maintenant qu�il faut prendre des mesures de r�forme. Si la r�forme du r�gime des retraites est remise � plus tard, il faudra effectuer des ajustements majeurs par la suite et cela aura pour cons�quence de faire endosser le co�t de la r�forme aux g�n�rations futures�, a-t-il ajout�. Le mot est l�ch� : structurel. Donc, gare aux gouvernements des pays de la r�gion � vouloir tromper plus longtemps la Banque mondiale qui ne se contentera plus de �mesurettes� : elle veut des r�formes en profondeur et haro sur la r�partition. Elle va m�me jusqu�� distribuer des satisfecit et exprimer son m�contentement aux pays de la r�gion, l�Alg�rie �tant �pingl�e � tous les coups. Extrait du communiqu� de la Banque mondiale : �La r�forme du r�gime des retraites n�a pas progress� au m�me rythme dans l�ensemble de la r�gion MENA. Certains pays comme l�Alg�rie, la Libye et la Syrie en sont au tout d�but du processus de r�forme ou n�ont pas encore commenc� � en d�battre. Dans d�autres pays tels que l�Iran, l�Irak, la Tunisie et le Y�men, les d�bats sur les grandes orientations en sont � un stade plus avanc� mais une strat�gie coh�rente n�a pas encore �t� arr�t�e. Djibouti, l��gypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Cisjordanie et Gaza, par contre, ont fait des progr�s importants dans ce domaine, en r�digeant des l�gislations novatrices et en introduisant des r�formes structurelles.� Les bons et les mauvais �l�ves La Banque mondiale va jusqu�� dresser une feuille de route pour chaque pays, selon que le pays ait d�j� commenc� ou non � mettre en application les directives de Washington. Elle d�finit 3 cat�gories d���l�ves�. 1re cat�gorie : Elle exhorte les cancres de la classe � ses yeux (dont l�Alg�rie) �qui en sont au tout d�but du processus de r�forme � �valuer de fa�on tr�s compl�te les probl�mes financiers auxquels les syst�mes de retraite sont confront�s. En l�absence de telles �tudes de base, il n�est pas possible d�engager le d�bat sur les avantages et les inconv�nients de diff�rents programmes de r�formes. 2e cat�gorie : Les pays, dont �l�objectif imm�diat est de passer des directives strat�giques � un plan de r�forme d�taill�, ce qui exigera un travail d�analyse suppl�mentaire et la recherche d�un consensus.� 3e cat�gorie : �Le dernier groupe doit encore consolider une strat�gie de r�formes int�gr�e et passer au stade de l�ex�cution�. Dans ce rapport, la Banque mondiale n�h�site pas � s�en prendre au syst�me de retraite par r�partition, lui pr�f�rant le syst�me par capitalisation � la loi du chacun pour soi � se cachant derri�re l��chappatoire de� l�anciennet� : �Tous les pays ont des syst�mes de retraite li�s aux revenus, financ�s par r�partition, et qui datent de la fin des ann�es 1960 et du d�but des ann�es 1970. Aucun changement n�a �t� apport� � la structure des syst�mes depuis lors� ! La r�f�rence et l�allusion id�ologiques � les ann�es 1960 et 1970, c��tait le socialisme, montrent l�indigence de l�analyse et de l�argumentaire des experts en�r�volution n�olib�rale� de la Banque mondiale. M�me les femmes salari�es � une minorit� dans les pays de la r�gion � n��chappent pas � l�acharnement de la Banque mondiale : le rapport essaie de montrer que �dans toute la r�gion, la l�gislation relative aux pensions offre aux femmes une plus grande souplesse quant aux d�cisions de d�part � la retraite et celles-ci b�n�ficient de prestations aux survivants plus s�curis�es, une politique qui repose sur l�hypoth�se que les hommes sont les principales sources de revenu des m�nages. Cette particularit� de la l�gislation a toutefois pour cons�quence de rendre les femmes plus vuln�rables � la r�forme du r�gime des retraites�. Donc, de se poser en d�fenseur de ces femmes et d�avertir �les d�cideurs (qui) devront mettre au point des m�canismes qui tiennent compte de l�impact potentiel de telles r�formes sur les femmes.� Ce rapport de la Banque mondiale contient des directives dangereuses : le pays de la r�gion qui ferait la tr�s grave erreur de les mettre � ex�cution court le risque de jeter de l�huile sur le feu d�un front social en �bullition. Djilali Hadjadj Pour en savoir plus sur ce rapport, consultez le site Web de la Banque mondiale.