Ferhat Mehenni prochainement invité à quitter le territoire français    Les nouveautés présentées au Président Tebboune    Adjal lance un projet de centrale solaire à Guerrara    Aménagement du port commercial    Une offensive du M23 qui bouleverse l'équilibre régional    289 journalistes assassinés depuis octobre 2023    L'Onu met en garde contre l'aggravation de l'escalade    Ligue 2 amateur : L'USB en mission «abordable» à Chelghoum Laïd    Le MCA tombe à Rouissat, l'ASO Chlef s'impose dans le derby de l'Ouest    CAN-2025 : La Télévision algérienne acquiert les droits de diffusion de 15 matchs    Un plan de développement intégré pour moderniser la ville de Boumerdès    Session de formation sur le cadre juridique de l'hygiène    Démantèlement d'un réseau criminel spécialisé dans le vol de véhicules et les cambriolages    Bendouda tient des rencontres de concertation    Les lauréats primés    Les aïeux colonialistes de Robert Ménard n'ont rien construit en Algérie    Un seul peuple, une seule patrie, un seul destin    Le Président Tebboune signe un Décret accordant une grâce totale à Mohamed El Amine Belghith    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



KABYLIE STORY II
8. Toudja, histoire d�eau Par Arezki Metref
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 10 - 2005

On r�cup�re Nadir Azeggagh � Tala-Ighil. On se dirige vers la carri�re ETR, pr�s de Boulimat, que tout le monde continue � appeler la carri�re Lombard. Pour y entrer, � mi-chemin entre la mer et le sommet de la colline, on cahote sur une piste rocailleuse. Lorsqu�on stoppe le moteur, nos cheveux sont couverts de poussi�re blanche. Le chaos de ces poussi�res qui s��l�vent de la carri�re contraste avec la nettet� des couleurs de la mer.
Nasser, grosse moustache noire � balai, calot de particules blanches, saute de l�engin qu�il conduisait.
- Alors, tu nous accompagnes ? lui demande Nadir.
- Non, il n�y a pas assez d�ouvriers pour que je puisse me lib�rer cet apr�s-midi.
- Normal, r�torque simplement Nadir.
- Vous allez voir un certain Salah de ma part, dit Nasser. Vous le trouverez � c�t� du Souk El Fellah. C�est par l� qu�il habite. Nasser remonte sur son engin. Nous prenons la voiture. Radio-Soummam rediffuse une �mission d�hommages � Ahmed Azeggagh � laquelle Nadir, son cousin, avait particip�. Je m�aper�ois, en �coutant cette cassette, � quel point le jeune homme assis � c�t� du chauffeur parle bien kabyle et combien il tient � le parler. Mustapha, happ� par son volant qu�il tient consciencieusement, regrette, lui, de ne pas savoir le parler. Joindre Toudja, c�est parcourir ce mince ruban d�asphalte qui dessine des courbes montant vers Adrar Aghvalou, nom kabyle de Toudja. Au pont de l�oued Ghir, il faut quitter la route d�Alger et s�engager sur le chemin N�34 qui m�ne � Sigli. Le chemin s��l�ve vite. Il serpente sur les flancs de la montagne. La route n�en finit pas de grimper, de r�tr�cir, de se d�grader. C�est la route des Cr�tes, celle qu�a suivie l�ouvrage romain qui devait faire rentrer l�eau d�Ain Saur � B�ja�a.
- Si �a se trouve, cette route est telle qu�elle a �t� laiss�e par les Ponts et Chauss�es coloniaux, d�plore Nadir qui ne l�avait pas prise depuis belle lurette. Elle n�a jamais �t� refaite, en effet. Plus on grimpe, plus la v�g�tation se rar�fie. Des touffes d��pineux affleurent de la roche brune. Nadir remarque :
- En hiver, Adrar Aghvalou para�t, vu de B�ja�a, comme un chapeau blanc pos� sur un bonhomme de neige. Apr�s une ultime c�te, on aborde Ifren. Avant le village, des arbres calcin�s. L�endroit est souvent la proie des incendies. Tout r�cemment encore, le feu a frapp�. Quand on entre dans Ifren, huit colonnes romaines vous accueillent comme des gardes monumentaux aux pieds �cart�s d�un mont � l�autre. Ces colonnes, dont l�une est dress�e dans la cour d�une maison, sont les vestiges de l�aqueduc gr�ce auquel les Romains ont commenc�, en l�an 152, � acheminer l�eau de Toudja � Saldae que l�Empereur Antonin le Pieux (r�gne de 138 � 161) dotera de canalisation. L�eau parvenait par un souterrain qu�ils ont du mal � construire � cause d�une erreur de trac�. Retrouv�e � Lamb�se, une st�le raconte les m�saventures du niveleur Nonius Datus, un v�t�ran de la 3e l�gion Augusta, envoy� � Saldae pour rectifier le percement de la montagne dont les galeries creus�es des deux c�t�s � la fois suivaient un cours parall�le au lieu de se rejoindre. Apr�s bien des p�rip�ties, Nonius Danus pousse ce cri de satisfaction : �J�ai achev� l��uvre�. Un souterrain d�une vingtaine de kilom�tres achemine l�eau en ville o� elle se d�versait dans des citernes construites sur les hauteurs. De ces citernes partaient des canalisations vers les fontaines publiques et les citernes priv�es. Au XIXe si�cle, l�ing�nieur fran�ais Beno�t consacre une �tude approfondie � l�eau de la source de Toudja. Il la qualifie de rare en raison de ses qualit�s deux fois mill�naires et de sa teneur en min�raux et oligo-�l�ments. Plus loin dans le village, une st�le blanche est dress�e � la m�moire des moudjahidine de la guerre de Lib�ration. On se trompe de route. Au lieu de prendre � droite, nous allons vers Bouhaten. De la fum�e s��l�ve de derri�re une colline.
- C�est encore un incendie ? s�inqui�te Mustapha.
- Non, c�est juste une autre carri�re, le rassure Nadir. La route grimpe raide. Puis, elle descend. Pendant un moment nous montons et nous descendons comme sur une montagne russe. Paysage d�sert. Canicule. Et soudain, sortant de nulle part, debout sur un rocher, un vieux monsieur, v�tu d�un bleu de Chine �lim�, coiff� d�un chapeau de paille, semble exposer ses ailes d�Icare aux foudres du soleil. - On lui demande notre chemin, propose Mustapha.
- Normal, l�che Nadir. Ce mot, qui veut � la fois tout et rien dire, signifie, en l�occurrence, ce n�est pas la peine. Je comprends que Nadir ne veuille pas demander le chemin. Ce serait comme interrompre une m�ditation. Apr�s d�duction, nous prenons � droite. Le mont Aghvalou fonce sur nous un peu plus � chaque virage. Toudja �tant blotti � ses pieds, la direction est n�cessairement la bonne. Coiffant un tertre, un �difice en pierres ocre dresse vers le ciel la lettre Z de l�alphabet tifinagh, symbole d�amazighit�. Ce monument ne comporte aucune indication �crite. Par le silence et la majest� de sa situation, il plante d�entr�e de jeu l�importance accord�e ici aux questions d�identit�. A A�n Saur, la place du march�, o� la source de Toudja est captur�e dans une sorte de mausol�e, on s�enquiert de Salah. La premi�re personne � qui on demande nous indique le Souk El Fellah. De la place, o� nous attendons un gamin revenir avec Salah, nous sommes dans l�ombre du mont Aghvalou, pain de sucre couleur ardoise, qui nous toise du haut de ses 1317m. Dans le chaos g�ologique qui glisse vers A�n Saur, on devinerait presque le cheminement de l�eau. La fa�ade repeinte en un bleu touar�gue, le Souk el Fellah a �t� converti en �cole de formation pour jeunes filles. N�osant pas s�enqu�rir ouvertement des motifs de notre pr�sence, l��picier proc�de de biais :
-Vous venez donc de B�ja�a ?
- De plus loin encore, botte en touche Nadir. Un barbu conventionnel, gandoura � rayures et claquettes locales, essaye de capter l�attention des importuns que nous devons �tre � ses yeux. Il parle voix haute � un jeune qui se trouve � l�autre bout de la place. On comprend bien le message. Des jeunes, adoss�s au mur, font la chronique du village dans un kabyle aussi pur que l�eau de la source. Salah arrive, enfin. L�homme porte la soixantaine us�e par le labeur. Barbe de quelques jours, chemise frip�e, il a la placide distance des gens revenus de tout. Il s��tonne de notre demande. Mais il finit par admettre qu�on puisse trouver quelque int�r�t � visiter Toudja. Il commence par nous expliquer que la particularit� locale est naturelle : l�eau est courante 24/24. Ce n�est pas rien ! Mustapha, le chauffeur qui m�accompagne, rompt sa r�serve pour s��tonner que le quartier o� se trouve le caf� dans lequel nous p�n�trons s�appelle Aharrach. Il vient lui-m�me d�El Harrach, une banlieue d�Alger. Et pour parfaire ce qui lui semble une conspiration, dans un poste cassette pos� sur le comptoir gr�sille Ya rayah de Dahmane El Harrachi, version originale. -Avant, la source alimentait les moulins � bl�, dit Salah en d�signant une direction vers la vall�e. On arrive au petit march� qui se tient continuellement � A�n Saur. Des remorques de tracteurs sont remplies de fruits de saison. Des camionnettes d�bordent de tomates, poivrons, pommes de terre. A un angle de la place, un kiosque propose des lunettes de soleil bon march�, toutes sortes de colifichets et des cartes de recharge Djezzy pour t�l�phone portable. Attenant � la source, un mur est tapiss� de pochettes de DVD : La ligne verte, avec Tom Hawks ; La bible Joseph, avec Ben Kingsley ; Cromwell; October 22; Meurtre sur commande; R�sistance � Les murs de l�ancienne mosqu�e sont tavel�s de moisissures. C�est l�effet de l�eau. Toute la grosse robinetterie qui permet de r�guler et de canaliser l�eau de la source est enferm�e dans une d�pendance gard�e comme un coffre-fort. Une grille creus�e dans un mur cr�me. Au-dessus, une main appliqu�e a trac� � la peinture rouge ces lettres en italiques : Source de Toudja. Avec Salah, on entre dans un minuscule r�duit au sol tremp� et aux murs r�sonnant du ronflement du d�bit. Un homme s��chine � placer un jerrican massif sous le charchar qui sort au bas du mur. L�op�ration semblant compliqu�e, il nous c�de la place le temps de puiser un pichet d�eau et de le boire cul sec. J�aurais bu de la Toudja authentique, � la source. Au jour d�aujourd�hui, on ne sait trop ce qu�on nous met dans les bouteilles. La place d�A�n Saur tient lieu aussi de station de taxi et de bus. Devant les roues d�un camion Jal, une enfilade de jerricans de 50 et 100 litres. On le remplit d�eau de Toudja qui, conditionn�e en des formats domestiques, est �coul�e sur le march� parall�le. Des camions, des camionnettes et m�me des conduites int�rieures attendent patiemment d��tre charg�s des jerricans d�eau qui vont alimenter le trabendo hydraulique. Salah, notre guide impromptu, �voque avec nostalgie les oranges d�Aghvalou comme on �voque les palais des Mille et une Nuits : une r�f�rence aux fastes. On se prom�ne � pr�sent dans les all�es qui s�parent les jardins. Partout, comme autant de cornes d�abondance, des citronniers, des n�fliers, des orangers, des figuiers. Juste au-dessous de la source, le jardin est un petit paradis. Il fait penser � l�harmonie et � la fertilit� de ce jardin que n�a pas cess� de d�crire Mohand ou M�hand dans sa m�taphore de l�existence et de l�amour. Partout aussi, l�eau est abondante. Ici, elle sinue dans des rigoles qui irriguent la terre. L�, elle est incarc�r�e dans de gros tuyaux noirs. Dans chaque jardin, on construit des r�servoirs et des bassins. Dans l�un de ces bassins, grand comme une piscine olympique, plein � ras bord, l�eau refl�te la blancheur m�tallique du ciel. Autrefois, l�eau coulait librement. Il n�y avait pas besoin de tous ces tuyaux noirs pour la canaliser chacun pour soi. Aujourd�hui, les propri�t�s sont cl�tur�es et gare aux chapardeurs de fruits. Pour descendre vers la for�t, il faut emprunter ce sentier jalonn� d�oliviers centenaires. Leurs troncs sont comme des sculptures. Le temps artiste aura pass� l��ternit� � tailler la moindre rainure pour composer l�harmonie brune de l��uvre. Paradoxalement, c�est en descendant un peu, en se pla�ant dans une cuvette form�e par le face-�-face entre l�Aghvalou et d�autres monts moins �lev�s, que l�on a le panorama le plus complet des villages �parpill�s sur les flancs de la montagne. D�ici, on voit les bourgs et villages qui forment l�aarch Itoudjen, la tribu de Toudja : A�n Saur bien s�r, mais aussi Bou Berka, Ifren, Zouyat Sidi N�allah, Toudja. On voit aussi, en regardant vers la vall�e, une tache blanche briller dans la v�g�tation. C�est la nouvelle usine de conditionnement de l�eau et des limonades Toudja. Salah, ce natif de l�Aghvalou, qui a grandi avec la musique de la source cognant sur la pierre, n�est s�r que de ceci : pour �tre bonne, l�eau de source doit couler naturellement. Elle ne doit toucher � aucune canalisation.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.